Dans les coulisses de la redoutable machine Trump<!-- --> | Atlantico.fr
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Donald Trump est le grand favori pour l'élection présidentielle américaine de 2024.
Donald Trump est le grand favori pour l'élection présidentielle américaine de 2024.
©SCOTT OLSON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Inarrêtable ?

Le premier mandat de Donald Trump était brouillon, un second pourrait l’être beaucoup moins tant il s’appuie désormais sur une équipe structurée.

André Kaspi

André Kaspi

André Kaspi, est agrégé d'histoire, spécialiste de l'histoire des États-Unis. Il a été professeur d'histoire de l'Amérique du Nord à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et directeur du Centre de recherches d'histoire nord-américaine (CRHNA). Il a présidé notamment le comité pour l'histoire du CNRS.

 

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Atlantico : Donald Trump pourrait prochainement retrouver la Maison Blanche. Pour autant, la situation politique diffère de 2016, du fait notamment de différents rapports de force interne au parti des Républicains et ainsi que d'une meilleure connaissance des rouages du pouvoir. A quel point cela peut-il jouer selon vous ?

André Kaspi : La première erreur serait de penser que Donald Trump est incompétent, qui arrive comme un cheveu sur la soupe au milieu du débat électoral. Il faut bien comprendre, même si d’aucuns ont parfois tendance à vouloir l’oublier, qu’il a été le président des Etats-Unis du 20 janvier 2017 au 20 janvier 2021 et que, en conséquence, il a aujourd’hui une expérience de la présidence dont il ne pouvait évidemment pas se prévaloir il y a huit ans. Le Donald Trump d’aujourd’hui n’est pas le Donald Trump d’hier. 

Ce premier point établi, il faut aussi comprendre que si Donald Trump donne l’impression de n’avoir qu’un seul objectif – battre Joe Biden, dont il considère qu’il s’agit d’un imposteur –, il a aussi une vision très précise de ce que doit être la société américaine. Par extension, il a également assez précise de ce que doit être la politique extérieure des Etats-Unis. Là encore, c’est une différence marquée avec le Donald Trump de 2017 ou celui, plus récent, de 2021. 

Le nouveau Donald Trump espère transformer la politique extérieure des Etat-Unis. Mais réalisons bien que ce n’est pas ce qui le passionne le plus : il veut surtout transformer la société américaine au profit d’une idéologie et d’un programme qui, à défaut d’être exposés avec une précision clinique, constituent l’arrière-plan de sa candidature.

En 2016, pendant la campagne électorale, il était loin d’être le favori. L’ensemble du monde s’attendait à l’élection d’Hillary Clinton, y compris ceux de son propre camp. Pourtant, c’est lui qui a gagné (difficilement, peut-être, mais il a gagné tout de même). En 2021, il a perdu face à Joe Biden, qui a remporté à la fois les grands électeurs et les voix populaires, puisque 80 millions d’américains ont choisi le candidat démocrate. Donald Trump a évoqué des fraudes et des trucages, sans lesquels il aurait prétendument été élu. Dorénavant, il cherche une revanche, laquelle porterait évidemment sur le système électoral (il s’agit de battre Joe Biden, mais pas seulement) ainsi que sur la ligne de l’actuel président.

Aujourd’hui, Donald Trump n’a plus rien de l’outsider qu’il a pu être par le passé. Les outsiders, cette fois-ci, étaient ses opposants : Ron DeSantis et Nikki Haley. L’un comme l’autre, ils ont été écartés par les électeurs républicains, quoiqu’au cours de telles primaires ce soit surtout les électeurs les plus déterminés qui expriment leurs choix. Trump est devenu incontestable au sein de son propre parti ; tant et si bien qu’il engrange désormais les ralliements et ceux qui ne veulent pas le rejoindre s’envolent vers d’autres cieux.

Ce que l’on attend désormais du candidat, c’est le programme sur lequel il compte se faire élire. Depuis la récente publication d’un article du Financial Times, l’entourage sur lequel il espère s’appuyer est connu. Son programme demeure plus secret, notamment sur ce qui relève de la politique étrangère. Dans les faits, sa position n’est pas inconnue. Cependant, il est resté muet sur comment il envisage aujourd’hui de trouver une solution aux questions particulièrement graves du Moyen-Orient, ou comment il compte mettre fin à l’aide américaine en Ukraine. Nous savons juste qu’il compte donner la priorité à la Chine.

Peut-on dire de la "machine Trump" qu'elle est efficace ? Pourquoi ?

Elle est très efficace, en effet, et elle est fondée avant tout sur le prestige de Donald Trump lui-même. Cela fait quatre ans désormais qu’il arpentent les Etats-Unis, tâchant d’être présent un peu partout pour montrer, en somme, que c’est lui qui devrait être élu et qu’il a été écarté du pouvoir à tort en 2020. La machine fonctionne. D’autant que, et le Financial Times le montre bien, Donald Trump peut compter sur un réel renouvellement de ses soutiens. Il y a les fidèles parmi les fidèles, les nouveaux alliés, ceux qui le soutenaient auparavant et qui ne le soutiennent plus sans être hostiles, ceux qui sont partis aussi. 

Tout cela implique, pour Donald Trump, la possibilité de faire un choix. Il peut non seulement s’appuyer sur l’expérience du pouvoir, l’expérience des élections ainsi que l’expérience d’une équipe dont il sait qu’elle fonctionne et qu’elle sera capable de mener ou non la politique qu’il souhaite pour les Etats-Unis.

Sur qui Donald Trump entend-il s'appuyer pour la prochaine élection ? Comment a-t-il écarté les autres ?

Le Financial Times, nous l’avons dit, a récemment publié un article à ce sujet. Ce que l’on peut dire, c’est que Donald Trump a su chasser le président Républicain de la Chambre des représentants, dont il estimait qu’il n’était pas assez “trumpien”. Il l’a fait remplacer par Mike Johnson, un élu des plus obscurs qui occupe aujourd’hui un poste des plus importants et qui est très attaché à la cause de l’ancien président. Notons aussi qu’au sein du Sénat, un nombre conséquent d’élus sont amenés à partir (c’est le cas notamment de Mitch McConnell), parce qu’ils approchent de l’âge de la retraite ou parce qu’ils souhaitent tenter autre chose. D’autres sénateurs, y compris des “trumpiens” peuvent être projetés au premier plan. C’est notamment le cas de Tim Cotton. D’une façon générale, on observe un renouvellement du personnel politique qui est très favorable à l’ancien président.

Le Financial Times évoque également plusieurs conseillers politiques majeurs, parmi lesquels Keith Kellogg, un ancien officier de l’armée américaine qui a servi durant la guerre au Vietnam ou Robert Lighthizer, ancien représentant américain au commerce pendant le mandat de Donald Trump. Sans oublier Tim Scott, sénateur de Caroline du Sud et soutien du candidat, qui pourrait compter parmi ses alliés au congrès, Steve Bannon ou Vince Haley qui a écrit plusieurs des discours de l’ancien président.

Il a aussi, vous avez raison de le souligner, su écarter ses opposants potentiels. Ce n’est pas très étonnant : en exprimant ses idées ainsi qu’il l’a fait, il a poussé les uns et les autres à se positionner. Et puisqu’il a de fortes chances d’être élu président, certains ont préféré le suivre quand d’autres n’ont pas eu d’autre alternative que de partir pour pouvoir rester cohérents avec leur ligne. C’est à travers de telles démonstrations verbales qu’il fidélise d’ailleurs son équipe. Observons d’ailleurs que sa famille tient un rôle important, qui diffère de celui qu’elle tenait pendant la précédente présidence. Jared Kushner, son gendre, n’est plus à ses côtés même s’il n’est pas hostile alors qu’il tenait à l’époque un rôle très important dans son administration. Désormais, rappelle le journal anglais, c’est la femme de l’un de ses fils, Eric Trump, qui rejoint le premier plan. Son épouse, elle, demeure la grande absente.

Quel impact sur son éventuel prochain mandat ?

Il va de soi que Donald Trump serait plus efficient, s’il était réélu. En 2017, il était un président qui ne s’attendait pas véritablement à être élu. S’il était préparé à la nécessité de composer une équipe et d’élaborer une équipe, il ne l’était vraisemblablement pas assez. Désormais, nous l’avons dit, c’est un président expérimenté. Il sait quels hommes et quelles femmes choisir pour mener à bien son programme, dans quelle direction tirer sa politique.

Un nouveau mandat de Donald Trump, je crois, serait marqué d’abord par la volonté de donner la priorité aux relations avec la Chine. La question de la politique étrangère a un poids conséquent pour Donald Trump, qui estime que la Chine est la priorité, que ce soit en matière politique, militaire ou commerciale. Sans doute prendrait-il quelques distances avec l’Europe et le Moyen-Orient.

Sur le plan de la politique intérieure, tout porte à penser que c’est l’immigration qui aura la priorité de Donald Trump et spécialement l’immigration en provenance d’Amérique Latine. La question de l’avortement pourrait aussi faire son retour à l’agenda.

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