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Monica Sabolo raconte son histoire d'amour pour un journaliste lâche et absent.
Monica Sabolo raconte son histoire d'amour pour un journaliste lâche et absent.
©Reuters

Atlantico Lettres

Toutes les semaines, le journal Service Littéraire vous éclaire sur l'actualité romanesque. Aujourd’hui, retour sur six livres qui parlent d'amour.

François  Kasbi

François Kasbi

François Kasbi est écrivain et journaliste. Dernier ouvrage paru : "Supplément inactuel au bréviaire capricieux de littérature contemporaine pour lecteurs déconcertés, désorientés, désemparés", aux éditions la Bibliothèque. Il écrit pour Servicelitteraire.fr.

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On sait bien que “l’amour, c’est beaucoup plus que l’amour”. Voire, que c’est « beaucoup plus (compliqué) que l’amour ». On a lu. On a vécu. On a aimé (le présent nous appartient). On sait aussi que l’amour n’existe pas. Et à lire quelques livres récents, on capitule : il n’y a que des visions de l’amour – qui se confrontent ou s’affrontent. Cela donne, pour l’occasion, six livres. Six illustrations différentes, voire dissonantes ou incompatibles, du sentiment amoureux, de son usure, de ses tourments, de ses complications, de ses échos intimes. On comprend aisément, à lire ces six écrivains, qu’ils ont beau évoquer la même chose, ils en parlent si différemment... qu’ils n’auraient (peut-être) rien à se dire. Les femmes sont en force : Eva Almassy (cérébrale et fantaisiste), Monica Sabolo (intelligente et féminine), Nelly Alard (bobo), Anne Serre (bourgeoise). Les hommes sont minoritaires : Javier Marias (l’Européen) et... Custine (Tradition Roman-Psychologique-Français). D’abord un mot pour La Poste – qui, décidément, connaît des ratés. À lire l’histoire narrée par Nelly Alard (et de quelle manière), on a bien compris qu’il y avait eu une erreur de destinataire. Qu’ancienne journaliste, Nelly Alard avait naturellement destiné son texte à la rubrique (qu’on adore) “C’est mon histoire” de ELLE. Et que c’est Gallimard qui l’a reçu... Patatras. Aléas et fiabilité capricieuse de La Poste, donc – qui nous valent ici 375 pages d’une histoire banale et triste de bobos parisiens corrects et bien peignés. Alard lorgne peut-être du côté de Catherine Cusset – mais Cusset, à une époque, c’était beaucoup mieux. Une chose s’impose, nonobstant : il n’y a rien à comprendre aux histoires d’amour. « Comprendre » et « histoire d’amour » : (pré)voir « collision ». Anne Serre ressuscite (là où Alard le réactualise en bobo) le vieux drame bourgeois. Très bourgeoisement (on pense à Alice Ferney). Elle redonne toute la patine de l’âge à ce vieux mot d’« adultère ». Cela s’appelle “Les Débutants” : c’est du Maurois vieilli – et raté. Un Maurois sans l’analyse. Après lecture des “Débutants”, on se dit que, décidément, “Climats”, c’était vraiment très bien... Et que “Les Débutants”, c’est vraiment daté. Ou affligeant. La fidélité et l’adultère ne coïncident pas : ce que j’ai retenu de ce livre. Je le savais.

Eva Almassy est spirituelle, intelligente, fine, espiègle.
“L’accomplissement de l’amour”, titre et thème démarqués d’une nouvelle de Musil, qui lorgne parfois vers Eyes Wide Shut, tente une hypothèse et met son héroïne en péril. Enfin ! Après Alard et Serre, le confort, l’absence de risque dans ces vies de bourgeois ou de bobos rancis avaient fini de nous accabler. Almassy, elle, s’expose, et en 100 pages à peine, va loin. C’est un peu sombre parfois – mais on aime beaucoup.

Comme on aime Monica Sabolo, son histoire d’amour pour un infréquentable, journaliste lâche et absent – non : fuyant, toujours. Il y a un regard, une sensibilité, une intelligence, un désarroi dans “Tout cela n’a rien à voir avec moi” qui en font un livre délicat et – parce qu’agrémenté de photos d’objets ou de lieux qui ont un rapport avec le crime (l’amour, donc) – très singulier. Attachant et distingué, raffiné, élaboré – et poétique.

Il y a enfin “Comme les amours” – où l’on retrouve la manière virtuose et si suggestive de Marias, cérébrale et sensuelle, dingue d’analyses psychologiques mêlées à des considérations métaphysiques. On reconnaît son obsession de la trahison et de la tromperie, sa manie de la digression existentielle, son génie du raccourci. On pense ici, en outre, puisque meurtre il y a (il s’agit d’amour, redisons-le), à l’antienne de Malraux à propos de “Sanctuaire” : « l’irruption du roman policier dans la tragédie grecque ». Nous y sommes.

Marias est en forme... mais la pépite est une réédition : à notre estime, il y en a peu qui puisse prétendre à égaler “Adolphe” de Benjamin Constant, dans la sécheresse clinique de l’analyse psychologique et amoureuse, et dans la capacité à faire coïncider précisément ce que l’on veut dire (si complexe) et son expression (si claire) : “Aloys”, d’Astolphe de Custine, est de ceux-là. Non : “Aloys” est CELUI-LÀ. On n’en connaît pas d’autre. Une dentelle de 124 pages. Stupéfiant.    F.K.

Moment d’un couple, de Nelly Alard, Gallimard, 376p. 20 € ; Les débutants, d’Anne Serre, Folio Gallimard, 192p. 6 € ; L’accomplissement de l’amour, d’Eva Almassy, l’Olivier, 110p. 13 € ; Tout cela n’a rien à voir avec moi, de Monica Sabolo,  JC Lattès, 158p. 19 € ; Comme les amours, de Javier Marias, traduit de l’espagnol par A.M. Geninet, Gallimard, 374p., 22,50 € ; Aloys, d’Astolphe de Custine, Petite Bibliothèque Ombres, 128p., 8,60 €.

Source :Service Littéraire, le journal des écrivains fait par des écrivains. Le mensuel fondé par François Cérésa décortique sans langue de bois l'actualité romanesque avec de prestigieux collaborateurs comme Jean Tulard, Christian Millau, Philippe Bilger, Eric Neuhoff, Frédéric Vitoux, Serge Lentz, François Bott, Bernard Morlino, Annick Geille, Emmanuelle de Boysson, Alain Malraux, Philippe Lacoche, Arnaud Le Guern, Stéphanie des Horts, etc. Pour vous abonner,cliquez sur ce lien.

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