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Focus sur un tabou médical : ces effets secondaires trop souvent négligés par les médecins lorsqu’on arrête de prendre des antidépresseurs
©AFP

Lourdes conséquences

Consommés en masse à travers le monde, les antidépresseurs possèdent pourtant des effets secondaires particulièrement élevés et un risque de dépendance loin d'être négligeable. Une étude de la « All Party Parliamentary Group for Prescribed Drug Dependence » anglaise souligne notamment les effets redoutables que la réduction de sa consommation peut entraîner pour les millions de gens en prenant. 50% des patients qui en consomment ressentiront des effets de manque lors d'un arrêt du traitement et les symptômes seront sévères pour la moitié d'entre eux.

Sauveur Boukris

Sauveur Boukris

Sauveur Boukris est médecin généraliste.

Enseignant à Paris, il participe à de nombreuses émissions de radio et de télévision sur les questions de santé. Il est l'auteur de plusieurs livres médicaux dont "Santé : la démolition programmée", aux Editions du Cherche Midi.

Il a écrit  "Médicaments génériques, la grande arnaque" aux Editions du Moment.

Son dernier livre s'intitule "La fabrique des malades" aux Editions du cherche midi.

Voir la bio »

Atlantico : L'étude souligne la grande difficulté à stopper, voire diminuer un traitement sous antidépresseurs. En quoi l'arrêt de la consommation est-il difficile ?

Sauveur Boukris : On observe effectivement ces effets cliniques où l'on observe que des patients qui ont pris des antidépresseurs se sentent mieux cliniquement avec une amélioration de leur moral, de leur trouble du sommeil... Ils vont mieux mais quand on dit qu'on va commencer à diminuer ou arrêter le traitement, on observe un phénomène de rebond. On voit aussi des malades qui reviennent en expliquant qu'ils rechutent et qu'ils sont déprimés comme avant. Donc il y a une dépendance qui est à la fois physique (elle dépend de la molécule) mais elle est également psychique parce que comme tout médicament à visée psychologique, il y a un effet placebo, un effet de dépendance parce qu'on se dit que ce médicament nous apporte une amélioration.
Le fait d'arrêter ou de diminuer la posologie provoque un effet similaire à de la suggestion.C'est arrêter de prendre un médicament qui semble avoir un effet positif qui angoisse les patients et peut provoquer une dépendance psychologique aux médicaments.

Cela ressemble beaucoup aux effets des drogues de manière plus générale...

Oui absolument, c'est la même chose. Simplement les drogues dites licites ont un but de participation à une vie sociale, là c'est dans un but thérapeutique. On va chez le médecin parce qu'on se sent déprimé, qu'on a une perte de l'élan vital, un manque de plaisir et donc on donne un antidépresseur qui a des vertus chimiques puisqu'il provoque la libération d'une substance dans le cerveau qui vont les faire aller mieux. Mais il y a également une dépendance psychologique. 
Le fait de prendre un médicament c'est un peu comme une béquille. Il nous aide à aller mieux. C'est le même mécanisme de dépendance avec des molécules différentes. Les médicaments psychotropes ont deux faces. La face bénéfique peut améliorer l'état de fatigue, le moral, le sommeil, les angoisses. Et il y a l'autre face: les effets indésirables. On est exactement sur les mêmes principes qu'une drogue.

La consommation mondiale a beaucoup augmenté ces dernières années. Est-ce que les patients sont bien informés par les médecins des risques qu'impliquent ces antidépresseurs ?

On n'est jamais assez informés. L'histoire des antidépresseurs a une cinquantaine d'années. Avant on utilisait d'autres médicaments très efficaces mais avec de nombreux effets secondaires qu'il fallait surveiller. Aujourd'hui on a affaire à des antidépresseurs qui agissent très vite mais sur d'autres formes de dépression, on les appelle des boosters, ils vous stimulent. Avant on avait plutôt affaire à des sédatifs. Avec le monde moderne on a un peu galvaudé le mot dépression. Toute personne qui n'a pas le moral, qui a un coup de blues se sent dépressif. Et les médecins et les laboratoires pharmaceutiques qui informent là-dessus ont eu tendance à dire qu'ils avaient la solution : l'antidépresseur. Il agit vite, booste et permet d'aller mieux.
On a confondu déprime et dépression, à savoir un moment passager avec un état plus chronique, plus profond. On a banalisé la dépression et dit que tout le monde l'était. En réalité, la dépression réelle, authentique est souvent une perte d'élan vital, un sentiment de remords, une grosse mélancolie, ça n'est pas la déprime du samedi soir. Le fait qu'on ait une solution rapide à un problème de société fait que la consommation d'antidépresseurs a explosé, notamment depuis l'apparition du prozac. En une trentaine d'années, il a changé la façon de traiter la dépression et tous ceux qui voulaient avoir un effet stimulant prenaient du prozac. Mais il faut savoir que ça provoque une dépendance, une accoutumance, parfois une perte de la libido et une réactivation de l'anxiété. Le grand public ne connaît pas ces effets et même certains médecins ne sont pas au courant de tous les effets indésirables des médicaments qu'ils prescrivent, particulièrement les psychotropes. Le médecin ne les connaissant pas, ils ne peuvent pas faire passer l'information.

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