Ces secrets sur l’histoire de la Terre que découvrent les scientifiques en établissant l’âge des plus grandes dunes de sable de la planète<!-- --> | Atlantico.fr
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Cette vue aérienne montre des dunes de sable dans le désert libyen, entre Khofra et Dakhla.
Cette vue aérienne montre des dunes de sable dans le désert libyen, entre Khofra et Dakhla.
©PATRICK HERTZOG / AFP

Fascinant

L'âge de l'un des types de dunes de sable les plus grands et les plus complexes de la Terre a été calculé pour la première fois

Anne Nédélec

Anne Nédélec est professeure émérite de sciences de la Terre à l'Université de Toulouse. Elle a enseigné au Cameroun et en France. Spécialiste de la terre ancienne (roches magmatiques, tectonique, paléoenvironnements et paléoclimats), elle a écrit environ 80 articles spécialisés dans des revues à comités de lecture, ainsi qu'un ouvrage sur les granites (en français et en anglais) et un ouvrage récent sur l'histoire de la Terre et de la vie (350 pages, Odile Jacob,  2022). Elle a effectué plusieurs missions de terrain en Afrique (Cameroun, RCA, Nigeria, Madagascar...) et au Brésil.

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Atlantico : Une équipe de scientifiques a récemment découvert comment calculer l’âge des « dunes étoilées », ou « dunes pyramides ». De quoi s’agit-il ? En quoi ces dunes sont-elles si particulières ?

Anne Nédélec : Les dunes en étoile (ou dunes pyramidales) sont remarquables par leur forme et leurs dimensions, bien éloignées des petites dunes en croissant appelées barkhanes qui sont les plus communes des dunes. Alors que les barkhanes ont moins de 10 mètres de haut (en moyenne 3 m), les dunes en étoile dépassent 100 m de haut et peuvent même atteindre plus de 300 m de haut.

Elles se ramifient dans plusieurs directions. Leur base occupe donc une large surface.

La dune du Pilat (sur le littoral aquitain) qui fait 109 m de haut a une forme linéaire ; ce n’est pas une dune en étoile. Les dunes en étoile sont peu fréquentes.

Alors que les barkhanes se forment lorsque les vents soufflent toujours dans la même direction, les dunes en étoile se forment lorsque les vents soufflent dans des directions opposées.

Ainsi aujourd’hui dans la Sahara, on connaît deux vents principaux de direction opposées : le sirocco (qui vient du sud-ouest) et le chergui (qui vient du nord-est).

Il faut noter que les dunes se construisent progressivement. Dans le cas qui nous intéresse, c’est la base de la dune qui a 13 000 ans. Le sommet est beaucoup plus récent.

Les dunes se forment quand le sable n’est pas fixé par la végétation, ce qui correspond en général à un climat aride (et venteux !). Notez que « aride » signifie « peu de précipations », mais cela peut être en contexte chaud ou froid…

Qu’est-ce que cette découverte apporte à la recherche scientifique, et quelles avancées nous permet-elle d’envisager ?

A l’échelle géologique, les dunes sont des formations relativement jeunes.

Il est intéressant de connaître précisément leur âge ou de déterminer les périodes pendant lesquelles elles se sont développées, et de mettre ces données en relation avec ce que l’on connaît du climat à ces époques.

Ainsi l’âge de 13 000 ans n’est pas anodin. Cela correspond à une période froide, le Dryas, qui interrompt (pour quelques milliers d’années) le réchauffement constant du climat depuis le dernier maximum glaciaire il y a 21000 ans. La chute des températures moyennes aurait été de 7°C dans l’hémisphère nord il y a 13 000 ans. Dans ce contexte de changement climatique, il n’est pas surprenant que le régime des vents ait été affecté en direction et en intensité. Or ce sont les vents qui construisent les dunes.

Pour être complet et c’est tout aussi intéressant, il faut dire que l’article de Bistow & Deller (2024) identifie aussi une période de 8000 ans sans accumulation de sable après la période de croissance initiale. Cela témoigne d’un climat encore différent durant lequel la dune aurait pu être stabilisée par la végétation. Enfin la dune recommence à croître rapidement seulement dans les derniers 1000 ans. C’est même pendant cette période récente que plus de la moitié de la hauteur de la dune se construit.

Ces datations contribuent à une meilleure connaissance de l’environnement et du climat passés de la Terre. Dans le contexte africain, cela contribue à une meilleure connaissance du Sahara. Ainsi, on sait par l’étude pollinique de sédiments lacustres que le Sahara était auparavant une savane verdoyante pleine d’animaux (cf les peintures rupestres des Tassili), justement pendant une bonne partie de la période où la dune marocaine étudiée ne grandit pas. Puis le Sahara a commencé à devenir de plus en plus aride et envahi par le sable il y a 4000 ans.

Ces approches indépendantes fournissent donc des résultats qui vont dans le même sens et se confortent donc mutuellement.

Le calcul de l’âge de ces dunes s’est fait grâce à la datation par luminescence. Est-ce une technique connue depuis longtemps ? Peut-elle être appliquée à d’autres domaines de la recherche ?

La datation par luminescence est une méthode bien connue depuis une quarantaine d’années qui permet de déterminer quand un matériau (en l’occurrence des grains de sable dunaire) a été exposé pour la dernière fois à la lumière. Ce n’est donc pas l’âge des grains de sable, mais l’âge du recouvrement des grains étudiés sous d’autres grains.

La méthode est utilisée en géologie (pour les périodes récents) et en archéologie.

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