La guerre virtuelle, c’est presque maintenant et pas seulement au cinéma dans Good Kill le film<!-- --> | Atlantico.fr
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Le film "Good kill" raconte une guerre qui ne serait faite à distance que par le biais de drones.
Le film "Good kill" raconte une guerre qui ne serait faite à distance que par le biais de drones.
©Reuters

Drone de guerre

Andrew Niccol, le réalisateur de "Bienvenue à Gattaca" et de "Lord of War", célèbre pour la justesse de ses scénarios d'anticipation, vient de sortir "Good Kill". Le film, basé sur des faits réels, raconte une guerre qui ne serait faite que par le biais de drones. Une projection pas si éloignée de la réalité.

Valls Macron

Quentin Michaud

Quentin Michaud est journaliste spécialisé dans les questions de défense et de stratégie. Il a été formé à l'Ecole de guerre économique.

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Atlantico : Dans quelle mesure le film "Good Kill", et son armada de drones de combat, dépeint-il la guerre d'aujourd'hui ?

Quentin Michaud : Ce film décrit surtout à travers son scénario les enjeux liés à la montée en puissance des drones de combat dans la conduite de la guerre moderne. Depuis quelques dizaines d'années maintenant, les drones jouent un rôle exponentiel sur le champ de bataille. Les Etats-Unis ont très tôt développé pour leurs besoins militaires des drones de surveillance à moyenne altitude ou haute altitude et longue endurance (drone MALE et drone HALE). Aujourd'hui, plusieurs centaines de drones HALE seraient en service au sein de l'US Navy et de l'US Air Force dont des RQ-4 Global Hawk déployés sur l'île de Guam et au Japon. 

Désormais, l'usage de drones de poche ou de drones plus lourds tels que ceux mentionnés précédemment se banalise. Toutes les grandes puissances militaires (France, Grande-Bretagne, Russie ou encore Chine) en disposent. La recherche & développement qui est accordée dans ce domaine laisse imaginer dans le futur une automatisation de l'emploi des drones ainsi que l'installation de moyens technologiques aux capacités sans cesse repoussées (imagerie, endurance, etc). 

Quelles sont les caractéristiques de cette guerre à distance que mènent les Etats-Unis sur certains  terrains ?

Il faut d'abord se rendre compte des avantages que procure l'emploi d'un drone dans une opération militaire. La perte d'un drone permet d'une certaine façon de sauver des vies. Là où il fallait auparavant engager un avion de surveillance ou un avion de combat, un drone permet d'économiser l'engagement d'un équipage ou d'un pilote de chasse. En termes de moyens budgétaires, c'est également non négligeable, même si l'entretien des drones coûte cher. C'est justement là où de nouveaux avantages apparaissent, il s'agit du maintien en condition opérationnelle de ces engins sans pilote qui est sous-traité auprès de sociétés telle que Northrop Grumman. Cette dernière sous-traite elle-même certaines de ses activités. 

Par ailleurs, la mise en service de drones de combat offre de nombreux avantages dans la conduite des opérations militaires. Le temps de réaction est extrêmement raccourci. En effet, si le drone repère dans le cadre d'une mission de renseignement un convoi djihadiste, par exemple, il peut être en mesure de tirer un missile Hellfire air-sol après que l'autorisation de tir ait été délivrée. Le tout se déroule en quelques minutes. 

Si l'intégrité physique des soldats est préservée dans ce genre de cas, que dire des effets psychologique d'un conflit où on fait la guerre et on rentre chez soi comme si de rien n'était le soir ?

En effet, plusieurs problèmes émergent face à ce constat essentiellement d'un point de vue humain. L'US Air Force s'est rendu compte, il y a maintenant plusieurs années, que ses pilotes de drones étaient frappés par un syndrome post-traumatique (PTSD) tout à fait inédit. Ils souffraient - et souffrent toujours pour certains - de troubles psychologiques du fait de leur "droit de tuer" à distance. Depuis, des programmes de suivi psychologique ont été mis en place et la traçabilité sur d'éventuels dommages collatéraux lors d'une frappe de drone est dorénavant drastique. Ces mesures ont été particulièrement prises au cours de la guerre en Afghanistan, les Etats-Unis ont alors fait l'objet de vives critiques à la fois de la part des autorités afghanes et pakistanaises pour les centaines de décès civils comptabilisés dans le cadre des frappes drones de l'US Air Force et de la CIA. 

Quoiqu'il arrive, ce malaise qui continuera de toucher le pilote de drone traumatisé par son travail n'est certainement qu'un élément annonciateur des futurs défis auxquels nous devrons faire face lorsque, en France, les drones de combat seront mis en service. A cette heure, la France bénéficie, quant à elle, uniquement de drones de surveillance dont deux drones Reaper de fabrication américaine. Leur nombre est amené à augmenter pour être portés jusqu'à 12 appareils d'ici la fin de la décennie. 

Quelles sont les questions que cela soulèvent d'un point de vue éthique ? Cette forme de guerre à distance sera-t-elle, au moins pour les puissances occidentales, LA guerre de demain ?

La robotisation du champ de bataille agite aujourd'hui tous les cercles de réflexion stratégiques de défense. Est-elle excessive ? Faut-il aller plus loin par nécessité opérationnelle ? Quels bienfaits pour quelles conséquences néfastes ? Le fait est que les robots et les engins sans pilote sont déjà parties intégrantes de nos opérations militaires. Un robot peut être utilisé pour mener une mission de déminage au sol, un drone peut permettre de suivre en simultané le déroulement d'une opération militaire (localisation d'un otage, suivi d'un groupe djihadiste ou d'une opération de largage de troupes aéroportées). L'avancée technologique démultipliera bien-sûr les possibilités d'emploi de ces matériels du futur répondant de fait à un besoin opérationnel, avant même de se poser la question de l'acceptation morale de leur emploi par la société moderne. Néanmoins, ce débat sur les aspects éthiques de leur utilisation dans la guerre moderne est loin d'être inutile, puisqu'il pose les jalons de compréhension à l'opinion publique des inconvénients de ces matériels de guerre dont les Etats occidentaux ne disposent plus du monopole de leur application. L'Etat islamique profite depuis peu des images fournies par ses propres drones dans le cadre de ses attaques en Syrie et en Irak.

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