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Certains patients parlent de problèmes sexuels persistants après l'arrêt des antidépresseurs, une condition souvent mal comprise
Certains patients parlent de problèmes sexuels persistants après l'arrêt des antidépresseurs, une condition souvent mal comprise
©AFP

Énergie sexuelle

Certains patients parlent de problèmes sexuels persistants après l'arrêt des antidépresseurs, une condition souvent mal comprise

Michelle  Boiron

Michelle Boiron

Michelle Boiron est psychologue clinicienne, thérapeute de couples , sexologue diplomée du DU Sexologie de l’hôpital Necker à Paris, et membre de l’AIUS (Association interuniversitaire de sexologie). Elle est l'auteur de différents articles notamment sur le vaginisme, le rapport entre gourmandise et  sexualité, le XXIème sexe, l’addiction sexuelle, la fragilité masculine, etc. Michelle Boiron est aussi rédactrice invitée du magazine Sexualités Humaines

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Atlantico : Un certain nombre de patients suivant un traitement à base d’antidépresseurs sont désormais confrontés à une baisse de qualité de leur vie sexuelle, parfois en raison d’une chute de libido. Ce cas de figure est il courant ? Comment s’explique t-il ?

Michelle Boiron : La dépression lorsqu’elle est avérée provoque chez le patient des modifications assez visibles du comportement dans son ensemble. Cela se caractérise notamment par une incapacité à éprouver du plaisir, et par une baisse d’énergie au sens large.  « L’énergie » sexuelle n’est malheureusement pas épargnée. Le repli sur soi est flagrant. L’estime de soi est atteinte.

La passivité s’installe et il est difficile de sortir de cet état léthargique malgré les sollicitations de l’entourage (quand il y en a un) : « Remue-toi un peu » « Bouge- toi » « Sors » ...  

Ce sont des injonctions équivalentes à celles qu’on dit à un alcoolique : « Si tu avais un peu de volonté tu arrêterais de boire». C’est la maladie qui l’induit. 

Ces injonctions sont contre-productives et créent en plus de la culpabilité.

A partir du moment où la dépression est reconnue et traitée avec des antidépresseurs, l’effet booster d’énergie n’est pas immédiat. On parle de 3 semaines pour ressentir une modification de l’humeur. Une libido basse était déjà plus ou moins installée avant le diagnostic de la dépression ; on comprendra que le phénomène s’aggrave.

C’est souvent une plainte récurrente chez les patients en couple du fait de la non-concordance de la libido entre les deux partenaires. Chacun ayant sa propre libido, l’adaptation est toujours difficile, à fortiori quand s’invite dans le couple la maladie dépressive. A quelle place se met le partenaire ? Le couple aurait besoin d’une aide psychologique : celui qui en souffre et celui qui est à ses côtés.

Ils voient leur libido un peu en berne et certains, très inquiets, y pallient avec une source d’excitation virtuelle comme le visionnage de pornographie.

 La passivité, meême sans la dépression est un peu un nouveau mode de fonctionnement. la sexualité virtuelle s’est installée de manière un peu « normalisée » car  rentrée dans nos mœurs. Son recours approprié ou non est utilisé pour aller vérifier que ça « fonctionne ».

La libido étant hormonale, on sait que la sérotonine (hormone du plaisir) subit déjà des modifications lors de la maladie dépressive. Le traitement par des psychotropes peut sur certains patients accentuer cette baisse de libido. Pour ceux qui en souffrent cela peut continuer jusqu’à l’arrêt du traitement. La thérapie est un outil très important pour vérifier la qualité de la libido avant les symptômes dépressifs ressentis. Le « avant c’était bien » est à questionner. 

Il  est important à ce moment là d’échanger avec le médecin qui a prescrit le traitement anti dépresseur. La guérison de la dépression, afin d’éviter qu’elle devienne récurrente, doit pour primer par apport a une sexualité momentanément en berne, qui reviendra avec la fin du traitement.

Elle fait partie des effets secondaires comme la prise de poids,  difficile à vivre qui touche à l’estime de soi déjà bien mise à mal. 

La prise d’antidépresseurs peut-elle avoir d’autres impacts sur la vie sexuelle d’un patient ? Croise-t’on le cas, par exemple de personnes qui ressentent toujours la même envie mais n’arrivent pas pour autant à passer à l’acte le moment venu ?

La libido n’est qu’une partie de la sexualité. Elle joue surtout sur la fréquence de l’acte sexuel qu’il soit sous forme de « relation » sexuelle qui sollicite un partenaire ou de plaisir solitaire basé sur la masturbation avec ou sans support. 

Les deux autres parties de la sexualité sont le désir et l’excitation.

Si le fait de ressentir du plaisir est en absent, chez le déprimé le désir va lui aussi être moins présent. Cet absence de désir est lié à la modification de la sérotonine. Elle se trouve modifiée d’une part par la dépression d’autre part par le traitement antidépresseur.

La troisième partie de la sexualité qui est l’excitation va être plus difficile à obtenir. D’où une difficulté à avoir une érection dont l’excitation est la principale source ; de même pour l’orgasme.

Comment combattre une perte d’envie causée par la prise de médicaments ?

L’effet des médicaments sur la perte d’envie sexuelle est difficile à établir car la dépression est caractérisée justement par l’anhédonie, qui est l’incapacité à éprouver du plaisir. Un sujet doté d’une libido très forte avant la maladie dépressive peut, à moindre fréquence, conserver une part de sa libido intacte et continuer à maintenir une sexualité en pointillé. Celui qui a une faible libido, voire aucune avant la maladie, est dans une autre situation. Dans tous les cas le partenaire du patient à sa part dans le maintien ou l’abandon de la sexualité pendant la maladie et la prise du médicament. Sachant que le traitement doit durer au moins  six mois pour éviter une rechute, on comprend la raison pour laquelle le traitement est parfois interrompu.  Le bénéfice guérison de la dépression versus la qualité de la sexualité est à considérer. Le « je vais mieux  bonne nouvelle et j’arrête le traitement », trop tôt, expose à la rechute.

Si la diminution de la sexualité est liée aux troubles érectiles et non pas à l’absence de libido, de désir et ou d’excitation,  on peut aussi avoir recours à un médicament tel que le Sildenafil qui améliorera l’érection. C’est une solution préférable à l’arrêt du psychotrope. On peut aussi profiter de l’érection du matin si elle est conservée car c’est une érection réflexe et non provoquée par l’excitation. 

La sexualité est comme de l’horlogerie. Mais elle est avant tout une réelle pulsion de vie, présente pour combattre la pulsion de mort. On comprendra qu’elle s’absente pendant la dépression avec ou sans médicament pour la traiter. On ne peut vivre sans manger sans boire ni sans dormir. En revanche, on ne meurt pas sans sexe, même si on ne peut plus se reproduire !   

C’est  l’élan vital de notre sexualité archaïque qu’on ne maitrise pas…

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