L’industrie russe du pétrole pourra-t-elle se remettre un jour de la guerre en Ukraine ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Pour contourner les sanctions occidentales, la Russie a principalement livré du pétrole vers l'Asie, dont notamment la Chine et l'Inde.
Pour contourner les sanctions occidentales, la Russie a principalement livré du pétrole vers l'Asie, dont notamment la Chine et l'Inde.
©Alexander KAZAKOV / POOL / AFP

Comment contourner les sanctions ?

Pour contourner les sanctions occidentales, la Russie a principalement livré du pétrole vers l'Asie, dont notamment la Chine et l'Inde.

Damien Ernst

Damien Ernst

Damien Ernst est professeur titulaire à l'Université de Liège et à Télécom Paris. Il dirige des recherches dédiées aux réseaux électriques intelligents. Il intervient régulièrement dans les médias sur les sujets liés à l'énergie.

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Atlantico : Au début du conflit entre la Russie et l'Ukraine, l'Europe a arrêté de se fournir en pétrole russe. Quelle a été sa stratégie pour contourner les sanctions européennes ?

Damien Ernst : La Russie a principalement livré du pétrole vers l'Asie, dont notamment la Chine et l'Inde. Il y a eu des difficultés de transport de ce pétrole-là, parce qu'il y avait des sanctions sur la manière notamment d'assurer les pétroliers. Mais elle s'est très bien organisée. Au début, elle a dû vendre un peu en dessous du prix de marché. Maintenant, on estime quand même que le prix auquel elle vend, est fort proche du prix du marché.

La stratégie de la Russie pour vendre son pétrole est-elle tenable sur le long terme ?

La guerre a créé un jeu de chaises musicales. Il y a une reconfiguration du marché du pétrole. Il y a un bassin atlantique qui est en train d'être créé au niveau du marché du pétrole. L'Europe va importer du pétrole, principalement de ce bassin-là. C'est l'Afrique de l'Ouest, c'est l'Amérique du Sud, c'est les États-Unis. Ça, c'est même un bassin qui devient excédentaire en termes de pétrole. On a l'impression que cette région-là se suffit à elle-même en termes de pétrole. Le pétrole russe qui alimentait énormément les marchés européens, trouve maintenant des nouveaux clients en Asie. L'Asie est extrêmement consommatrice de pétrole, c'est là qu'est la croissance internationale. Maintenant, c'est un peu moins intéressant pour les russes de travailler avec des Asiatiques que de travailler avec des Européens, notamment parce que les chaînes logistiques pour approvisionner l'Asie en pétrole sont plus longues que celles relatives à l'Europe. Notamment tout le pétrole du Caucase, qui était très proche de l'Europe, doit maintenant passer par la mer Noire, le canal de Suez et arriver en Asie. 

Est-ce qu'il y a un vrai risque militaire sur les réserves russes de pétrole ?

Dans ce conflit, il faut quand même toujours analyser la situation par rapport aux intérêts géostratégiques des Américains. Il faut bien distinguer le gaz et le pétrole. Au niveau du gaz, les États-Unis sont de grands producteurs, ils sont absolument excédentaires et ils ont des capacités d'exportation vers l'étranger limitées. Donc, ils ont même intérêt, au niveau du gaz que l'industrie du gaz russe disparaisse. Et leurs consommateurs, qui sont aussi les électeurs, ne seraient pas fâchés parce que ça n'influencerait pas du tout le prix du gaz aux États-Unis. Au niveau du pétrole, si on prend le début de l'invasion de la guerre en février 2022, si vous mettiez hors business l'industrie du pétrole russe qui produit quand même de l'ordre de huit, neuf millions de barils par jour, ça aurait eu une répercussion sur le prix du pétrole au niveau international, en ce y compris aux États-Unis. Le prix du pétrole américain n'est pas découplé du pétrole Russe. Donc, ils ne pouvaient pas se permettre, en février 2022, de perdre comme grand producteur sur le marché du pétrole, la Russie. Mais maintenant, les marchés du pétrole sont quand même devenus un peu excédentaire au niveau de la production. Si vous perdez deux, trois de millions de barils de pétrole par jour de la Russie, le prix, malgré tout ce qu'on peut penser, ne va pas énormément bouger. Et ça rend l'infrastructure pétrolière russe plus vulnérable à des attaques, parce que des attaques sur son infrastructure n'auront que peu d'impact sur le prix du pétrole des autres pays.

Est-ce que la dégradation des relations commerciales entre la Russie et l'Europe en matière de gaz et de pétrole est irréversible ?

Je ne pense pas. Je pense que si une paix est trouvée avec l'Ukraine, la Russie peut revenir dans les marchés du pétrole et du gaz européens. On ne retrouvera peut-être pas les mêmes quantités qu'ils enverront par gazoduc en Europe, mais je pense qu'ils peuvent retrouver plus rapidement qu'on ne le pense, des relations commerciales avec l'Europe s'il y a une paix en Ukraine. Finalement, l'Europe a aussi économiquement intérêt à avoir de bonnes relations avec la Russie. 

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