Maurice Taylor et Arnaud Montebourg : les frères jumeaux<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Maurice Taylor et Arnaud Montebourg : les frères jumeaux
©

Le nettoyeur

Cette semaine, Pascal-Emmanuel Gobry revient sur la querelle qui oppose le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg au PDG de Titan Maurice Taylor et montre à quel point les deux hommes sont en fait pareils et pensent pareils.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

Voir la bio »

La chose la plus frappante de l'affaire Taylor-Montebourg qui domine l'actualité économique française cette semaine est la parfaite ressemblance entre les deux protagonistes. Montebourg et Taylor sont des jumeaux.

Jumeaux psychologiques d'abord : malgré leurs styles différents, les deux hommes ont exactement la même démarche. Nous avons là deux coqs de basse-cour qui se dressent sur leurs ergots pour montrer qu'ils ont la plus grosse... crête.

Les deux hommes s'accablent à coup de clichés : d'un côté les ouvriers français syndiqués paresseux surpayés, de l'autre la France attractive par sa qualité de vie, ses infrastructures et la productivité de ses employés.

Il est évident en lisant les lettres que ce qui motive ces personnages est uniquement l'orgueil, et en cela Taylor et Montebourg sont bien jumeaux. Taylor et Montebourg sont tous les deux connus dans leur pays pour leurs envolées rhétoriques, et Taylor s'est même lancé brièvement dans une carrière politique aux Etats-Unis, remarquée pour son style outrancier (on y reviendra).

Quiconque connaît la psychologie ou la littérature sait qu'on ne hait personne aussi facilement que celui qui nous ressemble, et nous en avons là un parfait exemple. La seule différence est que si pour un patron, donc citoyen privé, ce type d'excès est comique, pour un ministre, mandataire d'une charge publique, il est consternant, d'autant plus que la lettre de Montebourg se conclut par une menace de rétorsion administrative, procédé qu'on pourrait qualifier de mafieux, et certainement contraire à l'état de droit.

Jumeaux idéologiques surtout. En apparence, Montebourg et Taylor ressemblent à des opposés idéologiques. D'un côté le ministre socialiste, partisan du patriotisme économique et de la politique industrielle. De l'autre côté le patron américain brut de décoffrage, forcément de droite et ultralibéral (malheureusement il n'est pas texan et ne porte pas de bottes ni de chapeau de cow-boy). Taylor est effectivement membre du Parti républicain aux Etats-Unis, mais lors de sa campagne électorale de 1996, le cheval de bataille de Taylor était...l'opposition au libre-échange. Les propos de Montebourg sur le “dumping” dans sa lettre auraient pu être repris mot pour mot par le Taylor de 1996.

Montebourg et Taylor sont tous les deux des fervents croyants de la même idéologie, cette idéologie fausse qui sous-tend tous les débats sur le commerce international et la “compétitivité” : l’idéologie de la “guerre économique”.

Comme l'a très bien isolé l'économiste Alexandre Delaigue, la métaphore de la mondialisation comme “guerre économique” infecte nos débats économiques et les vide. Comme il l'écrit, cette idée est que : “Les nations sont prises dans une grande bataille pour le marché mondial, qui fait des vainqueurs et des vaincus, des victimes et des gagnants.”

Pour Taylor comme pour Montebourg, les pays doivent se protéger dans la guerre économique grâce à des barrières douanières. Taylor dit : “La France perd la guerre économique parce que les Chinois vont faire des pneus à un euro de l'heure”, Montebourg répond : “Non, nous allons gagner la guerre économique en étant productifs et en luttant contre le dumping! (P.S. Casse-toi pauv' c...)” mais ils sont tous les deux d'accord sur l'état des choses.

Le fait est que le commerce international est un jeu collaboratif fait d'échanges à somme positive. Les acteurs du commerce international collaborent entre eux pour fournir des produits et des services, ils ne se font pas la guerre. Le Luxembourg n'a pas de champions nationaux, ne produit rien, n'exporte rien, et c'est le pays le plus riche du monde. La Chine subventionne ses champions nationaux à tire-larigot, produit tout, exporte follement, et les Chinois ont des revenus plus faibles que les albanais et les gabonais.

Dans une chronique concernant déjà Arnaud Montebourg, j'avais expliqué l'absurdité de l'idée de la guerre économique, idée fausse et néfaste aussi répandue à droite qu'à gauche.

Alors forcément, quand on est un petit caïd à l'égo surdimensionné, ça flatte plus de se prendre pour un général dans la grande guerre économique mondiale que pour un simple facilitateur d'échanges mercantiles. Ça ne veut pas dire que nous devons écouter ceux qui se racontent ces sornettes.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !