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Virus H5N1 : la communauté scientifique dit stop aux savants fous
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Plus Hyde que Jekyll

Des scientifiques qui travaillaient sur des souches virales du H5N1 transmissibles entre mammifères ont décidé de faire une pause de 60 jours dans leurs recherches, poussés par la communauté scientifique qui craignait que ces virus mutés ne s’échappent des laboratoires.

Axel Kahn

Axel Kahn

Axel Kahn est Président de la Ligue contre le cancer. Il a été à la tête de l'Université Paris Descartes de 2007 à 2011.

Axel Kahn est l’auteur d’une vingtaine de livres dont plusieurs ont été des bestsellers, notamment Et l’homme dans tout ça ? (NiL, 2000), Comme deux frères. Mémoire et visions croisées, avec Jean-François Kahn (Stock, 2006), L’Homme, ce roseau pensant (NiL, 2007),"Être humain, pleinement", (Editions Stock, 2016).

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Atlantico : Des scientifiques qui travaillaient sur des souches virales du H5N1(lié à la grippe A) transmissibles entre mammifères ont stoppé net leurs recherches, sous les injonctions de la communauté scientifique. Une bonne décision ?

Axel Kahn : Autant que je sache, ce n’était pas leur intention à l’origine. Ils n’ont pas voulu créer un virus H5N1 qui se transmettait entre mammifères. Ce sont des mutations qui sont survenues, et étudiant le virus qui était issu de ces mutations, ils ont effectivement observé qu’il pouvait se transmettre entre furets, et donc entre mammifères.

Partagez-vous leur décision d’arrêter leurs recherches pour se concerter avec la communauté scientifique ?

Ils se sont comportés de manière correcte vis-à-vis de la communauté scientifique. Je faisais partie de ceux qui considèrent qu’ils devaient s’arrêter. Le jeu n’en valait pas la chandelle. Le risque pris ne justifiait sans doute pas les intérêts potentiels de cette recherche.

D’ailleurs, eux-mêmes, dès qu’ils ont observé ces propriétés potentiellement redoutables, en ont fait part à la communauté et ont demandé que l’on s’engage dans un débat pour savoir ce qu’il convenait de faire.

Quel était donc l’intérêt principal de continuer la recherche ?

Ce que nous craignons tous, c’est un virus H5N1 qui se mettrait à être très contagieux, comme le virus grippal habituel. Si jamais cette mutation survenait dans la nature (et elle peut très bien survenir, chez un porc par exemple ou une personne affectée par deux virus concomitamment – un H5N1 aviaire et un virus grippal normal) il faut se préparer à trouver un médicament pour stopper l’épidémie. Il vaut mieux l’avoir avant plutôt que de se mettre à mener des recherches après coup. En soi, cette recherche n’était pas tout à fait fantasmagorique et avait sa raison d’être.

En revanche, il s’agit d’un virus potentiellement très dangereux qu’il convient de manipuler dans des conditions de confinement biologique les plus sévères (des conditions de confinement biologique de niveau 4 que l’on utilise pour manipuler des virus type Ebola). Naturellement, tant que tel n’est pas le cas, il y a des risques d’un accident ou d’un échappement. Par conséquent, même si l’on essaye de minimiser les risques au possible, on ne peut jamais être à l’abri d’une rupture de confinement et d’une apparition de ce virus dans la population générale.

Dans ces laboratoires H4, en règle générale, on travaille sur des virus infectieux qui sont apparus spontanément et qui sont responsables d’épidémies souvent horriblement graves (le virus Ebola quand il frappe une population tue entre 50 et 70% de la population). Cela étant dit, on ne peut pas ne pas travailler sur ces virus. Mais est-il bien utile de se mettre à travailler sur des virus qui n’existent pas encore ? Cela pourrait inciter à se mettre à fabriquer tous les virus qui pourraient être potentiellement redoutables…

Concernant la publication des données, quelle est votre opinion ?

Le problème s’est déjà posé lorsque des équipes scientifiques avaient reconstitué le virus de la grippe aviaire il y a quelques années. Mon sentiment est que, dans ces cas-là, il faut demander à des commissions ad-hoc de la communauté internationale s’il faut publier les données relatives à l’expérience. Personnellement, je ne le publierai pas.

Je ne suis pas terrorisé par la menace bio terroriste. Il n’empêche qu’un groupe, ayant la volonté de mal faire, pourrait avoir les moyens d’utiliser de telles informations génétiques pour fabriquer de redoutables virus, trouver un moyen de s’en prémunir et ensuite les utiliser comme des armes de terreur massive. Il n’est pas utile de donner à ces éventuels bio terroristes la recette de ce qu’il convient de faire.

Connaissez-vous des précédents du même ordre ?

Ce n’est pas rare du tout. L’exemple le plus célèbre se situe au tout début du génie génétique lorsque l’on a démontré qu’il était possible de transmettre des fragments d’ADN d’un organisme à un autre (en d’autres termes, fabriquer des organismes génétiquement modifiés). Une telle inquiétude a saisi la communauté que l’on a organisé une conférence au terme de laquelle il a été décidé un oratoire mondial d’une année sur ces recherches.

Iriez-vous jusqu’à dire que les scientifiques se responsabilisent de plus en plus ?

La question est complexe. Au premier abord, je vous dirai plutôt oui. Mais d’un autre côté, la puissance des outils scientifiques et technologiques augmentent tellement que la bonne question serait de dire : « Est-ce-que le niveau de responsabilité et de sagesse progressent au même rythme que le pouvoir des chercheurs ? » Cela, ce serait bien hasardeux de l’affirmer…

Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud

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