Pourquoi les politiques n'assument pas l'engagement pour motif économique de l'armée française en Afrique<!-- --> | Atlantico.fr
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Le facteur économique est l'un des volets essentiels de l'engagement français en Afrique.
Le facteur économique est l'un des volets essentiels de l'engagement français en Afrique.
©Reuters

Bonnes feuilles

Le facteur économique est pourtant l'un des volets essentiels de l'engagement français en Afrique. Extrait de "Le déclin de l'armée française" (2/2).

Catherine Durandin

Catherine Durandin

Catherine Durandin est historienne et écrivain. Elle a consacré de nombreux ouvrages à la France et aux relations européennes notamment Douce France.

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"L’évolution en cours est soulignée : il est de moins en moins souhaitable que la France se trouve seule en position de régler les crises mais, tout de même, le dispositif militaire français permanent se chiffre à 6 000 hommes, répartis entre le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Tchad et Djibouti. Le glissement s’opère d’une action franco-française à la mise sur pied de brigades relevant de la Communauté écono­mique et monétaire des États d’Afrique de l’Ouest et de la Communauté économique d’Afrique centrale… Le discours se veut lisse mais il se fait incertain sinon vague, lorsqu’il est question des accords de défense. Le général Bentégeat estime : « La révision de ces accords de défense donnerait lieu à des débats complexes et comporterait sans doute plus d’inconvé­nients que d’avantages. » De ces inconvénients, le général ne nous dit mot. […]

Les engagements en Afrique, en fonction des accords de défense, ou sous mandat de l’ONU avec ou non parti­cipation de l’UE, demeurent discrets. Nulle « héroïsation » des combats. Cela, parce que la cause et l’intention à l’ori­gine de l’engagement, ne sont pas, le plus souvent, claire­ment annoncés. Les discours qui se répètent pour rassurer l’opinion quant à une transparence supposée des enjeux ne changent rien à l’ambiance plus ou moins feutrée de la prise de décision. Le président martèle qu’une stratégie de sécurité nationale associe, sans les confondre, la politique de défense, la politique de sécurité intérieure, la politique économique et la politique étrangère. Le chef des états-majors, l’amiral Guillaud, le 11 octobre 2011, à l’ouverture de la session annuelle de l’Institut des hautes études de défense nationale qui réunit quelques représentants sélectionnés des élites civiles et militaires, se montre pédagogue : « L’outil militaire réside in fine dans sa capacité à apporter, face à une menace mettant en cause la survie de la nation, une réponse de puissance qui peut et doit faire plier la volonté de combattre l’adversaire. »

Survie de la nation ? Étrangement, dans un pays capitaliste comme la France, l’engagement pour motif économique indispose. Or, le facteur économique est l’un des volets essentiels de la protection des intérêts nationaux. En Afrique, il en est un de taille : le pétrole ! Protéger les intérêts français d’Elf alors sous contrôle de l’État a guidé la politique africaine de François Mitterrand. Protéger Total, que les majors américaines au Tchad visent à évincer, ne plus soutenir Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire alors qu’il se rapproche des conseillers américains : l’enjeu pétrolier est sans cesse présent.

La continuité du discours moralisateur, l’emphase et la gravité de formules telles que la survie de la nation, ne trompent pas les citoyens qui se sont accoutumés à la pour­suite des interventions post-coloniales par des gouverne­ments de droite comme de gauche, et se détache des faits d’armes, se montre insensible aux pertes que ces opérations engendrent. De temps à autre, une affaire à rebondisse­ments, médiatisée – telle que la saga Elf qui éclate au début des années 1990 et se poursuit devant les tribunaux, en 2003, au fil des réseaux tentaculaires dévoilés – secoue l’indiffé­rence douillette : ce sont alors les implications politiques et politico-mondaines qui nourrissent le suspens.

Pour Total, les activités d’exploration et de production en Afrique se portent bien : la région constitue l’un des princi­paux pôles de croissance de la production du groupe établi en Algérie, Angola, Cameroun, Côte d’Ivoire, Égypte, Gabon – où Total a installé sa plus ancienne filiale –, Libye, Madagascar, Mauritanie, Nigeria, République du Congo et Soudan."

Extrait de Le déclin de l'armée française, François Bourin Editeur.

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