Ces nouveaux steaks que découvrent les Michel-Ange de la boucherie<!-- --> | Atlantico.fr
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Du "bœuf de Kobé" nouvellement importé du Japon, est fièrement exposé dans un supermarché de Hong Kong
Du "bœuf de Kobé" nouvellement importé du Japon, est fièrement exposé dans un supermarché de Hong Kong
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Oeuvres d'art

Certains amoureux de viande ne cessent de trouver de nouvelles façons de trancher une vache

Fabrizio Bucella

Fabrizio Bucella chronique la science et le vin. Docteur en physique et professeur des universités à l'université libre de Bruxelles, il tient une chronique pour Le Point "Le prof en liberté". Chaque semaine, on le retrouve dans le poste de radio et télévision belge de service public (RTBF). Sur les réseaux sociaux, il publie quotidiennement une vidéo ludique sur le vin et la science. Ses comptes sont suivis par plus de 200 000 abonnés.

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Atlantico : Certaines avancées scientifiques ont, semble-t-il, permis d'identifier de nouvelles pièces de viandes à consommer. Mais de quoi parle-t-on au juste ? Existe-t-il vraiment de nouveaux steaks à découvrir ?

Prof. Fabrizio Bucella : Il faut bien faire attention à ne pas se confondre. On a découvert de nouveaux steaks, c'est-à-dire des anciennes pièces de viandes pour faire des nouvelles découpes. On n'a pas aperçu tout à coup et par miracle de la viande cachée sur le dos de la vache. Historiquement, ces anciennes pièces passaient à la moulinette et finissaient en burgers. Ces nouveaux steaks ne sont pas apparus par hasard sous le hachoir d'un boucher inspiré. Il s'agit d'une petite avancée techniquo-scientifique. On a exploré méthodiquement la carcasse de la vache avec une meilleure compréhension tant de sa technique musculaire que de la découpe. Ces nouveaux steaks ont des noms poétiques comme le flat iron steak (steak de palette) ou le denver steak, tous deux pris sur l'épaule et dont la structure est à la fois tendre et la saveur plus intense. En résumé, ces nouveaux steaks d'anciennes pièces sont surtout nouveaux dans leur présentation et leur prix, qui passe d'une pièce à burger à une pièce de qualité.

Que peut-on dire de ce que ces nouvelles pièces de viande apportent de neuf sur la table ? Dans quelle mesure ont-elles pu être portées par l'influence des réseaux sociaux ou par les nouvelles tendances culinaires ? 

Il y a deux choses. D'abord ces "nouvelles" pièces valorisent mieux la vache. Cela fait des nouveaux sous pour le vendeur. Ensuite, le consommateur découvre des pièces qui auparavant filaient à la broyeuse. Les saveurs, les textures sont nouvelles. Comme pour toute nouveauté, il y a l'effet nouveauté. Ensuite, la communication fut fort bien orchestrée avec des influenceurs qui ont influencé. Il y a eu notamment Jess Pryles, dite la Hardcore Carnivore avec ses 190 000 abonnés sur Instagram et en anglais. Cela correspondrait à 38 000 abonnés pour un compte francophone. Comme de juste, les influenceurs partagent des plats, des recettes et beaucoup de photographie de bidoche.

Comment s'assurer, aujourd'hui, qu'une pièce de viande "prenne" sur le marché ? Quels sont les enjeux marketing et commerciaux que les "Michel-Ange" de la boucherie doivent relever dans ce genre de situations ? 

C'est la bonne question. Il y a une chose dont on est certain : les meilleures explications viennent toujours après le phénomène. On peut expliquer pourquoi ça a réussi et puis on reproduit la recette et ça foire. Dans le cas qui nous occupe, il y a eu une action commune entre les producteurs, les vendeurs et les restaurateurs et les influenceurs dont on a parlé. Tous les poncifs éculés y sont passés : nouveauté pour le consommateur, meilleure valorisation de la carcasse (durabilité), découpé incroyable, saveurs inédites... Ajoutez un grain de démonstrations culinaires, des partenariats avec des cuisiniers réputés et bien entendu une mise en récit soignée. On a souligné l'origine unique, la rareté de la pièce, jusqu'à qualifier ces messieurs qui somme toute découpent des cadavres de "Michel-Ange" de la barbaque.

Dans un monde de plus en plus conscient de l'origine et de la durabilité de la viande, comment l'introduction de nouveaux steaks s'aligne-t-elle sur les préoccupations environnementales et éthiques des consommateurs ?

Autant être franc, il s'agit simplement d'un récit de couverture. Il n'y a pas de nouvelle viande, elle est simplement mieux valorisée. Bien sûr on met en avant une sorte de circularité vertueuse : on prend des morceaux déclassés pour en faire des steaks première catégorie. Ceci dit, il manque une réflexion globale sur la consommation de viande qui n'est pas soutenable et le bien-être animal qui n'est pas assuré. Par ailleurs, les études ont montré qu'un animal stressé produit une moins bonne viande qu'elle soit nouvelle ou ancienne.

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