L'étrange affaire Bradley / Chelsea Manning<!-- --> | Atlantico.fr
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"Pour cette nouvelle phase de ma vie, je veux que tout le monde sache qui je suis vraiment. Je suis Chelsea Manning, je suis une femme", a annoncé Manning.
"Pour cette nouvelle phase de ma vie, je veux que tout le monde sache qui je suis vraiment. Je suis Chelsea Manning, je suis une femme", a annoncé Manning.
©Reuters

Revue de blogs

Condamné à 35 ans de prison dans l'affaire Wikileaks, Bradley Manning veut changer de sexe et de prénom. "Pour cette nouvelle phase de ma vie, je veux que tout le monde sache qui je suis vraiment. Je suis Chelsea Manning, je suis une femme", a annoncé dans un communiqué la soldat de 25 ans.

L'annonce de la condamnation à 35 ans de prison du soldat Bradley Manning pour avoir communiqué des dossiers militaires secrets et des câbles diplomatiques au site Wikileaks - entre autres sur les "bavures" contre des civils irakiens et afghans de l'armée américaine -, puis de sa décision de devenir une femme a mis dans l'embarras les associations qui le soutiennent et pétitionnent depuis des années au nom de la liberté d'informer.

Sur les réseaux sociaux, la confusion a régné avant que chacun choisisse son camp : soutien envers et contre tout, en raison de sa condamnation inique, théorie de la conspiration (l'armée l'aurait manipulé pour le décrédibiliser), critiques contre les services psy de l'US Army pour n'avoir pas diagnostiqué une bombe à retardement chez une recrue très perturbée dès son incorporation, et, de la part des associations de transgenres, une certaine colère d'être entraînées dans une affaire très trouble, et lourde, qui ne facilite pas la reconnaissance de la "dysphorie de genre", nom médical des troubles de l'identité sexuelle.

Photo de Bradley / Chelsea Manning travesti en femme, photo diffusée par ses avocats.

Les soutiens de Manning évitent le "cas Chelsea", pour ne parler que de sa condamnation. Des internautes ont rappelé sur Twitter que le nazi Albert Speer, l'architecte de Hitler, n'avait écopé "que" d'une peine de 20 ans. Qu'en début d'année, un brillant geek de 26 ans, Aaron Swartz, s'était suicidé car il risquait 45 ans de prison pour avoir divulgué des articles scientifiques payants de la base de données d'une université.

L'écrivain américain Jacob Bacaracha signé sur son blog une déclaration de dégoût devant ce que l'Amérique est devenue. "Le gouvernement a torturé Bradley Manning, littéralement. (...) Que signifie le procès de Manning ? Il révèle que nos dirigeants sont petits, et vengeurs, et qu'ils ont peur. Le jargon de la sécurité et des dangers qui en est venu à enrober tous les communiqués officiels est décadent. La curée contre ceux qui sapent et mettent en cause les impératifs de la sécurité et la réalité des périls évoquésest décadente. La liturgie creuse d'un procès-spectacle est décadente. (...) Cet épisode déplorable vous fait vraiment vous demander quel est notre mythe national ? Qu'est-ce que l'Amérique a encore à offrir ? Nous sommes devenus adeptes à faire du mal aux personnes, pour rien." 

Wikileaks, le procès Manning, puis l'affaire Snowden et la révélation de l'espionnage de la NSA commencent a éroder la popularité d'Obama auprès des jeunes. The Hill note qu'il a perdu 14 points dans un sondage auprès des 18-29 ans.

Affiche de soutien à Bradley / Chelsea Manning : "Si vous remarquez quelque chose, signalez-le. A moins qu'il ne s'agisse de crimes de guerre des USA (dans ce cas, vous serez emprisonné pour toujours)"

Gawker a publié le mea culpa d'un journaliste, consterné par la lourdeur de la condamnation de la source qui a donné à la presse américaine et mondiale des millions d'informations, dont elle s'est abondamment servi, sans rien risquer. Et qui, depuis son arrestation, l'a à peine soutenu. 

WikiStrike, le site d'information de Wikileaks, avait publié une lettre de soutien à Manning signée par une icône des droits de l'homme, l'archevêque sud-africain Desmond Tutu. "Questionner l’autorité, en tant que soldat, n’est pas facile. Mais cela peut, parfois, être honorable. Les paroles attribuées à Bradley Manning révèlent qu’il est passé par une profonde lutte morale entre le moment où il s’est enrôlé et le moment où il est devenu un lanceur d’alerte. Grâce à son expérience en Irak, et témoin des souffrances à la fois de civils innocents et de soldats, il a été perturbé par les politiques de haut niveau qui ont sous-évalué la vie humaine. Comme d’autres courageux lanceurs d’alerte, il était guidé avant tout par le désir de révéler la vérité." (Desmond Tutu - Novembre 2012)

Un flot de commentaires égrillards s'est déversé sur les transgenres et le traitement dont pourrait être victime Chelsea dans sa prison pour hommes. Le site Transadvocate prend note du bout des lèvres de son changement de prénom : "Je ne vois pas de respect, d'honneur, d'implication dans son attitude, jusque là. Je vois une répétition de comportements où elle ne réfléchit pas aux conséquences de ses actions, à l'impact que ses actes ont sur d'autres personnes". 

Andrea James, une militante pour les droits des transgenres, a publié un éditorial sur Boing Boing qui avait dès 2010 posé des questions sur l'identité sexuelle de Manning. "Je vacille entre la compassion et la grimace depuis que Manning a annoncé son changement de sexe, dans un moment d'attention et de scepticisme brûlants. La communauté des trans est acculée à réagir, comme le Département d'Etat américain l'a été lors de révélations précédentes. Il nous faut faire face à plusieurs questions difficiles à traiter en même temps, car elles provoquent le plus de débats. Parmi ceux-ci, les prisonniers trans, les soins médicaux pris en charge par le contribuables, les modèles des pathologies de la diversité de genre, les trans dans l'armée et leur représentation dans les médias. (...) Il était évident pour moi, dès le moment ou Xeni m'a montré les transcriptions des tchats entre Manning et Lamo en 2010 (ndr, le contact de Manning qui l'a conduit à Wikileaks) que Manning était un trans. (...) L'auto-portrait publiée récemment d'un Manning assis tout seul dans une voiture garée, sans sourire, très maquillé et portant une perruque blonde, et le mail de Manning qui l'accompagne, m'a semblé très familier. L'histoire de  Manning , je l'ai lue souvent au cours des 20 dernières années. J'ai répondu à des milliers de mails de gens dans le même désespoir."

Le New York Time et l'agence de presse AP ont annoncé que conformément au vœux du condamné Manning, ils se référerait désormais à elle au féminin.

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