Le réveil de l’Occident, cet échec déjà acté de la guerre de Poutine en Ukraine<!-- --> | Atlantico.fr
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Michel Goya et Jean Lopez publient « L’ours et le renard Histoire immédiate de la guerre en Ukraine » aux éditions Perrin.
Michel Goya et Jean Lopez publient « L’ours et le renard Histoire immédiate de la guerre en Ukraine » aux éditions Perrin.
©AFP

Bonnes feuilles

Michel Goya et Jean Lopez publient « L’ours et le renard Histoire immédiate de la guerre en Ukraine » aux éditions Perrin. Cet ouvrage est indispensable non seulement aux amateurs d'histoire militaire mais à tout citoyen désireux de comprendre l'énorme embrasement qui se produit à l'est et dont chacun craint que des flammèches viennent jusqu'à nous. Extrait 1/2.

Michel Goya

Michel Goya

Officier des troupes de marine et docteur en histoire contemporaine, Michel Goya, en parallèle de sa carrière opérationnelle, a enseigné l’innovation militaire à Sciences-Po et à l’École pratique des hautes études. Très visible dans les cercles militaires et désormais dans les médias, il est notamment l’auteur de Sous le feu. La mort comme hypothèse de travail, Les Vainqueurs et, chez Perrin, S’adapter pour vaincre (tempus, 2023). Michel Goya a publié avec Jean Lopez « L’ours et le renard Histoire immédiate de la guerre en Ukraine aux éditions Perrin (2023).

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Jean Lopez

Jean Lopez

Jean Lopez, directeur de la rédaction de Guerres et Histoire, s’est signalé par une série d’ouvrages revisitant le front germano-soviétique dont, avec Lasha Otkhmezuri, une biographie de Joukov unanimement saluée. Il a en outre codirigé, avec Olivier Wieviorka, le second volume des Mythes de la Seconde Guerre mondiale.

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Jean Lopez –  Venons-en à la seconde mauvaise surprise de Vladimir Poutine. Après la révélation d’un Zelensky authentique chef de guerre, il constate que l’Occident « décadent » se mobilise en faveur de l’Ukraine. Permettez-moi d’abord une question contrefactuelle  : une Ukraine sans aucun allié – disons avec des appuis qui se seraient réduits à de bonnes paroles – pouvait-elle tenir face aux Russes ?

Michel Goya – C’est toujours très difficile à mesurer. On a des exemples de nations soutenues à bout de bras avec des armées complètement équipées – pensons au Sud-Vietnam – et qui se sont effondrées quand même. Dans le cas ukrainien et pour cette première phase de la guerre, j’ai tendance à penser que cet appui extérieur n’a pas été décisif. Militairement, il s’est limité à l’envoi d’équipements et d’armements légers, antichars et antiaériens pour l’essentiel. Il s’agissait de donner les moyens les plus immédiatement disponibles et assimilables par les Ukrainiens. Ajoutons que, dans la perspective répandue de leur défaite, ces dons limités n’entamaient pas non plus le potentiel militaire des pays donateurs. Ces armements ont été évidemment très utiles, mais pas forcément essentiels dans un délai aussi court. L’armée ukrainienne était déjà assez bien pourvue en la matière. La différence tient à la supériorité tactique des unités de combat ukrainiennes dans la guerre de mouvement. Les choses auraient peut-être été un peu plus difficiles pour les Ukrainiens sans aide extérieure, mais ils auraient quand même stoppé les armées russes en février-mars  2022. L’importance de cet appui extérieur s’accroît en revanche avec le prolongement de la guerre alors que l’Ukraine n’a pas les moyens de soutenir seule son effort sur la longue durée, du moins pas autant que la Russie.

JL –  Il faut donc minorer dans la résistance ukrainienne initiale la part prise, deux jours après le début de l’attaque russe, par la décision de Joe Biden de livrer pour 350 millions de dollars d’équipements antichars, d’armes légères et de munitions. Par ailleurs, la condamnation internationale de l’agression russe appelle deux remarques. Au cours d’une réunion extraordinaire – du jamais vu depuis quarante ans –, l’Assemblée générale des Nations unies vote dès le 2 mars, par 141 voix sur 193, une résolution demandant que la Russie cesse ses activités militaires et se retire sans condition sur les frontières internationalement reconnues. Des chefs d’État et de gouvernement font le voyage de Kiev pour montrer leur solidarité. Les premiers à arriver sont les voisins les plus engagés – Pologne et République tchèque le 15  mars. En revanche, Français, Allemands et Italiens se font tirer l’oreille en n’allant voir Zelensky que le 16 juin. Il n’en demeure pas moins que de nombreux poids lourds mondiaux se sont abstenus lors du vote à l’ONU et ne suivent pas la politique de sanctions – ni le discours sur la défense des valeurs – adoptée par les Occidentaux et le Japon : Chine, Inde, Brésil, Pakistan, Iran, Afrique du Sud, pour ne rien dire de l’attitude de la Turquie pro-ukrainienne sans être antirusse. Il n’y a pas de front mondial contre la Russie, seulement un front occidental. Ma seconde remarque concerne l’efficacité des sanctions économiques. Dans les premiers mois de la guerre, on a beaucoup entendu dire qu’elles allaient mettre l’économie russe à genoux, ce qui, plus d’un an après, n’est toujours pas avéré. Est-ce à dire que ces sanctions n’ont aucune efficacité ?

MG –  Une remarque préliminaire  : il faut bien distinguer ce qui relève de la confrontation et ce qui relève de la guerre. Dans le premier cas, des nations s’affrontent de toutes les manières possibles mais sans se battre, du moins ouvertement et à grande échelle. Dans le second, s’y ajoutent les combats ouverts, ce qui bouleverse naturellement la perspective. La Russie et l’Ukraine sont en guerre ; la Russie et le monde occidental, ou l’OTAN pour simplifier, sont en confrontation depuis la guerre contre la Géorgie en 2008. Les Russes ont utilisé de multiples instruments pour prendre l’avantage, depuis l’intrusion dans les jeux politiques intérieurs jusqu’à l’emploi de la société Wagner en Afrique en passant par les cyberattaques, la propagande sur les réseaux sociaux ou encore la recherche de la dépendance énergétique* et, peut-être, la manipulation des migrations**. De leur côté, les Occidentaux ont été beaucoup plus timides, du moins jusqu’à l’attaque du 24 février. L’action la plus forte menée ces dernières années a été un ensemble de sanctions économiques appliquées après l’annexion de la Crimée en 2014. Ces sanctions ont au moins un effet certain : elles ont largement entravé une modernisation de l’armée russe qui dépendait beaucoup des importations de technologies occidentales.

* L’Allemagne a été une proie de choix pour l’arme du gaz russe. Depuis la fin des années 1990, Berlin s’est enfoncé dans une dépendance contre laquelle, à plusieurs reprises, les États-Unis l’ont mis en garde. Le SPD, où l’ancien chancelier Schröder, membre du conseil d’administration de la société pétrolière russe Rosneft (qu’il n’a quitté qu’en mai 2022), et les Verts – qui voulaient ainsi sortir du nucléaire – ont été les principaux artisans de cette dépendance contre laquelle, il faut le reconnaître, Angela Merkel n’a jamais réagi.

** À partir de 2015, Moscou est régulièrement accusé par l’UE de faciliter l’entrée de migrants, notamment syriens, à travers son territoire ou celui de son allié biélorusse. Le général américain Philip Breedlove, commandant des forces de l’OTAN, accusera publiquement, en février 2016, la Russie de vouloir ainsi détruire l’UE. Ce thème est ressorti durant le débat britannique autour du Brexit. Les preuves manquent pour tenir ces accusations pour des certitudes.

Extrait du livre de Michel Goya et Jean Lopez, « L’ours et le renard Histoire immédiate de la guerre en Ukraine », publié aux éditions Perrin

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