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Quand défendre l'idée de l'austérité conduit à agir contre ses intérêts
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Le nettoyeur

Cela fait plusieurs années qu'une politique d'austérité est en train de décimer les économies européennes. Ceux qui la préconisent pensent défendre leurs intérêts mais il n'en est rien.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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Nous avons tous derrière la tête une vision de ce qui fait avancer l'Histoire. C'est un débat qui divise les historiens, mais nous aussi, lorsque nous réfléchissons à l'Histoire, nous avons, consciemment ou non, un point de vue sur ce qui compte le plus dans sa marche.

Il y a, bien sûr, la théorie dite des grands hommes. De César à Napoléon à Barack Obama, ce sont les grands hommes (et ce sont toujours des hommes...) qui détiennent les gouvernail de l'Histoire et la dirigent.

Mais cette théorie n'est plus en vogue de nos jours, ce qui est fort compréhensible, car le plus souvent les grands hommes sont des sujets de l'Histoire autant que ses acteurs. De nos jours, ce qui prédomine, c'est la théorie inverse, celle des tendances sociales. L'économie nous apprend que les hommes, en général et la plupart du temps, poursuivent leurs intérêts. La sociologie nous apprend que nous sommes dans une grande mesure prédéterminés par notre environnement, et que nous sommes au moins autant membres de ces groupes que des individualités libres. Cette théorie a trouvé son apogée chez Marx, pour qui toute l'Histoire se résume à la lutte des classes et est préordonnée, menant au communisme quoi qu'il arrive.

La théorie des tendances sociales a évidemment une grande part de vérité : l'avènement de la démocratie en Europe à partir du 18ème siècle était rendue inévitable par l'arrivée d'une classe moyenne bourgeoise puissante qui exigeait un Etat responsable devant elle ; la puissance des Etats-Unis au 20ème siècle est née bien plus de son économie et sa démographie que de la décision d'hommes d'Etat individuels.

Les deux théories ont leur part de vérité, mais il y en a une troisième qu'on oublie toujours, et c'est la suivante : les idées ont des conséquences. Oui, les grands hommes, parfois, les tendances sociales, surtout, mènent l'histoire, mais les idées aussi. Il suffit de regarder la Corée : il y a 60 ans, le Nord et le Sud avaient globalement le même type de population, de développement, de base économique, etc. Mais un pays a été gouverné avec un certain type d'idées, et l'autre avec d'autres idées. L'un est devenu le pays le plus pauvre du monde, l'autre un des plus riches.

Ce fait, que les idées ont des conséquences, est particulièrement évident aujourd'hui en Europe. L'Italie se réveille cette semaine avec une gueule de bois, après des élections rendant le pays ingouvernable où le régime d'austérité a été rejeté par les électeurs. En Italie, le chômage a augmenté au mois de janvier à 11.7%. Chez les jeunes, le taux de chômage est de 38.7%. La France est dans une situation presque similaire.

Cela fait plusieurs années qu'une politique d'austérité est en train de décimer les économies européennes. Elle a commencé par la Grèce, puis l'Irlande, l'Espagne et le Portugal, aujourd'hui l'Italie et de plus en plus la France.

Les premiers partisans de ces politiques d'austérité sont les milieux économiques, qui ont soutenu Monti en Italie et qui soutiennent encore les politiques d'austérité imposées par l'Allemagne.

Ces milieux économiques sont des acteurs au sein de la société qui ont une influence. Mais ils n'agissent pas pour leur intérêt : une politique de relance augmenterait la croissance et donc la rentabilité des entreprises. Les ventes de Citroën, Peugeot et Renault ont baissé de 19,9%, 8,5% et 19,3% respectivement, alors même que le Medef milite pour une politique d'austérité qui empêche les clients de ses membres d'acheter leurs produits. A un niveau plus faible, les milieux économiques américains hurlent aussi contre le déficit américain, alors que le problème le plus grave est le chômage, y compris du point de vue de leurs intérêts directs.

Ces milieux, comme tous les milieux, pensent défendre leurs propres intérêts. Mais en réalité, ils vont à l'encontre de leurs intérêts. La raison n'en est pas sociale, mais idéologique.

Les idées ont des conséquences. Il ne faut pas l'oublier.

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