Atlanti-Culture
"L'échange" : un aspect original du théâtre de Paul Claudel
La pièce "L'échange" de Paul Claudel est à voir au théâtre de Poche - Montparnasse à Paris.
Anne-Marie Joire-Noulens pour Culture-Tops
Anne-Marie Joire Noulens est chroniqueuse pour Culture-Tops. Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.). Culture-Tops a été créé en novembre 2013 par Jacques Paugam , journaliste et écrivain, et son fils, Gabriel Lecarpentier-Paugam.
L’ÉCHANGE
De Paul Claudel
Musique de François Peyroni
Durée : 1 heure 25
Mise en scène : Didier Long
Avec : Pauline Belle, Mathilde Bisson, François Deblock et Wallerand Denormandie
INFOS & RÉSERVATION
Théâtre de Poche - Montparnasse
75 Boulevard du Montparnasse
75006 PARIS
01 45 44 50 51
http://www.theatredepoche-montparnasse.com
Du 12 septembre au 19 novembre 2023. Du mardi au samedi à 21 heures Dimanche à 17 heures. Relâche : 14 et 15 novembre 2023
Notre recommandation : 3/5
THÈME
Un jeune couple, lui Indien, elle Française, sont les gardiens de la propriété d’un riche homme d’affaires et de son épouse.
Manifestement, les deux ménages se sont fourvoyés dans leur choix respectifs, ce qui provoque discussions tendues, mésententes et incompréhension des attentes des épouses.
Ces algarades vont se terminer de manière incongrue, par la proposition de l’homme d’affaires d’acheter l’épouse de l’indien. Jusqu’où peut-on faire des compromis ?
POINTS FORTS
Le paradoxe entre la personnalité de Paul Claudel et le sujet de cette pièce. Lui le rigoriste, limite coincé dès qu’il s’agit de donner des leçons de bienséance et de conduite, nous offre une fable de mœurs plutôt libres et totalement immorale. De plus, l’époque ne s’y prêtait guère. Traiter un sujet de cette façon est surprenant chez cet écrivain. Mais l’écriture reste belle avec des accents de poésie indéniables.
Les deux interprètes femmes sont mises à l’honneur ici, chacune dans son genre. Marthe, la femme de l’Indien, si soumise, si douce est en fait très résistante et sait se faire entendre avec force et conviction. Elle a une très jolie voix, mélodieuse. Et la femme de l’homme d’affaires, qui a vite réalisé qu’elle n’avait pas grand-chose à attendre de son mari, se revendique haut et fort comédienne avec talent. Elle joue les écervelées mais il ne faut pas s’y tromper : sous ses airs de grande folle, elle nous gratifie de réflexions très pertinentes et garde les pieds sur terre.
Le maître mot de cette oeuvre est la constante contradiction entre pensée et action. Louis est épris de liberté, mais il s’est marié à Marthe qui de plus, est enceinte (adieu la liberté !). La femme de l’homme d’affaires était persuadée que son mari lui apporterait beaucoup : fatale erreur ! Chacun court derrière ce qu’il n’a pas et cet échange bizarroïde d’épouse ne va rien arranger.
La mise en scène est soignée et élégante.
QUELQUES RÉSERVES
Le jeu de l’hommes d’affaires un peu monolithique dans son costume blanc, mais peut-être était-ce recherché…
UNE PHRASE
L’Indien : « On est très bien comme ça. Entre mari et femme, quand on ne se voit pas, c’est là qu’on s’entend le mieux. »
L'AUTEUR
Ce spectacle moderne est excellent et bien interprété, avec un texte fort et des idées très avancées pour l’époque. L’auteur revenait des Etats-Unis, où les réussites fulgurantes des hommes ainsi que la liberté de moeurs des femmes le sidéraient. C’est donc le choc de la “vieille Europe“ face au Nouveau Monde.
LE CLIN D'ŒIL D'UN LIBRAIRE
Paul Claudel (1868 – 1955 ) naît dans une famille bourgeoise avec sa sœur Camille Claudel qui deviendra une grande sculptrice et artiste peintre. Il est passionné de littérature et fortement influencé par Rimbaud. Son œuvre sera surtout marquée par sa foi catholique. Il écrit son premier roman Tête d’or en 1890.
Nommé diplomate, Claudel se rend aux Etats-Unis où il écrit L’échange (1894). Il poursuit sa carrière diplomatique tout en continuant à écrire et publie une trilogie L’otage, Le pain dur et Le père humilié en 1920. Ambassadeur de France au Japon, il publie Le soulier de satin (1924). Il est élu à l’Académie française en 1946.
Il y eut deux versions de L’échange : la première mouture, parue en 1894, est celle de l’auteur ; la seconde version est son adaptation théâtrale par Jean-Louis Barrault en 1951, plus moderne, et pour laquelle l’écrivain apportera bon nombre de modifications. C’est cette seconde version qui est présentée ici.
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