"Aller lentement sur l'innovation qui détruit les entreprises"... et Arnaud Montebourg prononça sa phrase la plus bête de l'année

Dans un épisode des Simpsons, Lisa, la petite précoce, construit un robot intelligent qui parle pour un projet d'école. Son père Homer lui fait boire de la bière, ce qui, bien sûr, le fait court-circuiter et le détruit. Lisa, résignée, soupire : “C'est pour ça qu'on peut pas avoir de trucs sympas.”

Cette phrase est devenue mémorable pour les fans des Simpsons et la culture internet parce qu'elle reflète si bien ce caractère irréfragable de la destruction engendrée par Homer. Lisa n'est même pas énervée, elle ne pleure pas, bien que son père a détruit son robot. Après tant d'années, elle est résignée. Avec sa stupidité crasse, son père détruit tout et on doit juste faire avec. La famille Simpson sait qu'elle ne doit pas acheter ou avoir de “trucs sympas” parce que de toute manière, Homer les casse. Et il n'y peut rien - au fond, Homer n'est pas un mauvais bougre.

Impossible de ne pas penser à ça lorsque j'ai entendu les propos d'Arnaud Montebourg sur l'innovation au salon Le Web. C'est pour ça qu'on ne peut pas avoir de trucs sympas.

La chose la plus frappante, la plus dangereuse, dite par le ministre de l'Industrie, est cette idée qu'il faut ralentir l'innovation. Ce qui en soi est désolant. Mais pourquoi donc ?

Parce que l'innovation peut mettre en danger des grosses entreprises.

Voilà voilà.

On peut remarquer d'abord qu'on a un exemple parfait du capitalisme de copinage qui caractérise le système économique français. Il s'en défendrait, mais on voit ici qu'Arnaud Montebourg ne voit pas son métier comme le fait de défendre l'intérêt général mais de défendre des intérêts particuliers et catégoriels. Capitalisme de copinage qui en plus de tuer la croissance, tue l'ascenseur social, car le capitalisme de copinage est aussi un capitalisme d'héritiers. Arnaud Montebourg se place ici dans la grande tradition française. Sarkozy avait ses copains à qui il faisait des cadeaux, Montebourg aussi. Plus ça change, plus rien ne change.

La phrase exacte de @montebourg : "When innovation destroys system, we have to go slowly". DONC, ON ARRÊTE ET ON RÉFLÉCHIT. #LeWeb

— JN Chaintreuil (@jnchaintreuil) 12 Décembre 2013

On peut remarquer ensuite que si on veut une innovation qui ne fait pas de mal aux grands groupes, on ne veut pas d'innovation. Le principe même d'une économie innovante c'est le principe de la destruction créatrice. Comme l'écrit l'intellectuel Ashwin Parameswaran, la “main invisible” du marché ne fonctionne pas s'il n'y a pas le “pied invisible” de l'échec pour les entreprises qui ne s'adaptent pas. Dans une économie de croissance, les faillites de grandes entreprises sont non seulement fréquentes mais pas graves, car de nouveaux emplois remplacent les anciens. Dans une France dont les élites incestueuses s'entre-protègent du pied invisible, comment s'étonner que tout le monde refuse la main invisible?

L'exemple de Free Mobile est à ce titre significatif : Free Mobile a montré la faillite morale du capitalisme à la française et Arnaud Montebourg casse aujourd'hui du sucre sur le dos de Free Mobile alors que - bien évidemment- cette innovation a créé de l'investissement et des emplois.

.@montebourg Telecom: 124K emplois directs en 2009, 129K en 2012 + 5K emplois créés grâce à #FreeMobile. Et votre bilan M. le Ministre ? :-)

— Xavier Niel (@Xavier75) 10 Décembre 2013

Et, enfin, c'est une incompréhension fondamentale de la nature et de l'objectif de l'économie. L'économie, ce n'est pas des entreprises. L'économie c'est un mécanisme qui nous permet de collaborer pour créer de la valeur. L'économie fonctionne bien quand il y a de l'innovation qui permet à chacun d'avoir de meilleurs produits et services et cette innovation nous permet de collaborer ensemble - autrement dit d'avoir des emplois. L'économie sert à servir vous et moi, pas les actionnaires du CAC 40. Et en France, les meilleurs amis des actionnaires du CAC 40 sont les socialistes (il suffit de demander à la famille Peugeot).

Mais le pire dans tout ça est qu'Arnaud Montebourg est un symptôme, pas une maladie. Dans une démocratie, les politiciens ne sont que le reflet de la culture qui les fait naître. Le rejet de l'innovation et de la destruction créatrice sont imprégnés dans notre société. C'est la manière dont fonctionne notre politique économique depuis des décennies, voire des siècles.

Décidément, en France, on aime les lignes Maginot. C'est pour ça qu'on peut pas avoir de trucs sympas.

> La vidéo de la conférence (à partir de la 31e minute) :