Lettre d’une Franco-israélienne à la France<!-- --> | Atlantico.fr
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Des juifs israéliens prient devant le Mur des Lamentations lors d'une journée de prière dans la vieille ville de Jérusalem, le 19 octobre 2023.
Des juifs israéliens prient devant le Mur des Lamentations lors d'une journée de prière dans la vieille ville de Jérusalem, le 19 octobre 2023.
©Yuri CORTEZ / AFP

Douleur

Atlantico publie la lettre d'Olivia Cattan, franco-israélienne.

Olivia Cattan

Olivia Cattan est écrivaine, journaliste, présidente de Paroles de Femmes et de SOS autisme.
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Comment décrire ce que nous ressentons ici, en Israël ? Je me rappelle ces moments en France, lorsque la sécurité d’Israël était en danger. J’étais survoltée, je me sentais impuissante, et participais aux manifestations en clamant le droit d’Israël à vivre et à se défendre. Je m’épuisais en me battant contre tous ces antisémites et antisionistes que je côtoyais dans mon travail. Certains n’avaient même pas mis le pied en Israël et à Gaza et se permettaient de juger et de condamner Israël et toute sa population, sans aucune parcimonie ni mesure, motivés par leurs préjugés et leur haine des juifs, ou par idéologie simpliste, avec les bons d’un côté et les méchants de l’autre, par ignorance, ou encore pour des considérations purement électoralistes. Je tentais de leur parler, de les convaincre parce que je pensais encore naïvement que les juifs avaient encore une place à gauche.

Mais vu d’ici, tout est tellement différent. Je laisse à l’extrême-gauche, ses compromissions, ses communiqués lâches et nauséeux qui nous rappellent les heures les plus sombres de la France. Vous ne pouvez pas faire de demi-mesure et vous cacher derrière la défense du peuple palestinien. Défendre les Gazaouis et la solution à deux États, que de nombreux juifs défendent aussi, n’a rien à voir avec les images d’enfants enlevés, de jeunes innocents assassinés en train de danser, et de familles entièrement décimées. Comment osez-vous appeler cela de la résistance ? Ces femmes qui ont été exhibées nues, frappées, violées et démembrées. Est-ce encore de la résistance ? Vous, qui avez mis au plus haut dans vos programmes politiques, la violence faite aux femmes. Vous, qui avez en vos rangs de prétendues féministes !

Alors, je ne veux plus me soucier aujourd’hui de ceux qui ne veulent pas voir, ni savoir, ou qui nous haïssent parce que juifs. Aujourd’hui je ne rêve plus d’idéalisme de gauche. J’ai les yeux grands ouverts.

Je me contente de me montrer utile à mes frères et sœurs Israéliens qui souffrent.

J’ai donné mon sang, proposé mon aide dans les associations et les hôpitaux pour participer à cette solidarité qui s’est mise en place. J’aurai été prête à prendre les armes pour défendre mon peuple. Moi, qui étais une pacifiste. Parce que la seule réponse aujourd’hui à la barbarie est d’y répondre par de la violence pour assassiner, une bonne fois pour toute, l’inhumanité de ce monde. Nous ne parviendrons jamais à soigner ceux qui sèment la terreur, les « déradicaliser », les éduquer et les rendre meilleurs. « On ne peut vaincre le mal que par un autre mal », comme le disait Sartre pour éradiquer le monstre qu’est le terrorisme.

Dans mon cœur, il n’existe pas de communauté juive, chrétienne et musulmane, il existe seulement deux camps, celui du Bien et celui du Mal, et une seule Humanité. L’attaque que vient de subir Israël n’est que le miroir de ce que nous subirons tous. Nous l’avons d’ailleurs déjà subi avec Samuel Paty, le Bataclan, et Charlie Hebdo.

Je tenais à vous écrire aujourd’hui, même si je suis fatiguée, sidérée, et habitée par une tristesse infinie. Je ne dors plus beaucoup entre les sirènes, les bombardements qui résonnent, et la valse des hélicoptères. Je ne sors presque plus, je m’occupe de mes parents et de mon fils autiste, en essayant de le protéger de la peur et de la colère. Je pleure durant des heures pour les otages et leurs familles, en regardant leurs visages, et en lisant leurs messages. Puis, je prie pour nos soldats qui sacrifient leurs vies pour que la nôtre reprenne, pour que nous retournions à la plage, que nous dansions dans le désert, et que nous allions manifester pour la démocratie. Toutes ces choses que nous faisions avant, naturellement, et sans se rendre compte qu’elles pouvaient s’arrêter d’un coup. Certains d’entre nous avaient presque oublié que derrière ce merveilleux coucher de soleil de Tel Aviv, le pays était en guerre, face à des ennemis redoutables parce que déshumanisés. Les gens du sud d’Israël étaient peut-être les seuls à le savoir, subissant les attaques de roquettes dans la quasi-indifférence de l’autre partie du pays.

Une fois que la guerre sera finie, nous devrons évidemment tirer les conséquences de ce nouveau pogrom. Lorsque le bruit assourdissant des armes aura cessé, nous devrons trouver et condamner les responsables de ces massacres, je parle des nôtres. Ce ne sont pas les services de renseignements ou l’Armée qui ont failli, mais celui qui n’a peut-être pas su être leur chef. Celui qui a négligé le social au profit de l’aspect sécuritaire, obligeant les Israéliens à avoir deux emplois pour vivre. Tous ces sacrifices imposés à son peuple pour en arriver finalement à un tel délitement de notre sécurité. En tant que peuple, nous avons, nous aussi eu tort. Nous avons été trop arrogants, en sous-estimant notre ennemi. Nous avons placé une trop grande confiance en la technologie en perdant l’ADN de notre défense, la puissance de nos hommes et la force de notre stratégie militaire. Nous avons aussi cru que nous étions des Occidentaux, libres de faire la fête avec insouciance, sans être sous surveillance. Nous avons aussi pensé que nous pouvions être fracturés et désunis, avec les gens de gauche et de droite, chacun de leur côté, avec les religieux et les laïcs se disputant pendant Kippour. Ce désastre doit au moins servir à nous ramener à l’essentiel, la défense de notre terre.

Lorsque nos larmes et celles des familles endeuillées auront fini d’inonder la terre d’Israël, nous devrons, encore une fois faire pousser l’arbre de vie, et nous relever dignement comme toujours. Nous l’avons déjà fait après la Shoah et chacune de nos guerres, et nous le ferons à nouveau parce que nous sommes le vaillant peuple d’Israël. Nous reconstruirons nos villes et notre confiance en nous-mêmes.

Puis, il nous faudra trouver un dirigeant, un homme fort mais juste, un guerrier, mais un visionnaire qui travaille à la paix, un chef qui sache diriger ses troupes, mais aussi rassembler tous les siens.

Une fois que les Israéliens auront fait ce qu’ils doivent faire, il faudra s’asseoir à la table des négociations. Mais pour le faire, il faudra être deux.

Le plus difficile sera donc de trouver un interlocuteur appartenant au même monde que le nôtre. Un Palestinien musulman mais pas un terroriste islamiste, un Palestinien qui pense au bien-être vital et économique de sa population et qui protège la vie de ses concitoyens, au lieu de s’en servir comme bouclier humain ; Un Palestinien qui éduque les futures générations de valeurs humanistes, au lieu de les gaver de haine et de programmes propagandistes mortifères ; un Palestinien qui ne voile pas les femmes de force, mais qui respecte leur émancipation, leur dignité, et leur liberté. Un Palestinien qui ne tue pas les homosexuels, mais qui respecte leurs droits. J’ose espérer que cet homme existe pour l’avenir de nous tous.

Alors à vous mes amis Français, de confession juive, chrétienne et musulmane, qui m’avaient témoignée tant d’amour et de soutien ces derniers jours, n’oubliez pas une chose, s’en prendre aux Israéliens, c’est toujours s’en prendre aux juifs. Il n’y a qu’à voir les craintes des grandes Nations qui protègent leurs communautés juives parce qu’elles savent depuis bien longtemps, sans vouloir officiellement le dire et l’admettre, que l’antisémitisme et l’antisionisme ne font qu’un, et que c’est la haine du juif qui fait rage en France, à Londres, et dans toutes nos grandes capitales du monde. Régler le conflit israélo-palestinien n’y changera rien. Nous devons combattre le fondamentalisme islamiste, sans concession, et non le nourrir de subventions, pour que les voix de la majorité silencieuse des musulmans puissent avoir le courage de s’élever, sans subir de représailles.

Je ne sais qu’écrire pour dire, alors j’avais besoin de le faire parce que c’est mon métier. Je voulais aussi partager ce que je ressens lorsque l’on est entre deux frontières, parce que je suis fière d’être Française et Israélienne. Je sais que ces mots arrivent peut-être trop tôt, alors que nous sommes ici en pleine guerre. Je sais aussi qu’ils ne parviendront peut-être pas à atteindre toutes les âmes, qu’ils seront détournés et mal compris. Mais peu m’importe, je vous les livre aujourd’hui de notre abri parce que je ne sais pas encore de quoi sera fait demain. 

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