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D&rsquo;abord l&rsquo;horreur puis l&rsquo;émotion, à sa mesure. Des mots très justes de François Hollande et de Nicolas Sarkozy. Des mots encore plus précis (notamment sur l&rsquo;antisémitisme) de Manuel Valls. Puis le magnifique élan national d&rsquo;hier et d&rsquo;aujourd&rsquo;hui. Dès demain, on nous le promet, la recherche des causes, des parades et des remèdes. A moins qu&rsquo;un nouveau drame, toujours en suspens, ne vienne emporter les dernières digues de notre pauvre raison. A moins, de façon encore plus probable, que nous ne retombions dans nos chers travers : divisions partisanes, récupération politique et retour aux vieilles postures. Et aux bonnes vieilles rhétoriques : celle du déni et de la minimisation d&rsquo;une part ; celle de l&rsquo;amalgame et de l&rsquo;exclusion, de l&rsquo;autre. Commençons donc par le déni et ou la minimisation : ce sont toutes les formulations qui, déjà, refleurissent : &laquo; ce ne sont pas des Musulmans &raquo;&hellip; &laquo; quelques centaines d&rsquo;individus &raquo;&hellip; des &laquo; déséquilibrés &raquo;&hellip; &laquo; des jeunes paumés &raquo;&hellip; &laquo; nous ne sommes pas en guerre &raquo;&hellip; &raquo;&hellip; &laquo; gare à l&rsquo;islamophobie &raquo;&hellip; &laquo; le problème n&rsquo;est pas religieux mais social &raquo; etc&hellip; La posture du déni et/ou de la minimisation n&rsquo;a qu&rsquo;une faiblesse, mais elle est grande : il suffit de lui appliquer ce que j&rsquo;appellerai &laquo; le test de la symétrie &raquo;. Imaginons une minute que les journalistes de Charlie aient été victimes d&rsquo;intégristes chrétiens : de fait, Charlie n&rsquo;a pas ménagé les symboles les plus sacrés du christianisme ! Et demandons-nous alors quelles auraient été les réactions : &laquo; surtout pas d&rsquo;amalgame &raquo; ? &laquo;&nbsp; Ce ne sont pas des chrétiens &raquo; ? &laquo; C&rsquo;est une infime minorité &raquo; ? &laquo; De jeunes paumés&raquo; ?&nbsp; Et aurait-ton crié à la &laquo; christianophobie &raquo; ? Nous aurions sans doute eu un tout autre discours sur le thème du &laquo; retour de la bête immonde &raquo;. Me trompé-je ? Mais voilà &laquo; l&rsquo;élastique rhétorique &raquo; qui repart dans l&rsquo;autre sens ; celui de l&rsquo;amalgame et de l&rsquo;exclusion : &laquo; l&rsquo;Islam en est au Moyen Age &raquo;&hellip; &laquo; C&rsquo;est une religion violente &raquo; &hellip; &laquo; Regardez les terroristes : tous des Musulmans &raquo; ; (donc &laquo; tous les Musulmans sont des terroristes &raquo;)&hellip; &laquo; Ces gens ne s&rsquo;intègrent parce qu&rsquo;ils ne veulent pas s&rsquo;intégrer &raquo;&hellip; Avec, pour les plus échauffés, en ligne d&rsquo;horizon, &laquo; la Grande Déportation &raquo; en réponse au &laquo; Grand Remplacement &raquo;. D&rsquo;un mythe à l&rsquo;autre &hellip; Et le risque redoutable du déchirement social. Quel remède contre ces idées-là ? Le plus difficile à mettre en œuvre, sans doute : la connaissance élémentaire : connaissance de ce qu&rsquo;est l&rsquo;Islam dans sa grande variété et plus délicat encore : un minimum de sens historique. Sur l&rsquo;Islam, je me contenterai de renvoyer aux déclarations des Musulmans eux-mêmes, du&nbsp; conservateur Moussaoui au libéral Bidar : aucun des deux ne dit que &laquo; les terroristes ne sont pas des musulmans &raquo; : mais que ce sont des musulmans dévoyés, qui suivent une voie littéraliste et violente, née il y a une trentaine d&rsquo;années en Afghanistan, très minoritaire mais en essor au sein de l&rsquo;Islam, le salafisme djihadiste. Et qu&rsquo;ils&nbsp; prennent en otage l&rsquo;ensemble de la religion. Nous avons d&rsquo;abord affaire à &laquo; une guerre au sein de l&rsquo;Islam &raquo;, comme l&rsquo;a rappelé maintes fois Gilles Kepel. Et une guerre qui déborde chez nous, si l&rsquo;on veut bien se rappeler les victimes musulmanes de Merah et des frères Kouachi. Et une guerre qui nous vise aussi : l&rsquo;estimation du nombre d&rsquo;islamistes potentiellement dangereux est de 5.000. C&rsquo;est très peu par rapport à la communauté musulmane (1 pour mille !) mais c&rsquo;est plus que &laquo; quelques déséquilibrés &raquo;. Suffisamment pour déstabiliser un pays en tout cas. Alors que faire ? Et d&rsquo;abord, comment DIRE ? Eh bien, une analogie très simple vient à l&rsquo;esprit, facilitée par la richesse de notre vocabulaire et notre (tragique) expérience historique : nous distinguons très bien&nbsp; nazis et nationalistes, socialistes et staliniens. Nous pouvons de même aisément distinguer &laquo; islamistes &raquo; et &laquo; musulmans &raquo;. L&rsquo;on rappellera que parmi les plus intraitables adversaires du nazisme, se trouvaient des nationalistes patentés : un Churchill, un de Gaulle. De même (voire la Tunisie, voire le Kurdistan) les combattants musulmans contre l&rsquo;islamisme sont légion. Ce qui n&rsquo;est en rien un dédouanement. Bien au contraire : l&rsquo;Islam doit s&rsquo;interroger, comme le nationalisme par rapport au nazisme, comme le socialisme par rapport au stalinisme, sur ce qui a permis -et ceux qui ont permis-, en son sein, cette dérive meurtrière. Mais pour l&rsquo;ensemble de notre société, y compris les Musulmans en tant que citoyens, le message est plus large : le totalitarisme a pris un autre visage. Ce n&rsquo;est plus celui de notre vieux &laquo; fascisme &raquo;, contre lequel tant de nos belles âmes font de la résistance&hellip; à retardement et sans risque ! Ce visage encagoulé et meurtrier vient de dévaster la France et ce nouveau totalitarisme s&rsquo;en prend, exactement comme les précédents, à l&rsquo;essence même de notre culture politique et de notre vivre-ensemble : la démocratie et les libertés. &nbsp;

Islamophobie : comment échapper au double piège du déni et de l’amalgame ?

Totem et Tabou.

<h3 class="s2">Atlantico : Où en sont les relations entre les Français et l&#39;islam ?</h3>Jérôme Fourquet : L&#39;enracinement de l&#39;islam en France, eu égard au dynamisme démographique de la population issue de l&#39;immigration et au réveil identitaire qui fait qu&#39;on s&#39;affiche plus musulman qu&#39;avant, fait que la question de la visibilité de l&#39;islam dans la société française suscite un certain nombre d&#39;inquiétudes, d&#39;angoisses et de crispations.Lire également : <a class="Colorbox" href="http://www.atlantico.fr/decryptage/66-francais-considerent-que-musulmans-vivent-paisiblement-en-france-et-que-seuls-islamistes-radicaux-representent-menace-jerome-1947238.html" target="_blank">66% des Français considèrent que les musulmans vivent paisiblement en France et que seuls des islamistes radicaux représentent une menace</a><h3 class="s2">Les Français ont-ils de plus en plus peur de l&#39;islam ?</h3>Jérôme Fourquet : Une étude Ifop pour Fondapol de 2010 sur la France des classes moyennes montre que selon 71% des Français l&#39;islam progresse trop. En 2012, 43% de nos concitoyens indiquaient que la présence de la communauté musulmane était une menace pour l&#39;identité de notre pays. Les scores sont ici plus élevés que ceux d&#39;aujourd&#39;hui sur la menace sécuritaire. Il ne faut donc pas faire d&#39;amalgames mais on ne peut pas affirmer qu&#39;il n&#39;y a pas de problème quant à la visibilité de l&#39;islam dans notre société aujourd&#39;hui.Philippe d&#39;Iribarne :&nbsp;Tout ce que les médias annoncent chaque jour à propos de ce qui se passe dans&nbsp;les pays musulmans entre Boko Haram, l&#39;Afghanistan, le Pakistan et autres n&#39;est&nbsp;pas de nature à donner une vision positive et sympathique de l&#39;islam. Il me&nbsp;semble, en regardant les sondages, que les avis sont plutôt négatifs, notamment à&nbsp;propos du voile. La tendance générale est à la dégradation de l&#39;image de l&#39;islam&nbsp;chez les Français.Lire également : <a class="Colorbox" href="http://www.atlantico.fr/decryptage/charlie-hebdo-qui-est-ennemi-qu-faut-comprendre-islam-pour-sortir-grande-confusion-intellectuelle-ambiante-ghaleb-bencheikh-1945406.html" target="_blank">Charlie Hebdo : qui est l&rsquo;ennemi ? Ce qu&rsquo;il faut comprendre de l&rsquo;islam pour sortir de la grande confusion intellectuelle ambiante</a><h3 class="s2">Qu&#39;est-ce qui pose problème ? Est-ce uniquement la peur du terrorisme ?</h3>Jérôme Fourquet :&nbsp;Il y a eu par exemple des débats très vifs à la suite de l&#39;affaire du fast-food hallal de Roubaix ou sur la question du voile. On voit que de manière répétée et fréquente, la manifestation des signes religieux musulmans dans l&#39;espace public suscite de vives polémiques. Nous avons dans nos enquêtes de nombreux Français qui s&#39;opposent à cette visibilité.Dans un vieux pays laïc comme la France, les problèmes liés à l&#39;expression du religieux dans l&#39;espace public ont été réglés depuis très longtemps. Déjà en 1905, la séparation de l&#39;Eglise et de l&#39;Etat ne s&#39;était pas passée paisiblement. Ce problème était depuis réglé et aujourd&#39;hui il se repose. La République doit réaffirmer un certain nombre de règles. Il y a aussi les droits des femmes et la question du voile, qui ont trait à des valeurs auxquelles la France est attachée, et des problèmes dans les hôpitaux avec des femmes qui ne veulent être auscultées ou soignées que par des femmes. La France n&#39;était pas habituée à ce genre de tensions qui bousculent les traditions.Lire également : <a class="Colorbox" href="http://www.atlantico.fr/decryptage/islam-face-modernite-raisons-theologiques-et-historiques-pour-comprendre-pourquoi-musulmans-ont-tant-mal-faire-evoluer-religion-1945343.html" target="_blank">L&rsquo;islam face à la modernité : les raisons théologiques et historiques pour comprendre pourquoi les musulmans ont tant de mal à faire évoluer leur religion</a><div style="font-size: 11.8181819915771px; line-height: 15.27272605896px;">Philippe d&#39;Iribarne :&nbsp;Il y a deux niveaux : le terrorisme, qui représente très peu de gens, et ce que l&#39;on&nbsp;voit dans les Etats dominés par l&#39;islam. Le fait qu&#39;il se soit passé en Tunisie des&nbsp;choses qui dans les pays occidentaux paraîtraient ordinaires et que l&#39;on considère&nbsp;comme aussi remarquables, par exemple la liberté de la presse ou religieuse, est&nbsp;un bon indice de notre vision de ces pays musulmans. Même la presse de gauche&nbsp;rapporte régulièrement le manque de démocratie dans les pays musulmans.&nbsp;</div><div style="font-size: 11.8181819915771px; line-height: 15.27272605896px;">&nbsp;</div><div style="font-size: 11.8181819915771px; line-height: 15.27272605896px;">Admettons que l&#39;on oublie le terrorisme et que l&#39;on ne considère que la pratique&nbsp;des Etats, même sans ça il y a la conviction que l&#39;on n&#39;a pas envie que cela se&nbsp;passe comme ça chez nous.</div><div style="font-size: 11.8181819915771px; line-height: 15.27272605896px;">&nbsp;</div><h3 class="s2" style="font-size: 11.8181819915771px; line-height: 15.27272605896px;">Les actes terroristes encouragent-ils cette tendance ?</h3><div style="font-size: 11.8181819915771px; line-height: 15.27272605896px;">Philippe d&#39;Iribarne :&nbsp;Tout cela intervient alors que le livre de Michel Houellebecq est déjà sorti,&nbsp;totalement indépendamment des événements récents. Cela montre bien que&nbsp;derrière ces réactions négatives par rapport à l&#39;islam c&#39;est plus le manque de&nbsp;démocratie, de liberté de la presse, de liberté religieuse ou de droit des femmes qui pose problème que le terrorisme.</div><div style="font-size: 11.8181819915771px; line-height: 15.27272605896px;">&nbsp;</div><div><h3 class="s2">Comment évolue la situation ?</h3></div><div>Jérôme Fourquet :&nbsp;Jusqu&#39;en 2001, 30% des Français étaient d&#39;accord pour l&#39;édification de mosquées dans leur pays. Il y a eu un basculement progressif après les événements du 11 septembre, et en 2012 ils n&#39;étaient plus que 18% à y être favorables. Il y a donc à la fois le contexte géopolitique international, avec la menace sécuritaire et le réveil identitaire, et des revendications nouvellées qui font que les contentieux se multiplient. Aujourd&#39;hui, quand on regarde les slogans du Front National, les &quot;on est chez nous&quot;, cela signifie que ces personnes veulent vivre selon leurs valeurs et leurs coutumes sans se soucier des autres. On peut malgré tout percevoir une évolution dans les représentations : dans les années 80 des mouvements comme le FN voulaient mettre les immigrés dehors, mais une prise de conscience progressive s&#39;est faite, que cette population avait maintenant une descendance et qu&#39;il n&#39;était plus question de la faire partir.&nbsp;</div><div>&nbsp;</div><h3 class="s2">La distinction entre islam et islamisme est-elle de plus en plus confuse ?&nbsp;</h3><div>Philippe d&#39;Iribarne :&nbsp;Entre les islamistes organisés et les musulmans qui réprouvent leur action, il y a&nbsp;une fraction de la population pour qui, &quot;quand même, ce que ces gens font c&#39;est pas&nbsp;mal qu&#39;ils le fassent&quot; même si eux ne sont pas prêts à passer à l&#39;acte. Il n&#39;y a pas une&nbsp;frontière nette et précise entre les islamistes et les gens l&#39;on pourrait qualifier de &quot;convertis à l&#39;occident&quot;. La&nbsp;majorité des gens de confession musulmane en France sont convertis à l&#39;occident mais ceux qui en rajoutent sur les interdits religieux, sur le&nbsp;Hallal, sur la burqa, inquiètent les Français, qui y sont très sensibles. Là, on n&#39;est&nbsp;pas dans le terrorisme, et cela nourrit pourtant la polémique.&nbsp;</div><div>&nbsp;</div><h3 class="s2">Comment expliquez-vous qu&#39;en 2013, 73% des Français ont affirmé que l&#39;islam&nbsp;était une religion moins tolérante que les autres ?</h3><div>Philippe d&#39;Iribarne :&nbsp;Quand on regarde le classement de la liberté de la presse de Reporters sans&nbsp;Frontières, on ne peut être que d&#39;accord avec cette opinion. Et à la vue des&nbsp;derniers sondages, on a l&#39;impression que les choses se dégradent.&nbsp;Ce qui peut peut-être améliorer les choses, c&#39;est l&#39;évolution de la Tunisie, qui est&nbsp;de nature à donner le sentiment qu&#39;il n&#39;y a pas de fatalité dans les rapports de&nbsp;l&#39;islam avec la démocratie. Les Tunisiens revendiquent la pluralité de leurs&nbsp;origines. Si l&#39;on voyait deux ou trois pays qui suivaient ce chemin je suis prêt à&nbsp;parier que cela ferait évoluer les représentations relatives à l&#39;islam.</div>&nbsp;

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La France, les musulmans, l’islam : état des lieux d’une relation sous tension

Choc des cultures

Totem et Tabou

France

Société

Terrorisme

Religion

"Islam, musulman, islamiste, islamophobie…" : comment échapper au double piège du déni et de l’amalgame ?

La substitution terminologique n&rsquo;a pas échappé aux médias&nbsp;: depuis une semaine il n&rsquo;est plus question dans la bouche de nos dirigeants de &quot;l&rsquo;Etat islamique&quot; mais de &quot;Daesh&quot;. Substitution phonétiquement malaisée comme l&rsquo;ont montré les hésitations de François Hollande, qui semblait parler d&rsquo;une vieille marque de lessive... Mais substitution bien expliquée (comme toujours) par Laurent Fabius devant les députés : reprendre l&rsquo;expression &quot;d&rsquo;Etat Islamique&quot;, en effet, c&rsquo;est concéder une victoire symbolique, donc politique à l&rsquo;adversaire en reprenant son propre vocabulaire&nbsp;; c&rsquo;est du même coup accepter sa double autolégitimation, en tant qu&rsquo;Etat et en tant qu&rsquo;islamique. D&rsquo;où le recours à &quot;Daesh&quot;. Seul petit problème&nbsp;: Daesh n&rsquo;est que l&rsquo;acronyme arabe&hellip; &quot;d&rsquo;Etat islamique en Irak et en Syrie&quot; ! Autrement dit le changement de terme ne vaut que par l&rsquo;ignorance de l&rsquo;arabe chez (la plupart de) nos compatriotes&hellip;Il reste que ce vocabulaire s&rsquo;inscrit dans la ligne rhétorique constante du gouvernement&nbsp;: une ligne qui évite soigneusement les mots &quot;d&rsquo;islamique&quot; et même &quot;d&rsquo;islamiste&quot;, nuance trop subtile pour une communication de masse&nbsp;: on ne trouvera ni l&rsquo;un ni l&rsquo;autre par exemple dans la longue interview au JDD de Bernard Cazeneuve ou dans la conférence de presse présidentielle de cette semaine. Si, très rarement, &quot;djihadiste&quot; est utilisé, c&rsquo;est le mot de &quot;terroriste&quot; qui de loin l&rsquo;emporte et devient un vrai leitmotiv.Mais l&rsquo;ennui avec ce mot de &quot;terroriste&quot; est qu&rsquo;il peut être retourné par l&rsquo;adversaire, qui allèguera, (en jouant sur les mots ), que l&rsquo;on est toujours le terroriste de l&rsquo;autre&nbsp;: &quot;terroristes&quot;, les Tchétchènes pour les Russes, les Russes pour les Ukrainiens, le Hamas pour les Israéliens, les Israéliens pour le Hamas, et les révoltés syriens pour Bachar El Assad&nbsp;; pour ne rien dire des Résistants français, qualifiés de &quot;terroristes&quot; par Vichy et l&rsquo;occupant nazi&hellip; Les sites djihadistes ne cessent d&rsquo;ailleurs avec une malignité perverse, de rappeler cet exemple glorieux, si porteur de légitimité dans l&rsquo;histoire de France.Alors pourquoi ce choix de communication gouvernementale? Il a évidemment pour but d&rsquo;éviter toute &quot;stigmatisation&quot; de la population musulmane et tout &quot;amalgame&quot; entre islamisme et islam&nbsp;; stigmatisation et amalgame qui sont les deux signaux immanquables du tabou contemporain. Mais ne crions pas trop vite à la political correctness. Car la tentation existe bel et bien &ndash; et pas seulement à l&rsquo;extrême droite - de confondre Islam et islamisme.Ce n&rsquo;est pas le lieu ici de disserter sur la question complexe du statut de la violence dans le Coran&nbsp;et d&rsquo;arbitrer entre les deux assertions &quot;l&rsquo;Islam, religion violente&quot; et &quot;l&rsquo;Islam,&nbsp;religion de paix&quot;. Encore moins d&rsquo;opposer les traditions musulmane et chrétienne sur le sujet. Laissons cela aux théologiens et autres experts en religion(s), car ce qui est en jeu ici est un phénomène purement politique et contemporain.Tel est en effet la réalité de l&rsquo;islamisme, même s&rsquo;il cherche à mobiliser des ressources religieuses anciennes&nbsp;: on le mesure à sa quête éperdue et meurtrière d&rsquo;un &quot;âge d&rsquo;or&quot;, à sa dénonciation d&rsquo;un complot (&quot;judéo-chrétien&quot;), à sa recherche d&rsquo;un &quot;chef&quot; (le calife) et d&rsquo;une &quot;unité&quot; perdue (la communauté, &quot;Umma&quot;, musulmane)&nbsp;: autrement dit les quatre mythologies centrales de la modernité politique répertoriées par Raoul Girardet. Pour ne rien dire de la sociologie de l&rsquo;islamisme, qui ne se comprend que par les déchirures actuelles du Moyen-Orient et de l&rsquo;immigration arabo-musulmane&nbsp;; ni de son recours aux technologies les plus modernes, militaires comme médiatiques (dont on aurait bien du mal, au passage, à retrouver la trace dans le Coran, dont les mêmes islamistes revendiquent pourtant l&rsquo;application &quot;littérale&quot; !)La solution, pour éviter les pièges savamment entretenus de la confusion sémantique, pourrait consister à placer entre Islam et islamisme une différence analogue à celle qui existe entre nationalisme et nazisme&nbsp; &nbsp;si ce dernier a repris et exacerbé les thèmes du premier, il en a changé la nature, en en faisant un phénomène radicalement nouveau&nbsp;: le totalitarisme. C&rsquo;est-à-dire un système politique où, pour reprendre l&rsquo;analyse lumineuse d&rsquo;Hannah Arendt, l&rsquo;idéologie devient le principe de toute action (publique et privée), et la terreur, l&rsquo;essence même du régime. &quot;Idée&quot; obsessionnelle et terreur systémique&nbsp;: telles sont justement les caractéristiques de Daesh, qui en signent immanquablement la nature totalitaire.Ce constat entraîne deux conséquences qui vont aux rebours des deux discours (antithétiques) actuellement dominants1/ Confondre Islam et islamisme, musulmans et djihadistes, revient à confondre de Gaulle ou Churchill, nationalistes s&rsquo;il en fut, avec Hitler; ce qui serait pour le moins anti-historique&hellip;2/ Passer son temps à traquer dans l&rsquo;extrême droite actuelle, comme on adore le faire en France, à force d&rsquo;enquêtes, d&rsquo;associations subventionnées et d&rsquo;esprit de &quot;Résistance&quot; à retardement, les relents de &quot;la bête immonde&quot;, c&rsquo;est se tromper et de cible et d&rsquo;époque&nbsp;: Marine Le Pen n&rsquo;est qu&rsquo;une populiste, ce qui ne retire rien à la nécessité de la combattre politiquement.&quot;La bête immonde&quot; de notre temps est ailleurs (mais se rapproche&nbsp;!), le poil plus dru et plus hérissé que jamais, et elle porte un nom&nbsp;: certes pas l&rsquo;Islam, même &quot;radical&quot;, mais ce qu&rsquo;il faut donc appeler le totalitarisme islamiste. Or, même si, dans ses circonvolutions rhétoriques, le gouvernement français donne l&rsquo;impression de marcher sur des œufs, il faut reconnaître sans hésitation que, du Mali à l&rsquo;Irak, il a parfaitement compris la véritable urgence de notre temps. Et l&rsquo;affronte, non sans courage.

Islamique Islamiste Terroriste Djihadiste comment s’y retrouver ?

<h3 class="s2">Atlantico : Vendredi 29 août, lors d&#39;une réception organisée par le corps diplomatique étranger à Djeddah, le roi Abdallah d&#39;Arabie saoudite déclarait, à propos du &quot;terrorisme&quot; : &quot;si on le néglige, je suis sûr que dans un mois, il arrivera en Europe, et un mois plus tard en Amérique&quot;. Quel niveau de fiabilité peut-on attribuer à ces propos ? Quelles sont les sources les plus probables de ces informations ?&nbsp;</h3>Alain Chouet :&nbsp;Les précisions de temps données par le discours du roi sont évidemment à prendre au sens figuré. Elles signifient simplement que l&rsquo;Europe et les Etats-Unis auraient tort de prendre à la légère les manifestations de la violence islamiste au Moyen-Orient et de refuser de s&rsquo;engager pour la neutraliser. Au-delà de leurs fragiles conquêtes territoriales locales dont les débordements inquiètent tout le monde, les groupes djihadistes ont besoin, pour se légitimer dans l&rsquo;ensemble du monde musulman, de frapper des coups spectaculaires contre les &quot; infidèles &quot; occidentaux, et en particulier américains. Cette menace est réelle et d&rsquo;autant plus préoccupante que les djihadistes d&rsquo;Irak et de Syrie commencent à se sentir menacés dans leurs fiefs d&rsquo;Irak et de Syrie et chercheront à dissuader les Occidentaux de s&rsquo;attaquer à eux.Mais leur objectif premier reste de s&rsquo;emparer du pouvoir et des rentes qui y sont liées - en particulier de la rente pétrolière - dans les pays musulmans et, de préférence dans les pays arabes riches. Après avoir longtemps soutenu, voire même créé, les groupes islamistes violents dans le cadre de leur rivalité avec l&rsquo;Iran chiite, les Saoudiens ont enfin pris conscience qu&rsquo;ils avaient joué avec des allumettes et qu&rsquo;ils se retrouvaient être les principaux objectifs d&rsquo;une violence qu&rsquo;ils avaient eux-mêmes stimulée.Comme ils ne disposent ni des moyens humains, ni des moyens techniques nécessaires pour faire face à cette menace, ils en sont réduits à appeler leurs alliés occidentaux au secours par des discours alarmistes.La veille, le président américain Barack Obama reconnaissait que les Etats-Unis &quot;n&#39;ont pas encore de stratégie&quot; pour combattre les jihadistes de l&#39;Etat islamique (EI), demandant par la même occasion la constitution d&#39;une &quot;coalition&quot; avec les Etats du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Les déclarations du roi Abdallah sont-elles à entendre comme une réponse à la déclaration d&#39;Obama ? Plus largement, quel est l&#39;intérêt pour le souverain saoudien d&#39;une telle déclaration ?&nbsp;Les déclarations du président américain sont apparemment troublantes&hellip;Pendant plus de dix ans, les Etats-Unis ont placé l&rsquo;ensemble du monde musulman sous une loi permanente des suspects, détruit irrémédiablement plusieurs pays, espionné la planète entière - y compris leurs plus proches alliés et leurs concitoyens - , harcelé des millions de voyageurs dans les aéroports, multiplié les tortures et les internements illégaux au nom d&rsquo;une &quot; guerre globale contre la terreur &quot; qui n&rsquo;a ramené dans ses filets que quelques seconds couteaux et un Ben Laden &quot; retiré des affaires &quot;.Et aujourd&rsquo;hui que sont parfaitement localisés avec précision une dizaine de milliers de djihadistes arborant fièrement leur drapeau, défilant dans les rues, égorgeant des citoyens américains devant les télévisions, éventrant médiatiquement femmes et enfants, jouant au foot avec les têtes de leurs ennemis, la présidence américaine vient dire qu&rsquo;elle &quot; n&rsquo;a pas encore de stratégie dans la lutte contre le djihadisme &quot;&hellip;Je veux croire qu&rsquo;il s&rsquo;agit là d&rsquo;une manœuvre du président Obama pour contraindre l&rsquo;Arabie saoudite et les pétromonarchies du Golfe à &quot; choisir leur camp &quot; et à cesser leurs pratiques de double langage qui consiste à condamner verbalement le terrorisme, tout en soutenant un peu partout dans le monde les groupes terroristes salafistes et les djihadistes en vue de neutraliser les initiatives démocratiques ou l&rsquo;influence de l&rsquo;Iran qu&rsquo;ils considèrent comme également dangereuses pour le maintien de leur pouvoir.<h3 class="s2">Quel rôle effectif jouent les services secrets du royaume dans la lutte contre le terrorisme et notamment contre les combattants de l&#39;Etat islamique ? Quel rapport entretient le pays à l&#39;heure actuelle avec les puissances occidentales au sujet de la lutte contre le terrorisme, et notamment de la lutte contre les djihadistes de l&#39;Etat islamique ? Peut-il être considéré véritablement comme un allié fiable ?&nbsp;</h3>Les services de renseignement saoudiens, comme la plupart des services spéciaux de la zone, sont d&rsquo;abord des services de sécurité et d&rsquo;action subversive extérieure au profit de la famille ou du clan au pouvoir. Le prince Bandar Ben Sultan, nommé chef des services spéciaux saoudiens après avoir été longtemps ambassadeur à Washington, ne s&rsquo;est jamais caché d&rsquo;apporter son soutien aux groupes islamistes irakiens - devenus depuis l&rsquo;Etat islamique - dans leur lutte contre la domination du pays par les chiites. Il s&rsquo;était également fait fort de &quot;balayer&quot; Bashar el-Assad par la création en Syrie du Front al-Nosra qui s&rsquo;est ensuite affublé du drapeau d&rsquo;Al-Qaïda.Son échec patent dans l&rsquo;un et l&rsquo;autre cas lui ont valu d&rsquo;être limogé il y a quelques mois par le cabinet royal saoudien, lassé par les &quot; dérapages &quot; de ses initiatives. Il semble toutefois que les Etats-Unis ont demandé au roi Abdallah de le reprendre comme conseiller spécial à la sécurité nationale car il serait le seul - et pour cause&hellip; - à bien connaître Abou Bakr al-Baghdadi, le &quot; Calife &quot; de l&rsquo;Etat Islamique.Dans tous les cas, il ne faut guère compter sur une collaboration technique efficace des services saoudiens pour endiguer le phénomène de la violence djihadiste. Ce serait déjà bien s&rsquo;ils cessaient de la soutenir et de l&rsquo;alimenter.&nbsp;<h3 class="s2">Le roi Abdallah d&#39;Arabie-Saoudite et les services de renseignements saoudiens en sauraient-ils réellement plus sur la menace terroriste qui pèse sur l&#39;Occident que les Occidentaux eux-mêmes ? Quelle est la teneur exacte des informations à leur disposition ?&nbsp;</h3>Personne, y compris en Occident, n&rsquo;a d&rsquo;informations précises sur les menaces terroristes. En revanche, trois choses sont claires pour tout le monde&nbsp;:- Les djihadistes de l&rsquo;EI feront tout pour empêcher les Occidentaux d&rsquo;intervenir contre eux, en particulier par la violence terroriste, afin d&rsquo;inciter les opinions publiques européennes et américaines à dissuader leurs dirigeants de se mêler de &quot;contentieux entre Arabes auxquels on ne comprend rien &quot; ;- Alors qu&rsquo;il est en train de saigner à blanc et d&rsquo;exaspérer les populations des territoires qu&rsquo;il contrôle, l&rsquo;EI a besoin d&rsquo;affirmer son importance, sa capacité de nuisance et son prestige dans le monde musulman par des actions d&rsquo;éclat qui doivent s&rsquo;exercer à l&rsquo;encontre des Occidentaux pour être fortement médiatisées ;- L&rsquo;EI est largement constitué de mercenaires étrangers (Tchétchènes, Bosniaques, Pakistanais, Saoudiens, Maghrébins, Européens de diverses origines, etc.) venus en Irak soit par appât du gain, soit par attrait pour le &quot; romantisme de la violence &quot;, soit pour compenser par la terreur qu&rsquo;ils inspirent la vision dégradée qu&rsquo;ils ont d&rsquo;eux-mêmes. En cas de revers de l&rsquo;EI, ces volontaires étrangers retourneront dans leurs régions respectives plein d&rsquo;amertume et de désir de vengeance, formés aux techniques de violence et auréolés de la &quot;gloire&quot; du moudjahid, comme les &quot; Arabes afghans &quot; des années 1990.Tout cela constitue un cocktail détonnant, présent et à venir.<h3 class="s2">Que savons-nous précisément à l&#39;heure actuelle, en tant qu&#39;Occidentaux, sur cette potentielle menace terroriste ? Provient-elle essentiellement des djihadistes de l&#39;EI, comme le déclarait vendredi le Premier ministre britannique David Cameron ?&nbsp;</h3>Au-delà de ce qui a été dit ci-dessus, personne n&rsquo;a d&rsquo;informations précises sur la menace elle-même. Et si on en avait, ce ne serait plus une menace puisqu&rsquo;on saurait alors quoi faire pour s&rsquo;en prémunir&hellip;.Mais là ou le Premier ministre britannique a raison, c&rsquo;est quand il désigne l&rsquo;EI comme la menace essentielle à l&rsquo;heure actuelle. L&rsquo;EI est actuellement le seul groupe djihadiste qui a les moyens, les hommes, la proximité et l&rsquo;intérêt de frapper en Occident.Les autres groupes djihadistes comme Boko Haram, les Talibans, AQMI, les Shebab somaliens, sont entièrement monopolisés par des préoccupations locales de pouvoir et/ou de trafics. Ils ne disposent pas de capacités humaines de projection en Occident par des militants qui pourraient s&rsquo;y fondre dans la population et, au-delà de quelques proclamations incantatoires, ne manifestent aucun intérêt pour l&rsquo;action djihadiste internationale.&nbsp;<h3 class="s2">Quelles actions devraient mettre en oeuvre dès à présent les puissances occidentales pour faire face à la menace terroriste en provenance du Moyen-Orient ? Faut-il privilégier une intervention sur place ou bien agir directement sur le sol européen contre les réseaux terroristes qui oeuvrent notamment au recrutement ?&nbsp;</h3>Il faut à l&rsquo;évidence détruire par tous les moyens militaires et politiques l&rsquo;Etat islamique qui est en train de s&rsquo;ancrer dans une zone &quot; grise &quot; de non-droit comme l&rsquo;avaient fait les Talibans en Afghanistan et comme a tenté de le faire AQMI au Mali. Le Nord de l&rsquo;Irak n&rsquo;est pas la jungle du Viet Nam et les nervis de l&rsquo;EI ne disposent pas - ou du moins pas encore - de capacités anti-aériennes. Une grande partie de leur force vient de la légèreté de leur armement et de leur mobilité. Mais c&rsquo;est une caractéristique qui peut se retourner contre eux s&rsquo;ils perdent leurs moyens de mobilité et s&rsquo;ils sont confrontés à des armements lourds.Il faudra ensuite, bien-sûr, surveiller de très près et neutraliser par moyens policiers et judiciaires à l&rsquo;échelle européenne et mondiale, les volontaires de la violence qui sortiront du chaudron. Mais cette démarche n&rsquo;aura de sens que s&rsquo;il n&rsquo;y a pas de &quot;trou&quot; dans le dispositif, comme il y en a eu au Pakistan et dans la péninsule arabique après la destruction du régime Taliban et d&rsquo;Al-Qaïda. C&rsquo;est pourquoi, au-delà des manœuvres et des mots, la récente déclaration du roi d&rsquo;Arabie est - pour une fois - encourageante et doit être prise en considération.

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