La Russie prépare-t-elle une guerre conventionnelle contre l’Otan ? Selon certains analystes, voilà les indicateurs qui le suggèrent<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Vladimir Poutine est persuadé qu’il est en train de gagner en Ukraine.
Vladimir Poutine est persuadé qu’il est en train de gagner en Ukraine.
©Sergei GUNEYEV / POOL / AFP

Escalade ?

Plusieurs indicateurs financiers, économiques et militaires russes estiment que Vladimir Poutine pourrait s’engager dans une guerre conventionnelle contre l’Otan.

Viatcheslav  Avioutskii

Viatcheslav Avioutskii

Viatcheslav Avioutskii est spécialiste des relations internationales et de la stratégie des affaires internationales.

Voir la bio »

Atlantico : Plusieurs indicateurs financiers, économiques et militaires russes estiment que Vladimir Poutine pourrait s’engager dans une guerre conventionnelle contre l’Otan. L’un des signes principaux est son souhait de réformer l’économie russe. Comment s’y prend-t-il ? L’Otan est-il conscient de cette potentielle menace ?

Viatcheslav Avioutskii : Vladimir Poutine sait que son économie ne s'est pas effondrée. En revanche il veut la militariser pour y mettre au centre des grandes entreprises souvent contrôlées par l’Etat. Depuis deux ans, nous assistons à une tendance, une militarisation de l'économie. D’une manière très claire, la Russie se prépare déployer une armée plus active en Ukraine, mais se prépare aussi à une guerre potentielle contre l’OTAN. La Russie s’apprête à entrer dans ce qu’on appelle une « Grande Guerre », par opposition à une guerre de « perspective » comme en Ukraine.

Militariser l’économie signifie se concentrer sur l'effort de guerre, c'est à dire le gouvernement russe a augmenté le budget militaire. Les salaires des ouvriers du complexe militaro-industriel ont été augmentés ainsi que le nombre de contractuels dans les forces armées. Aujourd'hui, Vladimir Poutine veut mobiliser toute la société russe pour la guerre. Une preuve en est : la part du secteur militaire industriel dans le PIB a augmenté, ce qui est logique, depuis le début de la guerre en Ukraine il a vraisemblablement doublé, voire triplé. 

Actuellement en conflit contre l’Ukraine, la Russie renforce ses capacités militaires. Pourquoi attaquer l’Otan maintenant ? Dans quel autre but Poutine renforcerait-il son armée ?

À Lire Aussi

Tragédie à Moscou : quelle onde de choc pour la Russie… et pour le reste du monde ?

Vladimir Poutine est persuadé qu’il est en train de gagner en Ukraine. Il envisagerait donc l’étape suivante qui serait d’appliquer sur d’autres pays le même raisonnement qu'il a appliqué en déclenchant la guerre Ukraine, en visant par exemple les Etats Baltes. Le président russe se prépare à ce qu’on appelle la « Grande Guerre » : une préparation à la fois militaire et économique. Globalement, la Russie sur le plan conventionnel peut réussir localement sur un front réduit même face à l'armée de l'OTAN, qui est supérieure dans ses capacités, et qui aura beaucoup de mal à défendre ce territoire. Dans les pays baltes, on a des communautés russes assez importantes en Estonie et en Lettonie, ce qui peut servir de prétexte pour une sorte de réplique du scénario ukrainien. Lorsque  la Russie a attaqué l'Ukraine, il a fallu que ce soit un exemple pour aider les compatriotes. Les russophones, vont probablement être utilisés comme justification de cette potentielle attaque contre les Pays Baltes. 

Pour cela il y a deux scenarii possibles : la Russie pourrait attendre les élections américaines en novembre car Vladimir Poutine pourrait à nouveau se retrouver face à Donald Trump qui considère l’OTAN comme une entreprise commerciale. Vladimir Poutine est persuadé que les Etats-Unis ne pourront pas intervenir en Europe durant les élections, ce qui lui permettrait d’attaquer certains pays de l’OTAN. Autre hypothèse, cette éventuelle guerre pourrait se déclencher d’ici 5 ans.

Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, pense que la Russie s’attaquerait à l’Otan d’ici 5 à 8 ans. Cette fourchette est-elle crédible ? Les pays de l’Otan ont-ils réellement le temps de s’y préparer ? Quelles seraient les conséquences en France si la Russie venait à entamer cette guerre ?

C'est un scénario optimiste pour l'Europe car nous avons le temps pour relancer notre machine, notre complexe militaire industriel qui a été affaibli après la chute de l’URSS en 1991. Le président Emmanuel Macron a fait sa déclaration stipulant qu’il peut envoyer des troupes en Ukraine, ce qui pour moi, malgré la lucidité de ces propos, correspond exactement à la configuration géopolitique actuelle, c’est-à-dire le retrait des États-Unis. 

Si une guerre apparaît dans les prochaines années, il faut que l’Europe revoie la mobilisation de son potentiel économique, au niveau social et au niveau politique, parce que tout le monde n'est pas tout à fait sur la même longueur d'onde par rapport à cette hypothétique guerre-là. On entrerait dans une période très compliquée : une période de crise relativement difficile liée à l'effort considérable de réarmement européen, mais dont l'objectif serait de prévenir cette guerre car on peut l'éviter en renforçant le potentiel militaire, ce qui permet de dissuader l'adversaire de s'engager dans de telles aventures. Voilà donc à peu près l'objectif. Les conséquences, bien entendu, seront assez négatives pour la France, et en fait pour tout le monde, lorsqu'un pays se retrouve directement impliqué dans un conflit. Tout, absolument tout, dans la vie est perturbé. Par exemple, nous avons pu observer ce qui se passe en Ukraine et en Russie. 

Il y a également le problème de l'acier qui se pose pour cet effort de réarmement. Nous avons beaucoup entendu parler des problèmes liés à l'acier car l'Europe, qui a réduit ses capacités métallurgiques ces dernières décennies, dépend fortement des importations d'acier. Historiquement, l'Ukraine était un fournisseur important d'acier pour l'Europe. Cependant, il faut maintenant reconnaître que nous avons perdu cette source d'approvisionnement en raison des perturbations causées par le conflit en Ukraine. Il sera crucial pour l'Europe de trouver d'autres pays partenaires capables d'assurer ses besoins en acier. Sans acier, nous ne pourrons pas fabriquer de tanks, d'avions, de navires, etc. Cela démontre l'importance stratégique de garantir un approvisionnement en acier fiable.

L'Europe est confrontée à un défi de taille : trouver des fournisseurs fiables et amicaux, qui ne sont pas sous l'influence de la Russie ou d'autres acteurs hostiles à l'Occident. C'est un enjeu crucial pour la sécurité et l'économie de la région. 

Le Kremlin a accusé les services secrets occidentaux et ukrainiens d'avoir participé à l'attaque de Moscou. Pensez-vous que cela traduit une réelle montée en puissance de l'hostilité du Kremlin envers l'Ukraine et l'Occident, ou s'agit-il simplement de déclaration sans valeur ?

Je pense qu'il y a une escalade évidente reflétée également dans les déclarations de Lavrov, lorsqu'on lui a demandé s'il était favorable à la proposition des services occidentaux d'aider la Russie à mener une enquête sur les attentats. Il a répondu par la négative, affirmant que les doubles standards des pays occidentaux empêcheraient la Russie de démasquer les responsables ukrainiens. Ni Lavrov ni les services spéciaux russes n'ont apporté la moindre preuve à l'appui de leurs allégations. Dans l'ensemble, il s'agit d'une escalade manifeste, car accuser les États-Unis et la Grande-Bretagne d'instrumentaliser les islamistes de Daesh, en les accusant d'être en contact avec Daesh pour organiser des attentats à Moscou, est une accusation très grave. Cette accusation sera certainement prise très au sérieux par les États-Unis également. Cela démontre que Vladimir Poutine et son régime ont largement franchi toutes les lignes rouges acceptables, ce qui, à mon avis, entraînera la cessation des négociations secrètes russo-occidentales qui ont eu lieu jusqu'à présent. Nous nous dirigeons vers une nouvelle escalade, principalement en Ukraine. Nous verrons cette escalade se développer dans les semaines et les mois à venir.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !