Beppe Grillo, un Chavez italien ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Avec 25,5% des suffrages, le "Mouvement 5 étoiles" de Beppe Grillo est aujourd'hui la troisième force politique italienne.
Avec 25,5% des suffrages, le "Mouvement 5 étoiles" de Beppe Grillo est aujourd'hui la troisième force politique italienne.
©Reuters

Revue de blogs

La surprise des chaotiques élections italiennes est le score des élus du mouvement de Beppe Grillo, ex-comique génois interdit d'antenne par Berlusconi, apôtre depuis des années de la "démocratie directe" sur Internet, d’où il opère. Les blogueurs italiens qui le connaissent et le fréquentent depuis longtemps sont eux mêmes perplexes.

Beppe Grillo, leader politique né du Net

La biographie de Beppe Grillo sur son compte Twitter(presque un million de followers), le nouvel homme fort et incontrôlable de la politique italienne, est laconique, et maintenant jubilatoire, sans rien révéler de l'homme : "On se verra au parlement. Et ce sera un plaisir". L'homme qui veut en découdre avec les appareils politiques et l'Euro est déjà un vétéran de la politique, mais d'une politique XXIe siècle : entièrement construite et pilotée depuis le Net et les réseaux. Son blog, numéro un en Italie depuis la fin des années 2000, est à la fois son QG de parti et de campagne, sa salle de presse (il refuse de parler aux médias), sa chaîne de télévision (appelée La Cosa, la chose, d'où sa longue campagne électorale a été diffusée non stop en streaming), et la genèse de son ascension. Le gouvernement Berlusconi l'avait privé d'antenne, lui, comique très populaire. Il a trouvé un autre écran, celui des ordinateurs.  

Son mouvement 5 stelle (cinq étoiles, abrégé en M5S), a été lancé il y a un peu plus de trois ans, toujours sur Internet, et de meetings en débats dans les familles ou en rassemblements contre le nucléaire ou une pollution industrielle, d'un bout à l'autre de l’Italie, sans moyen, la "campagne tsunami", comme il l'a surnommée, en est véritablement devenu un, avec presque 25% des suffrages en bout de course. 

Les urnes en Sicile (photo du blog de Gerry Palazzotto)

Le discours à la nation

De chez lui à Gênes, par téléphone, Beppe Grillo a fait, hier, lundi 25 février, son "discours à la nation" via sa chaîne en ligne, La Cosa. Peu éclairant, mais encore une fois, sur Internet.

"Elle est fantastique, cette aventure. Avant toute chose, je veux seulement remercier ces gens extraordinaires qui nous ont préparé des estrades, des lumières, des services de sécurité, qui nous ont hébergés chez eux, nous ont aidés avec le camping-car. Voilà la différence entre ce mouvement et  "the others". "The others" sont payés, transportés en autobus de luxe, avec les drapeaux. Nous sommes tous bénévoles. C'est pour cela qu'il faut dire merci. Je ne remercierai jamais assez ces gens. Ils ont été formidables.(...) Nous n'avons pas tenu compte du fait qu'il s'agit d'une guerre entre générations. Il faut abaisser l'âge du vote à 16 ans, l'âge minimum pour entrer au Sénat à 18, comme dans les pays normaux. Il y a une vingtaine de millions d'Italiens qui ont flotté sur la crise, qui n'ont pas voulu oser, peut-être parce que, au fond, tout au fond, ça leur allait bien comme ça.  Je ne sais pas comment on peut faire : redonner le pays encore à Berlusconi, ce maître chanteur qui a contribué à l'enterrer, pour  6 mois, pour un an ? C'est vraiment un crime contre la galaxie, contre la galaxie toute entière."

"Nous, pendant ce temps, on se perfectionne, on entre à l'intérieur (des institutions, ndr), et on ne pense pas à faire combines et magouilles. Nous serons une force extraordinaire et nous ferons tout ce que nous avons dit durant la campagne électorale. Revenu de citoyenneté, commençons par soutenir les derniers : personne ne doit rester sur le bord de la route. Commençons à utiliser des mots différents. Nous serons 150 (élus) dedans, et quelques millions dehors. C'est vraiment exceptionnel, cette chose. Première force (politique) en trois ans et quelques mois, sans argent, sans avoir jamais accepté un remboursement (de frais électoraux). Maintenant, on aurait droit à 100 millions de remboursement de frais de campagne. On les prendra pas, on continuera comme ça. Attendez nous au parlement (ndr, il s'adresse aux hommes politiques traditionnels), ce sera un immense plaisir de pouvoir vous observer. Je me suis demandé où ils vont nous placer sur les bancs de l'Assemblée nationale, j'espère que ce sera derrière chacun d'entre vous".  
"Nous sommes l'obstacle. (...) Ils pourront encore continuer pendant sept, huit mois à combiner un désastre, mais nous essayerons de les tenir sous contrôle.  Nous commencerons à faire ce que nous avons toujours dit, le nom de nos étoiles : l'eau gérée par le service public, l'école publique, la santé publique. S'ils nous suivent, ils nous suivent. Je sais que la bataille sera dure pour eux, très dure. Ils ne réussissent pas à comprendre, à l'entendre. Il faudrait les faire examiner par un psychiatre. Ils ont échoué. ils sont là depuis 25, 30 ans, ils ont amené le pays à la catastrophe.  La chose qui me met mal à l'aise, ce sont ces millions de personnes qui flottent sur la crise, qui ont été à peine effleurés par la crise, qui ont réussi à vivoter aux dépens des autres millions qui n'y arrivent plus. Le problème de l'Italie, ce sont ces personnes. Et tant qu'on touche pas à leur retraite ou leur salaire, pour eux, ça ne fait rien si le pays est immobilisé, mais cela ne va pas durer, cela va durer très peu cette situation".  

Beppe Grillo en duce? 

Le scénario d'un néo-Mussolini de l'ère Wifi est surtout évoqué à l'étranger, les Italiens étant trop familiers depuis des années du personnage à la crinière blanche et aux jurons non modérés pour en arriver à cette conclusion. Giornalettismoa cependant trouvé sur Facebook en Italie une photo de Beppe Grillo dans son camping-car de campagne avec en arrière-plan ce portrait du Duce, et l'a dénoncée comme étant un faux, en reproduisant la photo originale. Les plaisantins ont revendiqué publiquement et en riant le trucage : il s'agit des administrateurs de la page Facebook "Nous qui ne voterons pas pour le mouvement 5 étoiles".

 Trucage d'une photo de Beppe Grillo avec un portrait de Mussolini, photo du site Giornalettismo

 Beppe Grillo à la Chavez ?

Photo-montage du blog Formiche.net

Plus sérieusement, Formiche.neta cherché un autre exemple de ce populisme nouveau genre, et il l'a trouvé en Amérique latine, chez Ugo Chavez. Tous deux sont nés d'un écran (de télévision pour Chavez), ont créé un mouvement politique et en sont la voix unique. Seul l'ennemi diffère :" Si pour Chavez les Etats-Unis sont la puissance ennemie, qui veut imposer sa culture et son modèle économique 'inadapté", pour Grillo, la menace est l'Union Européenne (...) Dans les deux cas, dans l'indépendance idéologique (apparente) et sans le soutien d'aucun appareil politique ou financier, les deux mouvements ont conquis des électeurs déçus par les partis traditionnels, en colère contre la corruption et l'impuissance de personnalités de la scène politique aux gestions désastreuses. Le discours anti-système a été le carburant du Mouvement 5 étoiles, comme, à l'époque, celui du Mouvement bolivarien révolutionnaire".

Devant ce nouveau rebondissement difficilement traduisible, le blog Demosa donné un lien vers différentes récentes études sur les mouvements politiques et souvent populistes européens nés en ligne, une nouvelle donne du XXIe siècle politique.

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