Du Canada à la Belgique, les guerres culturelles entre progressistes et immigrés se multiplient<!-- --> | Atlantico.fr
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La ville américaine de Hamtramck, près de Détroit, symbole du multiculturalisme avec une forte communauté musulmane, a décidé d’interdire le drapeau LGBT.
La ville américaine de Hamtramck, près de Détroit, symbole du multiculturalisme avec une forte communauté musulmane, a décidé d’interdire le drapeau LGBT.
©BILL PUGLIANO / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Bugs intersectionnels

Cela révèle toutes les contradictions du multiculturalisme-intersectionnel défendu par les « progressistes ».

Guylain Chevrier

Guylain Chevrier

Guylain Chevrier est docteur en histoire, enseignant, formateur et consultant. Ancien membre du groupe de réflexion sur la laïcité auprès du Haut conseil à l’intégration. Dernier ouvrage : Laïcité, émancipation et travail social, L’Harmattan, sous la direction de Guylain Chevrier, juillet 2017, 270 pages.  

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Michèle Vianès

Michèle Vianès

Michèle Vianès est présidente de l’ONG Regards de femmes, et spécialiste des questions d’égalité femmes-hommes.

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Samuel Furfari

Samuel Furfari

Samuel Furfari est professeur en géopolitique de l’énergie depuis 20 ans, docteur en Sciences appliquées (ULB), ingénieur polytechnicien (ULB). Il a été durant trente-six ans haut fonctionnaire à la Direction générale de l'énergie de la Commission européenne. Auteur de 18 livres.

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Atlantico : Des parents conservateurs au Canada et en Belgique s’opposent à l’enseignement du genre à l’école. Parmi eux, figurent beaucoup de musulmans. La ville américaine de Hamtramck, près de Détroit, symbole du multiculturalisme avec une forte communauté musulmane, a aussi décidé d’interdire le drapeau LGBT. Qu’est-ce que cela traduit ? Quels sont les enseignements de ces guerres culturelles entre les progressistes et les immigrés ? 

Guylain Chevrier : Cela révèle toutes les contradictions du multiculturalisme-intersectionnel défendu par les « progressistes ». Autrement dit, la thèse selon laquelle de pseudo-minorités opprimées se retrouveraient par-là à un même carrefour de lutte (intersection), pour constituer une force commune. Il n’y a rien de plus faux, ce sur quoi ces situations d’affrontement qui se multiplient attirent l’attention. Car, que peuvent bien avoir en commun les militants du nouveau féminisme LGBT+ genré et des musulmans communautarisés, qui rejettent l’égalité entre les sexes, l’homosexualité, et toute transidentité ? Le choc culturel entre ces communautés trahit une erreur profonde de lecture de la réalité des « progressistes », qui croient pouvoir faire l’économie de ce que porte en elle comme culture chaque communauté. Cela met au jour la superficialité à cet endroit des notions d’altérité et de diversité, qui cachent derrière une allure séduisante, dès que l’on gratte un peu, des contradictions insurmontables entre des pans entiers des sociétés multiculturelles et multicommunautaires.

Le « progressisme » conteste à travers le combat pour les minorités, dont l’oppression viendrait de la majorité blanche, l’ordre social et politique dominant. Mais, ces contradictions qui le remettent en cause nous rappellent que seules les sociétés démocratiques occidentales ont ouvert un chemin qui est celui de la liberté, qui permet à des gens très différents de vivre ensemble, sans s’entretuer, en raison de telle religion ou telle ethnie, contre une autre. Nous avons fait l’expérience historique de bien des formes de pouvoir, religieux, politiques, et en avons tiré des enseignements qui nous ont conduit à la démocratie, à l’idée que d’une manière ou d’une autre, l’intérêt général doit prévaloir à minima sur les différences pour faire société, avec des lois communes pour le garantir. Il est vrai, selon des déclinaisons parfois assez différentes, des Etats-Unis à la France. Il n’y a pas d’autre forme de pouvoir politique, d’organisation sociale, qui permette de mettre ensemble des gens aussi différents que ceux qui militent pour la transidentité et des croyants pour lesquels cela constitue un sacrilège. Chacun a le droit de défendre son point de vue, de vivre comme il l’entend tant que cela est fait dans le respect de la loi qui vaut pour tous. C’est l’une de nos valeurs démocratiques essentielles.

Michèle Vianès : La confusion volontaire créée par les idéologues transactivistes entre orientation sexuelle et « identité de genre » pour faire avancer leur agenda conduit à ces manifestations et à ces interdictions. Alors que le mouvement transactiviste a une pratique homophobe ou pour le moins lesbophobe.

Les associations de femmes lesbiennes, ici et ailleurs, racontent qu’après avoir accueillis des « trans s’autodéclarant femmes », tout en gardant leurs organes sexuels mâles, elles ont subi ensuite leur violence physique et sexuelle et ont été exclues de leurs propres associations si elles ne se soumettent à leur doxa.

Lorsque les adolescentes attirées par des personnes consultent les réseaux sociaux, elles sont orientées vers des influenceurs qui leur diront qu'elles sont nées dans le « mauvais corps ». Au lieu de les aider à assumer leur homosexualité, ces gourous leur vendent, clés en main, les traitements hormonaux et chirurgicaux irréversibles pour changer de sexe.

Je rappelle que la loi de 2016 en France, permettant de changer sa mention de sexe à l’état civil n’exige ni traitements hormonaux ou chirurgicaux parce que trop lourds, trop douloureux et invalidants. Alors qu’ils sont préconisés et pratiqués sur les enfants et adolescents, créant ainsi une patientèle à vie pour les laboratoires pharmaceutiques et cliniques chirurgicales qui profitent de cette manne financière.

La stratégie manipulatoire des idéologues trans-lobbyistes auprès des jeunes commence dès le plus jeune âge : albums pour enfants, interrogations sur leur sexe « ressenti », sur le choix des jouets, leurs couleurs préférées et tous les stéréotypes sexués les plus éculés, Puis incitation à prendre bloqueurs de puberté,  hormones croisées suivies des mutilations chirurgicales :  ablation de la poitrine saine pour les filles, du pénis pour les garçons avec création d’orifices artificiels appelés « vagins ».Toute  une stratégie pour convaincre leurs parents de la nécessité de ces traitements et mutilations est expliquée.

Comment s’étonner ensuite que des parents prennent position contre l’endoctrinement, la manipulation mentale de leurs enfants par l’idéologie transactiviste de « l’identité de genre ».

Lorsque les parents tentent de s’opposer à l’endoctrinement de « l’identité de genre » dans les écoles, ils sont immédiatement traités de transphobes, d’homophobes, de réactionnaires d’extrême droite. Ce qui a pour effet de tétaniser un certain nombre d’entre eux, ceux qui considèrent que l’orientation sexuelle est un choix personnel à respecter et qui ne se reconnaissent pas dans l’extrême droite. 

Mais d’autres ne sont plus dupes de ces discours et se retrouvent dans la rue pour dénoncer la violence subie par leurs enfants. Ils sont qualifiés de conservateurs par les médias qui montrent principalement les personnes affichant leur confession musulmane pour lesquelles l’homosexualité est un interdit.

Samuel Furfari :Des parents souhaitent protéger leurs enfants à travers ce mouvement de contestation. Contrairement aux arguments des progressistes ou à l’idéologie propagée, ces parents n’acceptent pas la notion du genre. Ils ne veulent pas que cette théorie soit enseignée à l’école. Nous sommes heureusement en démocratie où le principe de liberté s’applique. Chacun est libre de vivre comme il le souhaite et de penser librement. Mais ces parents dénoncent le fait que leurs enfants reçoivent un enseignement dans une idéologie qui n’est pas la leur. Le problème concerne donc directement l’école.

Est-ce que l’école doit réellement s’occuper de ce genre de choses ? Au début de ce mouvement récent, les parents, et même les religions d’ailleurs, ont été silencieux, comme tétanisés, face à cette question du genre. Il y a longtemps que les institutions internationales et les gouvernants préparent cela. Tant que cela n’était pas obligatoire à l’école, chacun avait peur d’en parler. Des parents ont réagi discrètement en pratiquant l’école à la maison pour leurs enfants ou même les enfants de leurs amis. Mais à présent, les personnes mobilisées dans ce mouvement ne supportent pas que l’on fasse de la propagande pour cette façon de vivre à l’école.

Le problème vient du fait que cela est sorti de la sphère privée où chacun est libre. Il y a une tentative d’imposer cela à l’école et de confronter les enfants à cela. Le problème est que cela ne s’adresse pas à des adolescents, mais à de tous jeunes enfants encore en construction.

Des parents de confession musulmane ont effectivement participé au mouvement de protestation, notamment au Canada. Ils s’opposent à l’enseignement de la théorie du genre à l’école et considèrent que cela n’est pas acceptable. Leur mobilisation a suscité une curiosité des médias.

A vouloir défendre toutes les minorités, la gauche ne se décompose-t-elle pas ? La gauche radicale réalise-t-elle enfin que les minorités ont une autonomie de pensée ?

Guylain Chevrier : Le rêve de rassembler cette « diversité » tourne en réalité au cauchemar dès que l’on se trouve dans des situations réelles où les identités culturelles s’expriment, comme sur la question de la liberté sexuelle par exemple. Par ailleurs, cela engage aussi une autre question de fond : mais que deviennent les droits et libertés individuels, qui s’opposent radicalement à cette vision qui ne pense qu’en termes de minorités, de communautés, et d’assignation des individus à celles-ci ? On soulignera ici la contradiction qui surgit entre la volonté affichée par cette gauche radicale de construire un monde nouveau, à coécrire, comme nouvelle forme de liberté, et l’idée de rassembler des communautés identitaires diverses pour y parvenir culturellement figées, peu aptes à évoluer, voire à laisser évoluer leurs membres.

Je ne crois pas que la gauche radicale réalise l’étendue de ses illusions ici, je crois qu’elle refuse de le voir, de l’admettre. Ce qui se comprend, parce que cela ferait s’effondrer tout l’édifice idéologique sur lequel elle repose aujourd’hui. Le « progressisme » ne pense qu’en rapports de domination, ainsi toute minorité est obligatoirement « progressiste », et toute communauté à défendre comme alliée, et la majorité blanche immanquablement l’oppresseur à abattre. Cette vision d’une caricature confondante est un système de pensée très rassurant pour ceux qui le portent, au regard des bons sentiments qui la soutiennent. Ils autorisent l’économie de savoir ce que contiennent en elles ces communautés, qui n’ont rien en commun d’autre que de se présenter sous un jour victimaire.

On notera que cette logique des minorités et autres communautés, joue contre l’idée de nation, que le gauchisme a toujours eu en horreur. D’où la défense inconditionnelle d’ailleurs de l’immigration et de la fin des frontières, qui va avec le multiculturalisme que cette dernière nourrit. Une vieille lune qui tourne à un service rendu, contre toute attente, à une mondialisation qui pousse à l’effacement des Etats et leur intervention, à la faveur d’une libre circulation des capitaux et des hommes, pour mieux satisfaire aux intérêts du marché. Marx doit se retourner dans sa tombe… La logique communautaire est très favorable à l’adage « diviser pour régner », ce qui devrait leur sauter aux yeux !

Michèle Vianès : Je ne pense pas que vous faites allusion à  la gauche laïque universaliste, celle qui  interroge, s’interroge, débat et écoute l’autre, celle ou celui différent par la couleur, la religion ou le sexe pour reprendre Condorcet.

Il s’agit plutôt d’essentialistes, de différentialistes, qui exacerbent les différences jusqu’à revendiquer une différence des droits, en fonction de la couleur, la religion ou le sexe. Au lieu de rechercher ce qui réunit rassemble l’humanité.  Elle ne reconnait pas à l’autre les mêmes droits, les mêmes devoirs, la même dignité et conduit à la guerre des dieux, des idéologies.

Samuel Furfari : La gauche progressiste va être confrontée à cette réalité effectivement. Cette résistance va s’organiser. Et pas simplement sur cette question. La gauche a même été divisée sur des enjeux européens. Cette gauche qui veut imposer partout sa volonté est en train de se diviser. En Espagne, Pedro Sanchez, qui désire former un gouvernement, mais à besoin des voix des élus indépendantistes catalans, est prêt à abandonner sa position sur ce dossier. Il serait dorénavant prêt à accepter une amnistie en faveur du leader catalan Carles Puigdemont afin de pouvoir former un gouvernement avec une unité à gauche. Beaucoup d’Espagnols sont choqués par cette décision. Mis à part en Catalogne, il était impensable d’être favorable à cette amnistie. L’ancien premier ministre Felipe González, très respecté dans le Parti socialiste espagnol, a dénoncé ce choix de Pedro Sanchez, créant une vraie scission et tension à gauche en Espagne. Alfonso Guerra, un ancien vice-président du parti, accuse Sanzez d’être déloyal et dissident. Ils ont incité les membres du parti à se rebeller contre les dirigeants actuels du PS espagnol. Rappelons que Sanchez et sa majorité avec les marxistes de Podemos ont adopté des lois sur le genre parmi les plus liberticides dans l’UE.

Un mouvement de contestation progresse donc contre la gauche progressiste. De plus en plus de personnes s’opposent aux dérives extrémistes des gauchistes qui sont au pouvoir dans un certain nombre de pays.  

Quid de la France ? Connaissons-nous des mouvements similaires à travers le pays ?

Guylain Chevrier : Effectivement, cela existe. On se remémorera la polémique initiée le 13 décembre 2013 par Farida Belghoul, enseignante, qui lance les « Journée de retrait de l’école » (JRE), qui consistent pour les parents, à retirer les enfants de l’école pour protester contre l’introduction à l’école de la « théorie du genre ». Un peu plus tard, le 2 février 2014, deux autres personnalités musulmanes s’expriment, Camel Bechikh et Hayette Hamidi, lors d’une manifestation de la « Manif pour tous », pour demander le retrait des ABCD de l’égalité (une expérimentation mise en œuvre par l’Education nationale et le ministère du Droit des femmes au début de l’année scolaire d’alors). Camel Bechikh est le président-fondateur de Fils de France, une association créée en mars 2012, décrite comme une « association de Français musulmans patriotes ». Il est d’ailleurs présenté comme proche de Tareq Oubrou, figure médiatique de l’islam de France, qui a quitté les Musulmans de France, anciennement Union des organisations islamiques de France (UOIF) https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2018-2-page-41.htm

En réalité, il suffit de tendre l’oreille pour s’apercevoir que l’illusion du discours sur l’alliance des minorités, des LGBT+ aux musulmans vus en tant que communauté, en raison de leur prétendue affinité d’oppression, est totale. « L’œil du 20 heure » du journal de France 2 du 9 janvier 2023 https://www.france.tv/france-2/journal-20h00/4452103-edition-du-lundi-9-janvier-2023.html , s’est posé la question de savoir « quelle est la part de la religion dans la haine des homosexuels que l'on ressent parfois dans certaines cités en banlieue ? ». Ceci, en allant aux Mureaux à une quarantaine de kilomètres de Paris. Face aux journalistes, la plupart des habitants disent que l'homosexualité est un sujet tabou, refusant d'en parler face à la caméra. Les journalistes décident alors de retourner vers eux mais en caméra cachée. « Pour ces hommes d'une vingtaine d'années assis à la terrasse d'un café, le discours sur l'homosexualité est tout autre : "L'homosexualité, ça me dérange. Peut-être parce que j'ai grandi ici, aux Mureaux, c'est cette mentalité que j'ai. Et personnellement, c'est péché. En tant que musulman, l'homosexualité, chez moi, elle est interdite. Pour moi, il y a les valeurs religieuses puis les valeurs de la République. La priorité pour moi, c'est les valeurs religieuses." Que dire de plus ?

On arrive à trouver des voix pour nous expliquer, que l’hostilité vis-à-vis de la théorie du genre s’expliquerait par une forme de défiance quant aux capacités de l’école à tenir les promesses de la démocratisation scolaire. Il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.

Michèle Vianès : Il y a eu une alliance lors de la discussion en France sur les ABC de l’égalité, ouvrages dont l’objectif était de faire prendre conscience des inégalités entre les femmes et les hommes en montrant les stéréotypes sexués qui enferment les filles et les garçons dans des comportements différents selon leur sexe. Il s’agit de sortir des rapports sociaux de sexe et d’aller vers l’égalité. Et l’ouverture des champs des possibles pour les filles et les garçons.

Malheureusement les protestations ont fait céder la ministre de l’Éducation de l’époque. Et au lieu de travailler avec les jeunes enfants sur l’égalité filles-garçons, on a laissé la confusion s’installer entre les mots « genre » et « sexe » alors que le premier concerne une construction sociale du second. Ce qui a abouti à considérer le sexe comme une donnée sociologique et non un fait biologique.

Le mot genre en français est une mauvaise traduction du terme anglais gender qui désigne aussi bien le sexe biologique que les rapports sociaux de sexe.

Samuel Furfari : Il y a des tentatives assez fortes également en France de s’opposer à ce courant de pensée. Des parents se sont mobilisés contre l’enseignement de la théorie du genre. Mais il n’y a pas encore eu de victoire. Les médias n’ont pas réellement donné un écho suffisant à ces événements. Ces mouvements qui ne conviennent pas à la gauche extrême n’ont pas été réellement mis en avant ou soutenus par les médias.

À titre d’exemple, en Belgique, une loi sur l’euthanasie des enfants a suscité une vive inquiétude et de fortes polémiques. Les enfants peuvent décider eux-mêmes de mourir. Le 7 février 2018, le cardinal Robert Sarah avait donné une conférence à Bruxelles. J’avais été invité à y participer. Dès le début de son discours, il s’est adressé au clergé belge, dont le primat de Belgique assis au premier rang, pour les critiquer fermement, car ils n’avaient absolument rien fait pour s’opposer, ni même questionner cette loi. Même dans le clergé, une peur existe. L’Église catholique est tellement vilipendée que le choix le plus simple est de ne pas faire de vague. Le silence a été privilégié, y compris sur l’euthanasie et la théorie du genre.

Cette vague de contestation à l’échelle internationale vis-à-vis des théories intersectionnelles, de la France, en passant par la Belgique et le Canada, n’est-elle pas le signe d’un recul du wokisme ?

Guylain Chevrier : C’est en tous cas la mise en relief de contradictions qui prennent pied dans la réalité et s’opposent à ce qu’inspire les bons sentiments du « progressisme » béat, qui veut voir à tout prix dans le droit des minorités, des supposés dominés, le vrai, le bon et le bien. Les faits sont têtus. Ils révèlent combien le wokisme, terme qui signifie « éveillé » à toutes les oppressions et discriminations que subiraient des minorités s'unissant dans le malheur, dans le sillon du mouvement Black Lives Matter, s’effondre de lui-même comme un château de cartes. La complexité reprend ses droits.

On aura aussi à l’esprit que les « progressistes », qui sont convaincus que la reconnaissance de la diversité est première dans l’ordre des droits humains, s’inscrivent dans le projet d’une société multiculturelle. Ils sont de ce point de vue en rupture avec une histoire de France dont le creuset est la République égalitaire, qui ne voit que des individus de droit pour garantir leur liberté, et non chacun selon sa différence. On pourra ainsi considérer que loin d’être « progressiste », il n’y pas plus réactionnaire que la défense de cette régression des libertés, en prédestinant les individus à n’exister qu’à travers la logique communautaire, le retour des tribus. On retiendra de cette confrontation avec l’histoire le sens du progrès accompli par la conquête de l’individu de droit, indépendamment de sa couleur, de son origine, de sa religion, de son sexe, de son orientation sexuelle, protégé par la loi commune à laquelle il doit la reconnaissance d’être libre.

Michèle Vianès : Le concept d’intersectionnalité a été créé par des chercheuses américaines parce qu’en droit anglo-saxon, il est impossible de revendiquer au nom de discriminations multiples subies par une même personne. Une femme noire qui subirait des discriminations à la fois en tant que femme et en tant que noire devra choisir sur quelle discrimination elle veut porter plainte, femme ou noire. Le concept d’intersectionnalité a pour objet de montrer comment ces deux discriminations subies ensemble se renforcent mutuellement. Alors que dans les pays de droit romain, comme la France, la plainte peut être déposée pour les 2 motifs femme et noire. La peine est aggravée en cas de discriminations multiples. Donc le concept d’intersectionnalité est inutile. 

Le wokisme est lui aussi un concept qui s’oppose à l’universalisme. Il sépare les êtres humains au lieu de reconnaitre à tous et toutes la même humanité, celle du « rien d’humain ne m’est étranger. 

Samuel Furfari :J’espère qu’il s’agit bien d’un recul du wokisme. Mais la bataille est encore longue et n’est pas du tout gagnée. La gauche progressiste et les médias ont endoctriné l’enseignement, les enfants, les médias. Les jeunes ont subi une sorte de lavage de cerveau. De plus en plus d’adolescents, même dans des familles conservatrices qui n’ont aucune affinité avec le wokisme ou sur la théorie du genre, décident de changer de genre et de devenir fille ou garçon, au grand désarroi des parents. Vis-à-vis des personnes de confession musulmane qui elles n’ont pas peur du politiquement correct, l’adoption de ces théories sera beaucoup moins acceptée. Peut-être parviendront-ils à imposer que leurs enfants soient exonérés de cet enseignement. Autrement, cela pourrait exacerber des tensions. La gauche progressiste est allée trop loin. 

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