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Souvenez-vous, c’était en 2007, il y a une éternité&nbsp;: un François Fillon qui n’avait pas encore été&nbsp;<a href="https://www.lepoint.fr/politique/costumes-de-fillon-j-ai-appuye-sur-la-gachette-confie-robert-bourgi-07-07-2017-2141544_20.php" target="_blank">rhabillé pour l’hiver</a>&nbsp;par&nbsp;Le Canard&nbsp;avouait déjà, un pichet de Côtes-du-Rhône aidant dit-on, qu’il était le Premier ministre d’un «&nbsp;<a href="https://www.ina.fr/video/I09082525" target="_blank">État en faillite</a>&nbsp;» et que «&nbsp;ça ne pouvait plus durer&nbsp;»…

Une grosse décennie plus tard, on continue toutefois de jeter les milliards&nbsp;<a href="http://www.dettepublique.fr/" target="_blank">que nous n’avons pas</a>&nbsp;par les fenêtres, lesquels viennent gentiment s’empiler sur les milliards que nous n’avions déjà pas non plus en ne satisfaisant personne de toute manière puisque ça gueule toujours autant.

17 milliards pour les gilets jaunes&nbsp;<a href="https://www.lopinion.fr/edition/politique/gilets-jaunes-pourquoi-17-milliards-d-euros-distribues-sont-ils-passes-203265" target="_blank">par-ci</a>, 10 milliards pour l’hôpital&nbsp;<a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/11/21/le-plan-d-urgence-pour-l-hopital-ne-convainc-pas-les-soignants-en-colere_6019956_3224.html" target="_blank">par-là</a>, ça finit tout de même par faire beaucoup de brouzoufs. Pour un gouvernement auquel on reproche régulièrement&nbsp;<a href="https://www.lavantgarde.fr/macron-dans-limpasse-de-lausterite/" target="_blank">de verser dans l’austérité</a>&nbsp;et la rigueur ordolibérale, ça sonne bien plus cigale que fourmi.

Mais qu’importe&nbsp;: le 5 décembre prochain,&nbsp;<a href="https://www.cnews.fr/france/2019-11-19/greve-du-5-decembre-qui-manifestera-et-pourquoi-898229" target="_blank">ils seront tous dans la rue</a>&nbsp;—les cheminots, les profs, les infirmiers, les pompiers, etc.— à exiger instamment qu’on en rajoute encore une louche, l’idée étant que, comme dans les évangiles,&nbsp;<a href="https://saintebible.com/matthew/7-7.htm" target="_blank">il suffit de demander pour qu’il vous soit donné</a>. Et,&nbsp;guess what, ils ont raison&nbsp;! Il leur sera vraisemblablement donné juste parce qu'ils auront demandé.

La réforme des retraites sera sans doute remise aux calendes, charge aux générations futures de se débrouiller avec cette satanée pyramide des âges en plus d’une planète en ébullition, on annoncera probablement quelques recrutements et autres primes exceptionnelles ici et là et, si ça devait déborder façon black blocks malgré tout, il ne faudra pas compter sur les flics pour intervenir car ils seront&nbsp;<a href="https://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/greve-du-5-decembre-vers-une-mobilisation-des-policiers-1202989.html" target="_blank">eux aussi</a>&nbsp;de la partie ce coup-ci.

D’un autre côté, ils n’ont pas complètement tort sur le fond, tous ces énervés. La France est le pays qui redistribue&nbsp;<a href="https://www.youtube.com/watch?v=rKkUkUFbqmE" target="_blank">le plus de pognon de dingue au monde</a>, mais tout le monde y est pauvre. Elle a l’un des PIB par habitant les plus élevés de l’OCDE, mais ses salaires y sont parmi les plus faibles. Elle emploie plus de fonctionnaires que la plupart de ses voisins, mais ils sont tous en sous-effectifs…

Il y a donc bien quelque chose qui ne tourne pas rond. Un truc qui aurait peut-être à voir avec une technostructure un peu trop gloutonne, une organisation un peu trop courtelinesque, ce genre de trucs, quoi… Mais bon, on continuera tout de même à faire comme d’hab par sens des traditions&nbsp;: les gens gueuleront parce qu’ils sont malheureux, le gouvernement lâchera du lest en empruntant, augmentera les impôts pour rembourser, ce qui rendra les gens encore plus malheureux et l’incitera à lâcher du lest et repartir pour un cycle. Jusqu’à ce que tout le monde se retrouve en slip, bien entendu, Fillon compris.

Plus que jamais, le « pognon de dingue » coule à flots mais les gens sont toujours aussi pauvres

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Plus que jamais, le "pognon de dingue" coule à flots mais les gens sont toujours aussi pauvres

Ça n&#39;est pas encore l&#39;apocalypse, <a class="Colorbox" href="http://www.journaldemontreal.com/2016/08/21/la-chute-de-la-livre-vaut-de-lor-pour-le-tourisme-britannique-1" target="_blank">le tourisme se porte même plutôt bien</a> avec une livre bientôt à parité avec l&#39;euro, mais les voisins du dessus commencent à prendre la mesure de la grosse boulette de l&#39;été dernier. Le prix des produits importés augmente, les projets d&#39;investissements sont gelés, et la classe politique s&#39;étripe sur <a class="Colorbox" href="http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/donald-tusk-menace-ce-sera-un-hard-brexit-ou-pas-de-brexit-607901.html" target="_blank">le niveau de dureté optimal du Brexit</a> et le moyen d&#39;être complètement dehors tout en gardant un pied dedans.&nbsp;C&#39;est d&#39;autant plus con que, le beurre et l&#39;argent du beurre, c&#39;est exactement ce qu&#39;ils avaient jusqu&#39;à présent, les Rosbifs&nbsp;: un accès complet au marché unique, un vivier de main d&rsquo;œuvre qualifiée bon marché (les Français pour les bistrots et les trading floors, les Polonais pour la plomberie et les lignes de bus...) et même des douaniers tricolores pour gérer leur frontière à Calais et tenir les miséreux à l&#39;écart. Que demande le people&nbsp;?&nbsp;Mais bon, c&#39;est la démocratie&nbsp;: une poignée de tocards a réussi à convaincre tous les laissés pour compte du Royaume que c&#39;était à cause des technocrates qui légifèrent sur la courbure des bananes à Bruxelles que leur voiture ne démarrait plus le matin et que leur femme les avait quitté, et bing, les voici à poil dans le froid. Et la voiture ne démarre toujours pas. Et leur femme n&#39;est pas revenue non plus. Et les bananes sont devenues hors de prix.&nbsp;Mais le nouveau gros coup de grisou qui s&#39;annonce, c&#39;est du côté de la City, où banquiers et brokers se demandent s&#39;il vaut encore le coup de rester en bord de Tamise. Ils s&#39;en foutent un peu, en vérité, de la Tamise, les banquiers et brokers. Tout ce qu&#39;ils demandent, c&#39;est un endroit raisonnablement taxé, raisonnablement régulé, où il y a du savoir-faire et depuis lequel on fait facilement du business sur le reste du continent parce qu&#39;on y a les mêmes droits que les autochtones.&nbsp;Ah, ils aiment bien qu&#39;il y ait de beaux appartements, des boutiques chics et de bons restaurants aussi, parce qu&#39;il faut bien le claquer quelque part, tout ce pognon.&nbsp;Michel Sapin, le ministre du président qui proclamait il n&#39;y a pas si longtemps que son ennemie était la finance et qui prévoyait de taxer les riches à 75%, est d&#39;ailleurs désormais totalement focalisé sur la manière dont Paris pourrait profiter de la grande migration en cours. En balade à Washington la semaine dernière, <a class="Colorbox" href="https://www.theguardian.com/politics/2016/oct/14/us-banks-planning-exodus-from-brexit-britain-michel-sapin-french-minister" target="_blank">il a même tenté d&#39;en convaincre les banques américaines</a> qui ont des fourmis dans les jambes&nbsp;: si la Grande-Bretagne n&#39;est plus dans l&#39;Europe, la City n&#39;est plus non plus son cœur financier. Paris, en revanche... CQFD.&nbsp;Si ce grand Trek se produit (c&#39;est pas encore sûr sûr, juste fort probable) et qu&#39;il leur faut un nouveau point de chute, Paris est effectivement sur la liste, pas de doute. C&#39;est déjà un centre financier d&#39;envergure, c&#39;est bien situé géographiquement, il y a de bonnes infrastructures et, côté, entertainment et occasions de se la péter en smoking et falbalas haute-couture en mangeant du caviar à la louche avant l&#39;opéra, Francfort et Dublin font un peu cousines de province. Reste qu&#39;avant de mettre le grappin sur leurs sièges sociaux, sur leurs milliers d&#39;emplois directs, sur leurs dizaines de milliers d&#39;emplois induits, sur leur pouvoir d&#39;achat, sur leur potentiel taxable, sur leurs dépenses, bref, sur quelque chose comme <a class="Colorbox" href="http://www.capital.fr/bourse/actualites/brexit-et-si-la-city-demenageait-a-paris-1104386" target="_blank">10% du PIB grand-breton</a>, il faut peut-être commencer par se sortir les couteaux anti-capitalistes d&#39;entre les dents.&nbsp;Et éviter de leur faire peur avec un comité d&#39;accueil à la Le Pen, qui prône le Frexit (&quot;Quoi, à peine installés, il faudrait redéménager&nbsp;?&quot;), voire à la Filoche, qui leur interdirait de faire du business avec Hong-Kong parce que leurs bureaux ouvrent après la fermeture des nôtres. &nbsp;Parce que le vrai &quot;<a class="Colorbox" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_du_ruissellement" target="_blank">trickle down</a>&quot;, désormais, c&#39;est quand le business dégouline de Londres jusqu&#39;à Paris en même temps que le champagne rosé. Believe it or not, notre amie, c&#39;est la finance. Le changement, c&#39;est maintenant.

Paris, City de rechange ? Notre amie c'est la finance...

<h3 class="s2">Atlantico : Suite au référendum britannique, certains rêvent de faire de la place de Paris une nouvelle City, comment expliquer ce paradoxe existant, entre une France &quot;ennemie&quot; de la finance, et qui cherche malgré tout à profiter de la situation pour attirer le monde financier sur son territoire ? Comment expliquer cette schizophrénie française ?</h3>Eric Lamarque :&nbsp;Ceux qui rêvent d&rsquo;un retour en force des activités de marché en France sont surtout les acteurs actuels de la place financière de Paris. Il est normal qu&rsquo;ils voient dans le Brexit une opportunité car les acteurs localisés au Royaume Uni vont devoir s&rsquo;implanter en Europe pour bénéficier du passeport européen. Il est aussi assez légitime que l&rsquo;Union européenne relocalise un certain nombre d&rsquo;activités sur le continent comme les opérations de compensation ou le traitement des opérations post-marché. Enfin, il est difficile d&rsquo;accepter pour les acteurs européens de dépendre d&rsquo;une place financière, la City, qui devient, de fait, un peu comme une place off shore. Réaliser des opérations en euros, coter certains indices à la bourse de Londres devient assez délicat. De même, la cotation de certaines entreprises industrielles sur place pourrait être remise en question. Sans que la City se vide complètement, il est évident qu&rsquo;un mouvement de relocalisation serait assez naturel. Il est donc logique de voir les acteurs de la place de Paris considérer ce Brexit comme une opportunité. Ce qui est un peu plus paradoxal, c&rsquo;est le discours des politiques qui disent vouloir dérouler le tapis rouge pour ces acteurs. On est à l&rsquo;opposé des discours de campagne électorale auxquels vous faites référence. Cela peut sembler paradoxal mais il faut bien changer de discours si l&rsquo;on veut redevenir attractif. Il faut aussi parler d&rsquo;une seule voix avec les acteurs de place. Et puis les politiques ne sont pas à une volte-face près. Si cela peut relocaliser des emplois en France, emplois très qualifiés et bien rémunérés, cela ne peut pas faire de mal.<h3 class="s2">Quels sont les obstacles existants au développement de Paris comme place financière, notamment au niveau fiscal ? Le pays est-il prêt pour accueillir massivement des traders, banquiers d&#39;affaires, notamment sur les potentiels effets des bonus sur l&#39;opinion, alors même que les rémunérations des dirigeants passent déjà si mal &nbsp;?</h3>Essayons de peser les atouts et les obstacles car c&rsquo;est au regard de ce bilan que les candidats potentiels au retour vont faire leur choix. Si on commence par les atouts, on cite généralement Paris comme le premier pôle de gestion d&rsquo;actifs avec 3600 milliards d&rsquo;euros, comme le lieu où cinq des plus grandes banques européennes y ont leur siège social et y assurent un volume important de transactions. C&rsquo;est une place assez diversifiée puisqu&rsquo;on y trouve les sièges de grandes entreprises industrielles également. Bref, le potentiel d&rsquo;activité y est important. Si on ajoute à cela que l&rsquo;on trouve sur Paris des diplômés très bien formés sur les techniques financières et les mathématiques, cela en fait une place réellement attractive. L&rsquo;exode des experts français de la finance vers la City a montré en effet que ceux-ci possédaient des compétences recherchées. A côté de cela, la qualité du cadre de vie, des infrastructures, des conditions d&rsquo;accueil des familles de ces acteurs sont des éléments à prendre en compte au niveau régional en Ile de France et pas seulement sur Paris. C&rsquo;est donc une stratégie régionale et nationale cohérente qu&rsquo;il faut adopter. Et là il n&rsquo;est pas sûr que tous les acteurs concernés s&rsquo;entendent comme bien souvent en France. Autre faiblesse certaine, les craintes liées aux mouvements sociaux et aux blocages dont nous sommes les spécialistes. Il ne faut pas sous-estimer leur effet repoussoir qui va avec notre réputation de ne pas aimer tout ce qui touche à l&rsquo;argent, à l&rsquo;efficacité et à la performance. Il faudra également entretenir une politique fiscale attractive pour ces nouveaux actifs et leurs employeurs. Les écarts de coûts salariaux sont très significatifs et certains les estiment entre 30 et 50 % plus élevés chez nous. Il serait même possible de voir beaucoup de personnes continuer à vivre à Londres dans leur résidence principale et venir travailler la semaine à Paris.Ne nous y trompons pas, si les candidats au retour jugeaient trop défavorables les conditions d&rsquo;accueil,&nbsp;des pays comme l&rsquo;Allemagne ou les Pays Bas sont également très attractifs. Une forme de compétition va donc s&rsquo;instaurer pour être le plus attractif possible et l&rsquo;envoi de signaux négatifs pourrait donc décrédibiliser des discours accueillants.<h3 class="s2">Dans le cas où Paris parvenait à devenir une place financière attractive, comment la France pourrait parvenir à être efficace ? Quels sont les domaines où une intervention paraît nécessaire ? Comment éviter les excès des &quot;figures&quot; locales qui cherchent à placer la finance &quot;sous tutelle&quot; ?</h3>Comme je l&rsquo;indiquais il faut sans doute profiter de l&rsquo;occasion pour reposer la question de la fiscalité des entreprises et de ce que l&rsquo;on veut réellement taxer. En dehors même du cas du Brexit c&rsquo;est un sujet que tous les acteurs politiques ont indiqué vouloir aborder et réformer sans jamais le faire. Le risque d&rsquo;une surenchère fiscale entre les pays candidats à l&rsquo;accueil des migrants du Brexit est réel. Je pense que nous possédons tous les atouts et l&rsquo;expertise suffisante pour rivaliser avec n&rsquo;importe quelle place financière. Mais il faut donner envie à ces personnes de revenir sur place en traitant les raisons qui les ont amenées à s&rsquo;exiler. Quand je parle avec certains de mes étudiants des raisons de leur départ sur des postes à l&rsquo;étranger, aucun ne me parle du niveau de son salaire ou du fait qu&rsquo;ils paient moins d&rsquo;impôts. Tous font référence à l&rsquo;état d&rsquo;esprit tourné vers le développement des affaires, la prise d&rsquo;initiative et la capacité à prendre des risques qui ont disparu chez nous. Le chemin est donc étroit entre la restauration de cet état d&rsquo;esprit et le développement d&rsquo;une finance davantage tournée vers le financement de l&rsquo;économie et qui ne fait pas subir des catastrophes à ceux qui en dépendent. Les deux ne me paraissent pas incompatibles. C&rsquo;est tout le défi que doivent relever toutes les autorités concernées.

londres arbre

Mais qu'espère la France en rêvant de voir la City se réinstaller à Paris ?

Schizophrénie française

Mais qu'espère la France, cette meilleure ennemie de la finance, en rêvant de voir la City se réinstaller à Paris ?

<h3 class="s2">Atlantico : Selon certains commentateurs, le Brexit représenterait une opportunité de corriger le système bancaire européen et d&#39;instaurer des mesures en faveur d&#39;une plus grande régulation, ce qui n&#39;a pas été fait en 2008. Qu&#39;en pensez-vous ? L&#39;absence de régulation du système bancaire européen au lendemain de la crise de 2008 est-elle imputable aux Britanniques ?</h3>Gaël Giraud : Le Brexit pourrait changer les choses dans la mesure où les Britanniques ont une vision du monde axée autour de la mobilité du capital (c&#39;est là-dessus que la prospérité de la Grande-Bretagne s&#39;est construite). En 1976, un an après l&#39;entrée de la Grande-Bretagne dans la Communauté économique européenne, le pays a dû faire appel au FMI car il était en voie d&#39;effondrement économique. Ce qui a permis à la Grande-Bretagne de garder la tête hors de l&#39;eau depuis lors, c&#39;est Londres et uniquement la City. Londres est devenue la grande plateforme du recyclage des pays ayant des excédents commerciaux (l&#39;Allemagne, la Chine&hellip;). Londres a donné un semblant de prospérité à une partie de la Grande-Bretagne mais toute la société britannique n&#39;en a pas profité, loin s&rsquo;en faut. Une partie de la population britannique est restée sur la trajectoire de 1976 : désindustrialisation massive, précarité, chômage de masse. C&#39;est majoritairement cette Angleterre-là qui a voté pour le Brexit.On peut penser que la sortie du Royaume Uni devrait favoriser une vision moins immédiatement favorable à la dérégulation du secteur bancaire mais à la réflexion, je n&rsquo;en suis pas du tout convaincu, et ce pour plusieurs raisons. La première, c&#39;est que les Britanniques ont vu certaines de leurs grosses banques faire faillite en 2008, contrairement à la France. BNP-Paribas, la Société Générale, BPCE-Natixis et le Crédit Agricole étaient virtuellement en faillite en décembre 2008 mais l&rsquo;Etat les a sauvées in extremis avec l&#39;argent du contribuable et un usage judicieux de la garantie publique, ce qui leur a permis de passer l&#39;hiver en évitant la faillite. Seule Dexia s&rsquo;est effondrée, ce qui est déjà énorme (cela a quand même coûté 12 milliards d&rsquo;euros, à ce jour, aux contribuables franco-belges, sans compter les 80 milliards de garantie publique consentis par la France sur cette banque défunte). Les élites françaises n&#39;ont donc pour l&#39;instant pas le sentiment d&#39;avoir eu à payer très cher pour nos banques. A l&#39;inverse, les Britanniques, eux, ont déjà payé pour Northern Rock, et ont connu une panique bancaire. Au fond, les Britanniques sont plus allants pour la régulation bancaire que les Européens continentaux. D&#39;ailleurs, sur la question de la séparation bancaire (la séparation entre banques d&#39;investissement d&#39;un côté et banques de crédit et de dépôt de l&#39;autre), les Britanniques sont allés plus loin que les Français. La France a mis au point une fausse séparation qui ne sépare rien (la loi Moscovici-Berger) alors que les Britanniques ont mis en oeuvre une séparation partielle qui cantonne les filiales des banques spécialisées dans la spéculation. Les Allemands ont également fait une fausse loi de séparation mais qui, à la différence de la nôtre, menace tout de même de sanctions pénales les banquiers fraudeurs. Français et Allemands se sont battus pour que la directive Barnier (de l&#39;ancien commissaire européen au marché intérieur et aux services), inspirée de l&rsquo;excellent rapport Liikanen, soit vidée de son contenu et qu&#39;il ne puisse pas y avoir davantage de loi de séparation bancaire au niveau européen. En réalité, pour ce qui est de la réglementation bancaire, je crains que le Brexit ne soit pas une bonne nouvelle pour l&#39;Europe puisqu&rsquo;Allemands et Français sont encore moins-disant que la Grande-Bretagne.<h3 class="s2">Quelles sont les principales réformes qui devraient être mises en place pour une plus grande régulation bancaire ?</h3>Premièrement, il faudrait étendre la taxe sur les transactions financières. Sur cet aspect particulier, le Brexit peut constituer une bonne nouvelle dans la mesure où les capitaux s&#39;évaderont moins à Londres. Il devrait donc être plus facile de se montrer plus audacieux sur une telle taxe. Deuxièmement, il est urgent de séparer les banques mais il est encore moins probable qu&#39;une telle avancée ait lieu après le départ de la Grande-Bretagne (comme je l&#39;ai expliqué précédemment). Troisièmement, comme l&#39;Union bancaire est insuffisante (j&#39;y reviendrai), il faudrait relever les exigences de fonds propres imposées aux banques. Les exigences actuelles, instaurées dans le cadre prudentiel dit de Bâle III, sont très insuffisantes.<h3 class="s2">Quels sont les risques si de telles mesures ne sont pas instaurées ?&nbsp;</h3>Le risque est que nous soyons confrontés à un nouveau krach financier d&#39;amplitude encore plus grande que celui de 2008. Il possible que le secteur bancaire italien s&rsquo;effondre car c&#39;est actuellement le secteur bancaire le plus fragile d&rsquo;Europe. Monte Dei Paschi, en particulier (l&rsquo;une des plus anciennes banques du monde) est une banque-zombie entièrement sous perfusion de la Banque Centrale Européenne. On a aussi un mastodonte comme la Deutsche Bank dont la taille du bilan est encore plus grosse que celle de BNP Paribas et qui est considérée par le FMI comme la banque européenne représentant le plus gros risque systémique du continent. (Outre qu&rsquo;elle est impliquée dans un nombre invraisemblable de scandales financiers.) En France, les banques sont très exposées : nous sommes le seul pays au monde à avoir 4 banques &ldquo;mixtes&rdquo; (i.e., qui mélangent spéculation de marché et activité bancaire traditionnelle) présentant un risque systémique. Le fait qu&#39;elles soient mixtes signifie qu&#39;elles mettent en danger les dépôts de leurs déposants parce que leurs opérations de spéculation sur les marchés internationaux ont lieu au sein de la même institution. Le jour où un krach bancaire se produira, la France sera très fragilisée du fait de ses 4 banques systémiques.Il est très vraisemblable qu&#39;une grosse faillite bancaire italienne ait des répercussions sur les autres pays de la zone euro soit par le canal des liens capitalistiques entre banques (par exemple avec une banque française comme la BNP), soit à cause de l&rsquo;exposition de la banque faillie sur les marchés de dérivés financiers, soit parce que les marchés financiers paniquent, soit parce que la BCE est obligée d&#39;enregistrer des pertes colossales pour sauver les banques italiennes et éviter la catastrophe. (Et sans doute y aura-t-il un peu de tout cela en même temps.) Si la Banque Centrale de Francfort enregistre des pertes, d&#39;après les Traités européens, les Etats de la zone euro sont contraints de la recapitaliser. Les fonds propres de la BCE sont petits (moins de 100 milliards d&rsquo;euros, comparables à ceux de BNP-Paribas par exemple), ce qui signifie que c&#39;est le contribuable européen qui devra payer. Dans un rapport que j&rsquo;ai remis au Parlement européen l&rsquo;an dernier (1), j&#39;ai calculé l&#39;impact macro-économique d&#39;un krach bancaire de même amplitude que celui de 2008 en tenant compte de la mise en place de l&#39;Union bancaire européenne. La conclusion que j&#39;ai tirée de ce travail de recherche est édifiante : une grande majorité des institutions bancaires à risque systémique de la zone euro seraient en faillite (dont probablement, de nouveau, les 4 grands groupes bancaires français) et cela coûterait au bas mot 1000 milliards d&#39;euros de PIB à la zone euro en 2 ans (soit la moitié du PIB français). Désastreux.&nbsp;(1) G. Giraud et Th. Kockerols, &ldquo;Making the European Banking Union Macro-Economically resilient&rdquo;, rapport pour le Parlement Européen, 2015. <a class="Colorbox" href="http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2015/558771/EPRS_STU(2015)558771_EN.pdf" target="_blank">http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2015/558771/EPRS_STU(2015)558771_EN.pdf</a><h3 class="s2">Quelle est la conscience du risque qu&#39;un krach bancaire se produise ?</h3>La conscience est à mon avis très aiguë. Beaucoup de hauts fonctionnaires européens soupçonnent que nous sommes assis sur une bombe à retardement, mais ils se sentent démunis dans la mesure où nombreux sont ceux qui sont persuadés que prendre une décision défavorable aux banques pourrait justement provoquer le pire (c&#39;est ce que les banques leur disent). Du coup, ils prient simplement pour que le pire n&#39;arrive pas. Or la vraie réponse à une faillite bancaire, c&#39;est la nationalisation de la banque : l&#39;Etat nationalise la banque, sécurise les dépôts, évite autant que possible l&rsquo;implosion du portefeuille d&rsquo;actifs dérivés financiers, et fait assumer les pertes de la banque par les actionnaires et les principaux créanciers (et non par les déposants ou l&rsquo;Etat). L&rsquo;Angleterre l&rsquo;a fait pour Northern Rock en 2008, sauf sur le dernier point. Même chose pour l&rsquo;Irlande et la quasi-totalité de son secteur bancaire, lequel a fait naufrage en 2010. L&rsquo;Islande, en revanche, a eu la sagesse de refuser de rembourser les dettes de ses banques nationalisées (lesquelles avaient accumulé sept fois le PIB islandais sous forme de dette privée) dues aux non-résidents. Personne ne sait exactement avant d&rsquo;avoir essayé quel impact la répudiation des dettes d&rsquo;une banque faillie peut avoir sur l&#39;économie, mais les banques ne cessent de répéter à la Commission européenne et au Parlement que, si la décision était prise de faire payer les créanciers plutôt que les contribuables, ce serait Armageddon. Or selon moi, c&#39;est la seule solution qui permette d&rsquo;éviter la ruine de l&rsquo;Europe.&nbsp;Certains fonctionnaires européens estiment qu&#39;il n&#39;y a pas lieu de s&#39;inquiéter parce qu&#39;on a mis en place l&#39;Union bancaire européenne. Pourtant cette dernière ne nous protège pas.L&#39;Union bancaire européenne a 3 piliers :&nbsp;1) La supervision des banques européennes par la BCE. Mais ce pilier est vacillant parce que l&rsquo;Allemagne, par exemple, refuse que la BCE mette son nez dans les affaires de ses Landesbanken (qui ont de nombreux problèmes). Berlin tente de négocier un statut privilégié qui vide une partie du pouvoir de supervision de la BCE.&nbsp;2) L&rsquo;Asset Quality Review (un audit systématique des banques) et les stress tests (tests de résistance aux risques extrêmes) de la BCE. Contrairement à ce que leur nom suggère, ces tests ne sont pas du tout construits d&#39;après la logique des tests de résistance des matériaux en génie mécanique. En ingénierie, on multiplie les chocs et on regarde à quel seuil d&rsquo;intensité du choc le matériau finit par céder. C&rsquo;est la limite de rupture que l&#39;on cherche à connaitre. Les tests de la BCE ne sont malheureusement pas construits dans cette logique : une unique intensité de choc est choisie et on regarde quels &ldquo;matériaux&rdquo; survivent ou non à cette amplitude ; mais on ne cherche pas à évaluer le seuil de résistance de toutes les banques. L&#39;endroit où l&#39;on met le curseur de l&rsquo;unique choc que l&rsquo;on va étudier a donc un enjeu politique considérable. Etant donné une crise dont l&rsquo;intensité aura été choisie de manière peu scientifique, on pointe du doigt les mauvaises banques et les bonnes banques. On accrédite alors l&#39;idée selon laquelle les banques qui survivent à ce choc-là survivront à n&#39;importe quel choc raisonnable. C&rsquo;est évidemment une erreur de logique élémentaire. Les derniers stress tests de la BCE ont été calibrés de manière à stigmatiser les banques italiennes et de sorte qu&rsquo;aucune banque française et allemande ne fût pointée du doigt. C&rsquo;est un peu comme si l&rsquo;on avait dit : &ldquo;Pour une vague de 15,5 mètres, voici les ports de la côte atlantique qui survivent&rdquo;. Certes. Mais quid d&rsquo;une vague de 16 mètres ? Pourquoi n&rsquo;a-t-on pas étudié cette option ? Pourquoi, par exemple, l&rsquo;intensité des chocs considérée dans les derniers stress tests de la BCE est-elle 4 ou 5 fois inférieure au krach de 2007-2009 ?&nbsp; 3) Un fonds de résolution européen doit être abondé par les banques dans lequel il est prévu que l&#39;on puisse puiser en cas de faillite bancaire afin de mettre en oeuvre un processus de résolution bancaire (c&rsquo;est-à-dire de sauvetage d&rsquo; une banque). C&#39;est a priori une très bonne idée. Sauf que ce fonds ne sera en pleine activité qu&#39;en 2023 (nous avons toutes les chances d&#39;assister à un krach bancaire bien avant), et ne pèsera que 55 milliards d&#39;euros alors que le bilan d&#39;une banque comme BNP pèse 2000 milliards d&#39;euros tandis que son exposition aux actifs financiers dérivées est supérieure à 20 000 milliards (plus de 10 fois le PIB français). Un fonds de 55 milliards pour 2023, c&#39;est un petit gobelet pour éteindre les cendres après l&#39;incendie mais certainement pas une lance à incendie. Hélas, j&rsquo;ai montré dans mon rapport que, même si l&rsquo;on multipliait par dix la taille de ce fonds, ce serait encore insuffisant pour faire face à un typhon financier de la taille de 2008. Ce n&rsquo;est donc pas de ce côté-là qu&rsquo;il faut attendre des solutions, d&rsquo;autant que les banques feront tous pour s&rsquo;exonérer d&rsquo;avoir à abonder ce fonds.En conclusion, l&#39;Union bancaire est défaillante sur son premier pilier, trop politique pour être rigoureuse sur son deuxième et gravement inefficace sur son troisième.Une autre solution, en revanche, émerge très clairement : réhausser le ratio prudentiel de fonds propres. Martin Hellwig, un économiste respecté outre-rhin, et Anat Admati, de Stanford, ne cessent de répéter depuis de nombreuses années, qu&rsquo;il faut revenir aux ratios qui prévalaient avant le début de l&rsquo;aventure de dérégulation financière entamée dans les années 1980 (2) : de 10 à 20% (au lieu de 3% aujourd&rsquo;hui). Et ils ont raison : les simulations du rapport montrent que cela permettrait effectivement de protéger les banques, et donc le contribuable, contre une prochaine tempête. La plupart des banques y sont opposées parce que cela réduirait à néant les perspectives de gains fabuleux qui ont fait leur prospérité depuis trente ans. Le métier de banquier redeviendrait ce qu&rsquo;il n&rsquo;aurait jamais dû cesser d&rsquo;être : un métier terne, discret, au service de la &ldquo;vraie vie&rdquo; qui se joue dans l&rsquo;économie réelle. Les banques prétendent aussi que de tels ratios leur interdirait définitivement de prêter à l&rsquo;économie réelle et provoquerait l&rsquo;asphyxie de cette dernière. C&rsquo;est faux pour au moins deux raisons : d&rsquo;abord, elles ne prêtent déjà plus à l&rsquo;économie réelle, dès aujourd&rsquo;hui, car elles ont conservé dans leurs bilans beaucoup trop de créances douteuses héritées des folles années qui ont précédé (et engendré) le désastre de 2008. Ensuite, 2008 a montré qu&rsquo;en cas de houle, ce sont justement les banques les plus capitalisées qui résistent et continuent de faire leur métier. Multiplier par 5, en quelques années, le ratio de fonds propres des banques européennes rendrait notre secteur bancaire beaucoup plus sûr, et ferait disparaître une rente spéculative qui est aussi l&rsquo;une des deux racines, avec la bulle immobilière, de l&rsquo;explosion des inégalités en Occident depuis trois décennies.&nbsp;(2)&nbsp;Cf. The Bankers&#39; New Clothes: What&#39;s Wrong with Banking and What to Do about It, Princeton University Press, 2013.&nbsp;<h3 class="s2">Les Européens ne sont donc pas préparés à gérer les conséquences d&#39;un krach financier ?</h3>Non seulement l&#39;Union bancaire est complètement insuffisante mais en réalité, tout a été fait pour que ce soit le contribuable qui paie la note en cas de nouveau maëlstrom financier. L&#39;Union bancaire stipule en effet qu&rsquo;actionnaires et créanciers ne seront jamais mis à contribution au-delà de 8% du bilan de la banque. On présente parfois cela comme une avancée, mais si on réfléchit, cela veut dire que l&#39;on a mis un plafond sur les montants que l&#39;on peut exiger des créanciers : au-delà de 8%, on n&#39;ira plus chercher les créanciers pour finir d&rsquo;éponger les pertes mais les déposants et les contribuables. Dans mon rapport, j&#39;ai montré que si un choc de même amplitude que 2008 se produisait, les contribuables seraient nécessairement mis à contribution de manière massive. C&#39;est donc de nouveau le citoyen qui va devoir payer la facture bancaire. Qui plus est, en 2015, faute de pouvoir disposer des données suffisantes pour le faire, j&rsquo;ai été contraint de négliger le volet des chambres de compensation (clearing houses) qui centralisent les transactions financières internationales. Ces &ldquo;chambres&rdquo; privatisées ont considérablement réduit les appels de marge qu&rsquo;elles exigent sur chaque transaction (ces appels leur fournissent un matelas de protection qui permettra de solvabiliser une opération en cas de défaillance de l&rsquo;une des contreparties), afin d&rsquo;être plus &ldquo;compétitives&rdquo; et d&rsquo;augmenter leur profit. Conséquence : il est possible qu&rsquo;en cas de krach analogue à celui de 2008, ce qui n&rsquo;est pas arrivé il y a huit ans survienne cette fois-ci, à savoir la faillite d&rsquo;une chambre de compensation. Alors, ce serait véritablement l&rsquo;apocalyspe&hellip; Cette fois, le seul moyen de se prémunir consiste à nationaliser ex ante ces chambres (ou les placer sous la tutelle d&rsquo;une instance publique internationale) et à les contraindre à augmenter de nouveau leurs appels de marge. En espérant qu&rsquo;il ne soit pas déjà trop tard.&nbsp;Propos recueillis par Emilia Capitaine

diable

Le Brexit ne facilitera pas une refonte du système bancaire européen

Bouc-émissaire 

Finance post-Brexit : vous pensiez que le diable habitait à la City, vous allez découvrir qu’il était surtout installé en France et en Allemagne....

Laissez venir à moi les petits banquiers

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