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"La Hyène du Capitole" de Simon Liberati : peinture hyper réaliste de la décadence après la Dolce Vita.
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Liberati n’a pas perdu la main ! De : Simon Liberati Stock Parution le 3 janvier 2024 303 pages 20,90 €

Rodolphe  de Saint Hilaire pour Culture-Tops

Rodolphe de Saint Hilaire pour Culture-Tops

Rodolphe de Saint Hilaire est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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THÈME

La Décadence chez les happy few. La fin de la Dolce Vita  et le passage à l’époque moderne, cruelle et électrique, sans transition. On prend les personnages des Démons (voir lien C-T à la fin de la chronique) on les plonge à Rome dans les années 70 et on recommence : mais on va plus loin dans l’extravagant, dans l’addiction, dans le déjanté. D’entrée de jeu on croise le gratin des « décadents » : Truman Capote, Helmut Berger, surnommé l’Autrichienne, Andy Warhol… Les trois héros des Démons ne sont plus que deux. Taïné, narcisse lesbienne et toxicomane qui ne semble vivre que dans l’attente de la chute, Alexis, son frère très fragile et si charmant, qui se sait des talents d’écrivains - mais la vie mondaine et les paillettes peuvent-elles encore faire de la bonne littérature ? Tout ce petit monde se retrouve dans un dîner à Rome un soir d’automne.

Ce qui reste de  la fratrie Tcherepakine a  convié ses compagnons d’insouciance et de succès à festoyer. Autour de la table, Helmut, Truman, Andy et quelques autres. Ils vivent sans le savoir la fin de la Dolce Vita. Et puis surgit de nulle part la Hyène ricanante, cette Dominique Mihrage connue pour ses addictions, créature androgyne et vénéneuse qui attire amants et amantes comme des mouches. On sniffe souvent chez Mimi l’antiquaire égyptien sosie de Farouk, habitude saluée par un perroquet alarmé aux cris de « Polizia pronto ! ».

Autre fait d’armes de ce concentré peopolisant : l’inauguration du Number Two, la nouvelle boîte à la mode. « L’acmé de la fête » était Lee Radziwill avec sa sœur Jackie Kennedy-Onassis, accompagnées de leur ami Truman Capote et de Valentino, Maxime de la Falaise, Ursula Andress, Michael Caine,  Jean Paul Getty III, Marella Agnelli. Ce fut l'événement mondain de l’année et la grande ordonnatrice de la fête était, bien sûr, Taïné - peut- être pour la dernière fois - car son précieux et volumineux carnet d’adresse s’est retrouvé au fond du Tibre par un geste de colère et de jalousie d’une hyène trop possessive, « le plus grand porte-malheur des années 70 ».

Bref trois cents pages d’une saga fellinienne interprétée au pied de la Roche Tarpéienne, près du Capitole, mais loin de la Fontaine de Trévi et de la voluptueuse Anita Ekberg. Adieu jeunesse !

POINTS FORTS

Le style, la puissance des images.Tout le talent d’un peintre hyper réaliste, à l’égal de son maître Andy Warhol, celui d’une époque échevelée plus celui d’un portraitiste ou caricaturiste, plus encore celui d’un formidable conteur de faits divers sulfureux, tout comme son héros Truman Capote, Tru pour les intimes : le plus grand écrivain mondain depuis Voltaire, disait-on à New York, capable d’entrer en transes en racontant une de ses histoires salaces, possédé par le démon de la calomnie.

Un exemple de prose libératicienne à son sujet: « La chaleur des flambeaux faisait fondre le masque adipeux de Capote, ses yeux tombèrent à l’intérieur de sa tête, sa langue laissa couler sur la nappe entre les branches d’aubépine une flaque bosselée d’une teinte jaune ; le viril petit bonhomme à la sensibilité odorante comme un buisson de fleurs s’était transformé depuis cinq ans en cochon de lait décomposé suant dans la vitrine d’un traiteur». Voilà le portrait de monsieur Capoti, comme l’appelait Céline, brossé par le créateur des Démons.

Liberati possède un don  inimitable pour mettre à nu les personnages et leurs passions :

La destinée romanesque et tragique de la fameuse hyène, la fille à l’habit bleu, jeune droguée à la vie dissolue, lesbienne et hippie amante d’une princesse russe et qui fit la une des gazettes romaines et de la presse à scandale.

La description de la passion mortifère et dévorante de Taïné pour cette créature mi-fille mi-garçon aux jambes interminables.

L’emprise de la cocaïne capable de transfigurer les morts en anges préraphaélites.

QUELQUES RÉSERVES

Quoi de neuf par rapport au numéro précédent de la Saga ?
Les Démons de La Hyène du Capitole sont peut-être encore plus démoniaques que nature ? La décadence du numéro un annonce la déchéance du numéro deux ?
Le personnage de la hyène, sulfureux certes, est moins folklorique, moins inattendu et surtout moins riche en références littéraires ou artistiques que Capote ou Warhol ? En deux mots plus de coke, plus de sexe, plus de romanesque mais moins de surprises et d’empathie. Je vous invite donc à  la lecture de nos « vieux » démons ! Avant de faire connaissance avec la « bête rieuse » du Capitole.

UNE PHRASE

«Helmut Berger avait la même voix que le singe hurleur du zoo de la villa Borghèse. Il montait si haut dans les aigus que toute la terrasse du snack-bar se retournait chaque fois qu’il ouvrait la bouche. Drapé dans un manteau de vigogne, rasé de près, l’œil vif souligné d’un trait de khôl, la bouche brillante de pommade Rosat, les cheveux mi-longs gainés sous un brushing laqué, il synthétisait, maintenant que son étoile avait grandi, la figure même de ce que la Démocratie chrétienne, les communistes et la police italienne exécraient : le giton tapageur, un parasite qui infectait la société romaine depuis toujours, mais que le cinéma pédérastique de Visconti imposait désormais au mondeentier ». Page 111

L'AUTEUR

Né en 1960, Simon Liberati poursuit des études de grammaire latine à la Sorbonne puis débute une carrière de journaliste (société, mode, fait divers, people) dans FHMGrazia (le féminin trendy), 20 ans. Rencontre et se lie d’amitié avec Frédéric Beigbeder, «compagnon de route et de défonce», qui deviendra son éditeur. La scène célèbre du Roman français (2010, Flammarion) sur un capot de voiture est du vécu ! L’auteur surnomme S.L. « le poète ». Icone d’une nouvelle génération d’écrivains, il produit plusieurs ouvrages salués par une certaine critique et par ses pairs : Hyper Justine (2010, prix de Flore), Jayne Mansfield (2011, prix Femina) qui atteindra 35 000 exemplaires, une paille pour un livre primé, puis Eva (2015) du nom de sa femme, Eva Ionesco, ce qui lui a valu une plainte célèbre de sa belle-mère - procès qu’il a gagné -, California Girls (l’assassinat de Sharon Tate), Les Démons, puis Performance (2022, Grasset, prix Renaudot, encore 35 000 ex. !). Vie privée : vit avec l’ancienne compagne de son beau-fils. RAS

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