La justice française est-elle capable de s’extraire de son idéologie ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
La justice française suit souvent l’idéologie sommaire des médias.
La justice française suit souvent l’idéologie sommaire des médias.
©Flickr/Su morais

La semaine Goldnadel

Cette semaine, Gilles-William Goldnadel revient sur la mise en examen de Nicolas Sarkozy, la visite de Barack Obama au Proche-Orient mais aussi sur les déclarations de Jean-Luc Mélenchon contre Pierre Moscovici.

Gilles-William Goldnadel

Gilles-William Goldnadel

Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Il a notamment écrit en 2024 "Journal de guerre : C'est l'Occident qu'on assassine" (éditions Fayard) et en 2021 "Manuel de résistance au fascisme d'extrême-gauche" (Les Nouvelles éditions de Passy). 

Voir la bio »

Je ne suis pas bien sûr que la droite française soit obligée d'imiter sa gauche dans le registre de l'indignation.

Un Huron fraichement débarqué ou un poète occitan se seraient posé la même question : est-ce que ce monde est sérieux ?

Un juge d'instruction considère donc qu'il existerait des motifs « sérieux » pour considérer qu'un justiciable -ancien chef de l'État ou non- aurait abusé il y a six ans de la faiblesse de la femme la plus riche de France -alors qu'elle était encore assistée de son époux- sans pouvoir jamais prouver, ni comment, ni combien il lui aurait soutiré son argent.

Il n'est pas nécessaire d'être de la basoche pour aujourd'hui comprendre que plus vous êtes célèbre ou puissant, plus votre exposition vous expose à faire les frais de l'extravagance judiciaire.

Un Dominique Strauss-Kahn, inquiété un temps par des magistrats lillois pour avoir violé une prostituée qui en aurait pris soudainement conscience trois ans plus tard ou un Laurent Fabius qui aurait empoisonné une partie des Français savent de quoi je parle.

Aussi, je mets en garde certains amis de Sarkozy de ne pas élaborer trop vite la théorie d’un complot savamment orchestré par des socialistes que rien ne sauvera plus d’eux mêmes.

Je ne nierai certainement pas, je vous en parle chaque semaine, qu'il existe chez beaucoup de magistrats la même idéologie sommaire que l'on retrouve dans une presse qu'ils lisent le matin et qu'ils lisent le soir.

Mais je sais prosaïquement plus encore, hors toute considération idéologique, que certains magistrats ne détestent pas non plus lire leur nom, le matin comme le soir, dans ces mêmes journaux.

D'autant plus que le juge d'instruction sait bien, en la circonstance, qu'il peut compter sur la compréhension empathique d'une presse française dont l'esprit critique est comme suspendu pendant toute la durée de son instruction, a fortiori s’agissant de Nicolas Sarkozy.

Ainsi, Le Monde décrit le juge Gentil comme « intransigeant et solitaire ».

Je n'ai encore jamais vu un juge d'instruction présenté autrement. C'est d'ailleurs ainsi que le vespéral décrivait le juge Courroye du temps qu'il l’encensait encore et qu'il couvrait ses errements procéduraux, ses mises en examen extravagantes et sa brutalité en matière d'incarcération. Aujourd'hui, d'un excès l'autre, le même journal n'a pas de mots assez durs à l'encontre du même magistrat.

Je déconseillerais en conséquence à M. le juge de se faire un jour procureur. Et gentil avec Sarkozy.

Dans ce contexte extravagant, on peut penser que c'est faire bien d'honneur à la décision bordelaise de la couvrir de déshonneur.

Certes, la gauche et certains syndicats de magistrats sont les plus mal placés pour instruire aujourd'hui un procès en lèse-majesté, eux qui auront tout fait et depuis tant d'années pour déconsidérer aussi bien l'indépendance de l’institution que le principe de la séparation des pouvoirs.

Voilà des magistrats qui n'hésitaient pas à pétitionner en 1995 pour annoncer à l'avance qu'ils refuseraient d'appliquer la loi « scélérate » de Jean-Louis Debré en matière de régulation des flux migratoires.

Voilà un secrétaire d'État à la justice socialiste, Georges Kiejman, qui qualifiait de « cambriolage judiciaire » une perquisition du juge Thierry Jean-Pierre qui déplaisait à ses amis politiques.

Voilà une autre pétition, signée le 28 juin par plusieurs magistrats contestant la politique suivie notamment par Nicolas Sarkozy et réclamant davantage de répression en matière de délinquance financière (les mêmes qui souvent contestent les vertus de la répression).

Monsieur le juge Gentil a cru devoir cosigner cette pétition. Dans un État de droit véritable qui imposerait encore aux magistrats une obligation de réserve et leur interdirait de s'immiscer dans les prérogatives des autres pouvoirs, ce magistrat instructeur pourrait être suspecté légitimement de nourrir une prévention à l'égard de la personne qu'il a mise en examen, de nature à lui faire perdre au moins l'apparence requise de la sérénité exigée.

Quant à la Garde des Sceaux, qui a cru de devoir elle aussi y aller de sa docte leçon d'indépendance de la justice, est-ce la peine de rappeler que c'est la même ministre qui a cru devoir prendre publiquement position dans l’affaire dite « des sondages » en faveur de la partie civile Anticor, alors qu'elle était déjà place Vendôme, qu'elle appartenait à cette association et qu'elle donnait ses ordres au parquet, raison pourquoi elle est visée par une plainte pour prise illégale d'intérêts ?

Il ne s'agit donc pas de simples députés de l'opposition dont les protestations pour être parfois excessives n'en sont pas moins stériles. Il s'agit de magistrats chargés d'appliquer la loi ou du gouvernement de la république chargé de la faire exécuter.

Comme si cela ne suffisait pas pour prouver une nouvelle fois que, décidément, la gauche française a l'art de s'indigner de ses propres turpitudes, on apprenait (Le Monde du 21 mars), que Mme Sihem Souid, proche de Mme Taubira et des Indigènes de la République (ce qui n'a rien de très incompatible), aujourd'hui place Vendôme après avoir été relaxée d'une procédure pour violation du secret professionnel lorsqu'elle servait dans la police, a mis en cause violemment « l’entourage islamophobe » de M. Valls ainsi que la critique publique par le ministre de l'Intérieur de la récente décision de la chambre sociale de la Cour de Cassation autorisant le port du voile au sein d'une crèche privée.

À l'heure où ces lignes sont écrites, on ignorait encore si Madame Taubira a morigéné M. Valls pour avoir critiqué la justice ou si ce dernier a tancé la première quant au choix et propos de ses collaborateurs.

À ce degré de palinodies, existe-t-il encore un Français qui puisse être impressionné par la mise en cause judiciaire de M. Sarkozy, en dehors de ceux qui n'ont pas attendu la décision de M. Gentil pour le considérer comme un être abject à retrancher d'urgence de la communauté humaine ?

Dans un domaine relativement voisin, on apprenait, qu'en dépit de la violente campagne menée par Mediapart, les ventes de « France Orange Mécanique » écrit, comme on sait, par Laurent Obertone, n'avaient nullement fléchi et que l'ouvrage décrivant sans précautions superflues l'état d'insécurité du pays était un best-seller. On peut en déduire assez logiquement, que contrairement à une période récente, on peut survivre et même prospérer dans la détestation de l'extrême gauche et de ses relais dociles. N'ayez pas peur, disait un prédécesseur du pape François qui s'était frotté au totalitarisme.

Est-ce que Le Monde est sérieux lorsqu'il taxe, dans un éditorial dépité, de « renoncements » la politique menée par Obama au Proche-Orient ?

Certes, le quotidien est au moins cohérent avec lui-même. Il peut donc être nostalgique du premier mandat du président américain, quand, au Caire, il comparait la Nakba et la Shoah, laissait penser que seule cette dernière était à l'origine de la création d'Israël et donnait à entendre que pour arriver à la conclusion du conflit entre les Israéliens et les Arabes, il suffisait de tordre les bras des premiers et de caresser ceux des seconds dans le sens de leur système pileux. Si effectivement, le renoncement d’Obama est celui d'avoir renoncé à réciter le seul récitatif palestinien, Le Monde a fait une excellente analyse de ses propres conceptions.

Il n'est pas interdit de préférer, en matière de sérieux, le point de vue de Pierre Rousselin, intitulé « le nouveau réalisme du président américain » (le Figaro du 23 mars). Si l'on veut vraiment obliger les adversaires à s'entendre, il ne suffit certainement pas de dire à M. Netanyahou, qui a fini par s’y faire, qu'un compromis territorial est nécessaire non seulement pour les Arabes mais aussi pour les Juifs, pour autant qu'ils souhaitent demeurer majoritaires sur une partie du territoire contesté. Il faut encore faire comprendre à leurs adversaires que s'ils sont sincèrement intéressés par la création d'une structure étatique indépendante et viable à côté et non à la place d'Israël, ils se doivent de renoncer à éduquer leurs enfants dans la haine et l’irrédentisme et reconnaître Israël en tant qu'État du peuple juif.

Barak Obama a su dire, enfin, les deux choses aux deux peuples.

Puisse la nouvelle directrice du Monde, femme de qualité, l'expliquer gentiment à ses collaborateurs, apparemment plus butés que le président américain.

Enfin, mais seulement pour illustrer les propos qui précèdent,  je ne résiste pas au plaisir de raconter à mes lecteurs comment, cette semaine, j'ai été l'objet, moi aussi, des attentions de Mediapart.

Je dois au préalable indiquer à ceux qui l’ignoreraient -mais qui n'en seront certainement pas étonnés- que j'ai l'honneur de présider France- Israël, association non confessionnelle, fondée en 1927 par le président Gaston Doumergue et Maurice Ravel. À l'époque celle-ci se nommait France Palestine, ceci pour montrer comment certains combats lexicaux peuvent être perdus sans jamais avoir été livrés.

Toujours est-il, qu'entre autres activités, l'association, dans un esprit démocratique qui ne devrait pas non plus surprendre, organise des conférences-débats où ont été invitées des personnalités aussi différentes que Guy Millière, Alexandre Adler ou Pascal Boniface.

Cette semaine, sur proposition de l'un de mes vice-présidents, avait été conviée une sœur carmélite arabe et palestinienne. Celle-ci, que je ne connaissais pas, a discouru sur la peur qu'inspire aux chrétiens de Syrie l'avancée des milices djihadistes. On voudra bien convenir qu'il ne s'agit pas d'un point de vue très minoritaire dans sa communauté.

Dans un blog de Mediapart, un obscur plumitif, accusant la bonne sœur d'être un agent du régime syrien, me reproche d'être un suppôt d'Assad.

À dire le vrai, à aucun moment ne sont excipées contre la religieuse des preuves qui montreraient que notre bonne foi aurait pu être surprise.

Pour faire bonne mesure, et à la suite de cet article, un second couteau du même métal, écrit à mon propos dans une autre revue qui ne mérite pas de réclame : « On se demande ce qu'attend Ahmaninejad pour le décorer ».

Ceux qui me lisent chaque semaine savent que je ne déteste pas parfois me répéter.

J'aurais donc passé mes trente dernières années à reprocher régulièrement au journal qu'a dirigé longtemps l'actuel patron de Mediapart d'avoir largement passé sous silence les crimes commis par Hafez El-Assad et son rejeton tandis qu'il focalisait sur le moindre comportement d'un pays au sud de la Syrie qui se bat le dos au mur.

Venir en conséquence me faire ce procès, il est vrai quelque jour après que j'ai annoncé défendre Laurent Obertone, montre à quel point, effectivement « Médiapart informe mais n'accuse pas ».

Mais peut-être sortira-t-on une conversation téléphonique entre Bachar et moi.

Voilà pourquoi, je conseillerais à MM. Sarkozy, Obertone et à toutes les victimes des inepties des méchants comme des gentils, de faire comme moi, et de s’inscrire au parti d'en rire.

PS : on peut également sourire à cette sortie de Rabbi Jacob Mélenchon, (« comment Salomon, vous êtes juif ?»), s'étonnant d'apprendre que Moscovici l'était aussi.

Je ne sais pas si Mélenchon est antisémite, mais je suis bien sûr de deux choses :

- la grande gueule de la gauche extrême, ami de Théodorakis et de Chavez, camarade de combat d'un PCF dont les maires en sont à honorer les assassins de ministres juifs, comme à Bezons, la semaine dernière, n'est pas d'un philosémitisme exacerbé.

- si le lien entre Moscovici et la finance internationale apatride avait été tracé par un responsable politique de droite ou Marine Le Pen, Harlem Désir et SOS-Racisme seraient déjà à vociférer dans la rue aux bras de leurs alliés si extrêmement fréquentables.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !