"The Sun on Sunday" signe-t-il la fin de l'ère du trash pour les tabloïds britanniques ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Beaucoup plus de sport et de l'information people moins "scandaleuse" que "News of the World".
Beaucoup plus de sport et de l'information people moins "scandaleuse" que "News of the World".
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Poudre aux yeux ?

News International et son patron, Rupert Murdoch, ont lancé le premier numéro de The Sun on Sunday, dimanche dernier. Une édition dominicale du célèbre quotidien tabloïd, qui vient combler la disparition de l'hebdomadaire très trash News of the World, à coups de prix réduit, d'information sportive et d'actualité people destinée à une audience plus familiale.

Hugh Schofield

Hugh Schofield

Hugh Schofield est correspondant en France pour la BBC.

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Atlantico : Pourquoi les tabloïds marchent-ils toujours aussi fort alors qu’ils occupent un marché ultra-saturé et qu’Internet a également investi l’information à sensation ?

Hugh Schofield : Il y a toujours un malentendu de la part des étrangers concernant la presse tabloïd. Tout ce qu’elle relaye n’est pas bidon, même si ça l’est probablement aux trois quarts. Il y a du news, de l’éditorial, du commentaire, du sport… Ce n’est pas totalement vide de contenu. Il y a une tradition anglaise du savoir écrire pour un lectorat qui aime autant le divertissement que l’information. Les tabloïds souffrent aussi de la crise de la presse et de l’émergence d’Internet, mais ils avaient des ventes si élevées qu’ils l’ont moins subie.

Les tabloïds aujourd’hui sont-ils plus sages qu'avant le scandale des écoutes de News Of The World, et cette différence va-t-elle perdurer ?

Il y a eu une prise de conscience, qu’elle soit honnête ou pas. Rupert Murdoch a feint d’ignorer ce qui s’est passé, et a joué la carte de la culpabilité malgré tout, en endossant en partie la responsabilité du scandale, en tant que propriétaire. Il a donné la consigne de faire pénitence, ou au moins de faire semblant. Il a laissé quelques mois s’écouler avant de lancer un nouveau tabloïd, The Sun on Sunday, qui est moins cher (NDLR : 50 pences, environ 60 centimes), plus simple, moins trash et dispose d’une orientation plus "familiale" que celle de News of the World. Il y a beaucoup plus de sport et de l'information people moins "scandaleuse". Cette posture va sans doute perdurer, même si beaucoup de journalistes jugent l’attitude de Murdoch hypocrite depuis le début. Mais, dans la profession, nombreux sont ceux qui pensent qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain : les tabloïds sont aussi responsables de la bonne santé de la presse britannique, et de sa liberté de ton. Nous avons une presse qui est plus débridée et plus excessive. Il ne faut pas tout sacrifier sur l’autel du politiquement correct. Il y a eu des dérives qui ne sont pas possibles, mais les journalistes britanniques ont peur de perdre ce qui va bien dans notre presse, comme notre liberté de ton.

Le succès du tabloïd n’est-il pas une solution pour l’avenir de la presse écrite ?

Il y a toujours la crainte que seule l’information sensationnelle fasse vendre, car c’est beaucoup moins cher à produire, et qu’il n’y a pas besoin de payer des enquêteurs « haut de gamme ». Les journaux qui ont le plus à craindre sont les quotidiens très sérieux comme The Independent, qui ne connaissent pas les plus gros tirages. Mais même les tabloïds ne sont pas indemnes face au développement de l’information sur SmartPhone, et sur tablettes tactiles. C’est pour cela qu’ils ont besoin eux aussi de développer une offre sur ces supports. Si l’on regarde le marché britannique, on constate que le quotidien qui vend le mieux, le Daily Mail, est aussi le mieux placé sur Internet. C’est un journal "Mid-Market", pas vraiment un tabloïd, qui diffuse toutefois beaucoup d’information people, se positionne à droite, et a réussi sur le net en développant l’actualité sur les célébrités. C’est aujourd’hui l’un des sites web d’information les plus consultés au monde. Donc il vaut mieux s’inspirer de l’information tabloïde, d’une manière ou d’une autre.

Pourquoi le format tabloïd ne fonctionne pas en France ?

Il marche pourtant en Allemagne et dans les pays nordiques, qui ont copié en partie le modèle britannique. Mais en France, il y a une conception élitiste du journalisme. Les journalistes sont souvent issus d’une même couche sociale, et ont tendance à s’adresser à leurs pairs, plutôt qu’au lectorat populaire. De plus, il existe en France un système de subventions de la presse qui permet aux journaux de survivre en vendant moins qu’ailleurs. Ils n’ont pas forcément besoin de capter de nouveaux marchés. Le développement de la presse populaire dans les années 1960-70 n’a pas vraiment touché le marché français. Et le côté typiquement britannique des tabloïds est également l’une des raisons pour lesquelles ce format n’a pas pris en France. Il y a une sorte de lutte culturelle qui se cache derrière tout ça.

Propos recueillis par Romain Thirion

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