Revue de blogs
Chypre : les portes de l'enfer
La petite Chypre provoque un "reality show" économique dans la veine des grands films catastrophes. Deux blogueurs la commentent : l'un refait la chronologie d'une semaine de crises de nerf et des troubles du comportement des dirigeants européens hagards et incohérents, l'autre, en Grèce, prédit l'avenir de Chypre à la lumière de ce qu'il vit depuis trois ans. Et c'est vers l’Islande, autre petit pays naufragé et pourtant plus serein depuis des ruptures européennes radicales, que se tournent maintenant les yeux.
La catastrophe chypriote a mobilisé bien d'autres blogueurs que ceux qui se consacrent à l'économie del a crise, qu'ils soient d'un bord ou d'un autre, réflétant l'angoisse générale d'une Europe du nord qui se pense encore protégée, mais qui voit l'un de ses cauchemars secrets, la banqueroute, la vaporisation de leur épargne, se dérouler en direct sous ses yeux, et en vrai.
Avecuny a choisi de faire la chronique du naufrage vu depuis les palais de décisions, et décrit une semaine, où chefs d'état et Eurogroupe titubent ou vitupèrent sous l'emprise de crises de nerfs répétée : Les liens vers les différents articles, opinions et faits qui se sont déroulés durant cette semaine de tintamarre politique offrent un bon panorama d'une descente vers une certaine forme de folie politique généralisée.
16 mars "L’Eurogroupe et le FMI se mettent d’accord sur un « plan d’aide » à Chypre, Etat confetti (0,2% ou 0,3% du PIB de la zone euro) et paradis bancaire. L’idée est de proposer un prêt exceptionnel de 10 milliards d’euros en échange d’une taxe sur l’ensemble des dépôts bancaires de l’île (9,9 % sur les dépôts supérieurs à 100 000 euros et de 6,75 % en deçà). (...)Passons sur les coupes budgétaires et les privatisations prévues également dans ce plan. Portugal, Irlande, Grèce sont passés par là. On connaît la chanson : there is no alternative.Dans la journée du 16 mars, on commence à voir des files d’attente se former devant les distributeurs automatiques de billets, dont certains ne délivrent plus d’argent. Le spectre du bank run et de la contagion à d’autres pays d’Europe du Sud effraie nombre de commentateurs et analystes (...)
Dimanche 17 mars Lors d’une allocution télévisée, le président chypriote, élu depuis quelques semaines, Nicos Anastasiades, parle d’une situation d’urgence, la plus grave depuis 1974 (date de l’offensive militaire turque qui allait conduire au partage du pays en deux entités). Mais surtout, il jette un pavé dans la mare en dénonçant le chantage auquel la BCE se serait livrée durant les négociations. Anastasiades reste néanmoins assez flou sur la nature du chantage durant son intervention télévisuelle. Quelques jours plus tard, la BCE menacera publiquement Chypre de couper l’accès aux liquidités bancaires aux banques de l’île…Devant l’incompréhension et la peur engendrées par la taxation de tous les dépôts bancaires, le ministère français de l’Economie fait volte-face et demande désormais »une meilleure protection des petits épargnants« ,...) (C’est un peu tard. Aníbal Cavaco Silva, le président du Portugal, s’en prend alors lui aussi à l’idée de taxer les petits déposants. Une idée qui pour lui engage l’Union européenne sur un chemin « très dangereux« , ainsi que le note Pedro da Costa, journaliste à l’agence Reuters, sur son compte Twitter.
Mercredi 20 mars Alors que l’Eglise orthodoxe de Chypre se dit prête à mettre ses biens, y compris des terres, à disposition de l’Etat, tous les regards se tournent vers Moscou. Michael Sarris et des responsables des banques chypriotes entament des négociations avec les autorités russes pour sauver ce qui peut encore l’être. Le journal grec Ekathimerini écrit que les Russes auraient des vus sur un port sur l’île et qu’ils lorgneraient sur les réserves de gaz naturel (http://www.ekathimerini.com/4dcgi/_w_articles_wsite2_1_20/03/2013_488747). Le même journal fait état de rumeurs de rachat de la banque Laiki par des investisseurs russes pour 4 milliards d’euros (http://www.ekathimerini.com/4dcgi/_w_articles_wsite1_1_20/03/2013_488823).Tout cela ne donnera rien.
Jeudi 21 mars Début d’un psychodrame. La BCE pète les plombs et menace publiquement un Etat membre de la zone euro, Chypre, de lui couper l’accès aux liquidités bancaires, et ce, dès le lundi suivant, si un accord n’est pas trouvé avec l’Eurogroupe. Le compte à rebours est lancé, et le président chypriote négocie désormais avec le pistolet sur la tempe. Les banques chypriotes, qui sont fermées depuis le début de la crise, le seront à coup sûr jusqu’au mardi suivant. Dijsselbloem, pompier pyromane, s’inquiète des conséquences de l’instabilité créée par Chypre. Au bal des hypocrites, on entame une dernière danse. Désormais, l’heure est aux menaces et à l’intimidation. C’est alors que Reuters publie un article qui résume l’athmosphère qui a régné durant cette folle semaine : http://www.reuters.com/article/2013/03/21/us-eurozone-cyprus-call-idUSBRE92K0DU20130321. L’auteur de cet article, stupéfiant par la brutalité des attitudes qu’il décrit, indique que lors de la conférence téléphonique organisée la veille entre les membres de l’Eurogroupe, Chypre n’était pas représenté ! Pire, les protagonistes de cette conférence ont carrément abordé une possible sortie de l’euro pour Chypre et le risque de contagion en Grèce. Ambiance.(...)
Vendredi 22 mars C’est au tour d’Angela Merkel, visiblement excédée, de péter une durite. La Chancelière, furieuse et menaçante, conseille à Chypre de ne pas mettre à l’épreuve la patience de la troïka (cf. notamment cet article de Zero Hedge : http://www.zerohedge.com/news/2013-03-22/furious-merkel-cyprus%E2%80%99s-decision-test-europe-unacceptable). Tandis que Pierre Moscovici, dans le droit fil de la position allemande, précise sur BFMTV que ce n’est pas aux Français et aux Allemands de payer pour les Chypriotes. La solidarité européenne (ou ce qu’il en reste) en prend un sacré coup.(...)
Dimanche 24 mars Dans 24 heures, l’ultimatum de la BCE entre en vigueur. La tension monte. Dans la matinée, El Pais publie sur son site Internet un éditorial au vitriol qui compare Angela Merkel à Adolf Hitler, et qu’il retire quelques minutes plus tard (http://ccaa.elpais.com/ccaa/2013/03/22/andalucia/1363974112_833529.html). Et demain?
Les portes de l'enfer
Ce demain, le blogueur Greek Crisis Now, qui publie en français, le vit au quotidien en Grèce depuis trois ans.
Athènes 02/2013 Photo du blog Greek Crisis Now |
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