Egypte : les illusions perdues d'un jeune révolutionnaire<!-- --> | Atlantico.fr
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Mohamed Badie, le guide suprême des Frères musulmans, a été arrêté.
Mohamed Badie, le guide suprême des Frères musulmans, a été arrêté.
©Reuters

Revue de blogs

Un activiste et documentariste égyptien, Omar Robert Hamilton, qui avait comme beaucoup tant cru à la révolution, a publié son manifeste des illusions perdues, très commenté et partagé sur les réseaux sociaux du Moyen Orient.

Robert Omar Hamilton est documentariste et l'un des animateurs d'un collectif indépendant d'information égyptien né de la révolution, Mosireen. Très engagé depuis la chute de Moubarak en 2011, il décrit sa douleur et ses réflexions dans une confession de révolutionnaire et de jeune Égyptien atterré par le tour meurtrier que prennent les événements en Egypte, publiée sur le site Madanasr. Extraits.

La sidération

"Je suis assis depuis douze heures maintenant, seul et à me débattre pour savoir quoi faire. Pour la première fois depuis que je suis monté dans un avion pour rentrer en Egypte, le 29 janvier 2011, je suis perdu. Des jours pires nous attendent. Nous pensions que nous pouvions changer le monde. [...] Comme les choses sont différentes aujourd'hui. Je n'essaierais pas d'enterrer nos convictions,mais ce sentiment (optimisme juvénile, naïveté, stupidité) est maintenant vraiment et irrévocablement mort. Je pleure les morts et méprise ceux qui les ont tués. Je pleure les morts et je méprise ceux qui les ont envoyés à leur mort. Je pleure les morts et je méprise ceux qui excusent leur meurtre. Comment en est-on arrivé là ? Quel est cet endroit ?"[...]

Le temps de l'ivresse 


"Nous sommes le 12 février 2011. Hosni Moubarak a été destitué. Le lendemain matin, je vais prendre un avion pour les Etats Unis, pour finir un job, avant de m'installer de façon permanente au Caire pour aider à construire un nouveau pays. Je suis assis sur le balcon de l'appartement de ma mère. Nous fumons et nous buvons du thé pour lutter contre le froid, nous parlons de ce que nous avons vu et fait, de tout ce que nous allons faire. Tout, cette nuit là, était possible. Notre conversation passe du grandiose de la révolution mondiale au pratique des nominations pour les ministères et aux détails infimes de l'école de cinéma qui va être fondée. Nous avons parlé toute la nuit. J'ai pris des notes. C'est peut-être le souvenir qui me fait le plus souffrir." 

L'Etat n'est pas tombé avec Moubarak

"Quand je reviens d'Amérique, l'armée a évacué deux sit-ins de la place Tahrir, commencé à juger en cours martiale quantité de civils et à sanctionner les femmes qui manifestent par des "tests de virginité". La Révolution est maintenant plus ramassée, mais sérieuse, concentrée et sous le coup d'attaques incessantes. L'Etat qui n'est pas tombé, l'état "profond", l'état clientéliste, une fois par mois, chaque mois, attaque. Il nettoie Tahrir en mars, avril, août et décembre. Il attaque les manifestants devant l’ambassade d’Israël. Il enveloppe le centre du Caire dans une brume de novembre de gaz lacrymogène venu de Pennsylvanie. Des pierres et des cocktails Molotov pleuvent des toits du siège du gouvernement. Il maintient verrouillé les issues de secours du stade de Port Saïd, en faisant un piège mortel. Tous les mois, des gens meurent en le combattant."

L'occasion manquée

"Il y a eu des moments où nous aurions pu casser l'emprise de l'armée sur le pays. Nous aurions du rester sur la place Tahrir après la chute de Moubarak. Tahrir était à la place du conducteur et n'avait pas encore de politiciens pour la vendre et la trahir. Mais nous avons libéré la place Tahrir. Tout le monde a dit qu'il reviendrait le jour suivant et puis ils ne sont pas venus. Les gens voulaient dormir dans leur lit, prendre une douche. Soudain, des brigades de nettoyeurs bénévoles ont spontanément envahi la ville et à midi, tout était propre, bien en ordre et fini."

"En novembre 2011 et en janvier  2012, les rues résonnaient de slogans demandant la fin du pouvoir militaire. Mais à ce moment, des politiciens s'étaient arrogé le rôle de convertisseurs des mouvements de la rue en bénéfice politique. Maintenant, l'armée avait des gens à qui parler. Si toutes les forces qui étaient supposées être contre les militaires (les révolutionnaires, les progressistes, les Frères musulmans et les Salafistes ) s'étaient vraiment unis, où en serions-nous aujourd'hui ? Morts, probablement. Mais peut-être pas. Peut-être plus près d'un état civil." 

L'alliance avec les Frères musulmans était-elle impossible ? 

"Une réelle alliance idéologique n'a jamais été possible. Mais une alliance tactique, pratique, aurait pu fonctionner. Mais au lieu de travailler ensemble, chaque parti a régulièrement rencontré et passé des accords avec l'armée, offrant sans cesse aux généraux la position tactique la plus forte. Tout le monde est à blâmer. Les vieux libéraux riches qui se sont  présentés comme alliés de la révolution vivaient dans un confort relatif, avaient des liens historiques avec les militaires et satanisaient sans cesse les Frères musulmans. Les révolutionnaires dédaignaient la haute politique et ce faisant se sont ôtés eux-mêmes de l'équation. Les salafistes n'ont jamais été intéressés que par les deals qui leur conféraient le plus de pouvoir, et leurs précieux ministères - l'éducation et la santé. Et les Frères musulmans, amoureux depuis toujours de leur capacité à faire descendre leurs troupes dans la rue, ont été arrogants et malhonnêtes dès le début, passant des accords électoraux importants avec les libéraux, courtisant l'Amérique et offrant à l'armée l'immunité et le contrôle d'elle-même. 

"Quand il était au pouvoir, Morsi a refusé de prendre le ministère de l'Intérieur. Au lieu de cela, il a nommé Ahmad Gamal Eddin qui, comme chef de la sécurité du directorat de Assiout, a presque tué la révolution là bas en janvier 2011, puis a été le chef de la sécurité au sein du Conseil suprême des forces armée, à l'époque des massacres de la rue Mohamed Mahmoud et des ultras". 

"Le principal ennemi du peuple a toujours été l’appareil de sécurité de l'Etat : la police et les militaires. Nous ne parviendrons nulle part tant qu'ils ne sont pas entièrement démantelés. Il y a eu un moment quand cela aurait pu être fait, quand un état civil aurait pu naître . Mais Morsi et les Frères musulmans auraient du accepter le challenge de travailler avec les mouvements disparates et  chamailleurs de la gauche et  les libéraux [...].

Et le 3 juillet [2013], exactement comme ils l'ont fait le 11 février 2011, les militaires ont fait un coup d'Etat.. En février, 2011 ils ont écarté Moubarak pour faire diminuer la pression populaire et démobiliser les manifestants. Et ça a marché. Que s'est-il passé cette fois-ci ? La rue a-t-elle forcé l'armée à intervenir, ou l'armée a-t-elle créé la pression de la rue à travers le mouvement Tamarod  [l’opposition au président Morsi, ndlr] pour obtenir ce qu'elle voulait ?".

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