Qui sont les catholiques en France (et que pensent-ils) ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Qui sont les catholiques en France (et que pensent-ils) ?
©Reuters

« Politico Scanner »

En 2010, une étude Ifop révélait l'évolution du catholicisme au cours de ces 50 dernières années et dévoilait le nouveau visage des catholiques de France.

Gérard  Leclerc et Olivier Bobineau

Gérard Leclerc et Olivier Bobineau

Gérard Leclerc est un philosophe, journaliste et essayiste catholique. Il est éditorialiste de France catholique et de Radio Notre-Dame. Il est l'auteur de l'Abécédaire du temps présent (chroniques de la modernité ambiante), (L'œuvre éditions, 2011). 

 

Olivier Bobineau est sociologue des religions et auteur de plusieurs ouvrages dont Sociologie des religions (Éditions Armand Collin, 2012) et L'empire des papes, une sociologie du pouvoir dans l’Église (A paraître le 4 mars 2013, CNRS Éditions ).

Voir la bio »

1952-2010 : L'évolution du poids des catholiques dans la population française, un déclin marqué à partir du début des années 1970 (cliquer sur le graphique pour agrandir)

Gérard Leclerc : Incontestablement, ces chiffres démontrent une érosion de la foi. Mon sentiment est que ce décrochage, avant même d’être une question de pratique, s’explique par la perte de la culture chrétienne. Il y a une perte de la mémoire et de la culture chrétienne que l’on peut mettre en parallèle avec une autre courbe qui descend également, celle des enfants allant au catéchisme en France. Quand on voit la façon dont est traité le départ de Benoît XVI, il y a une méconnaissance grave de ce qu’est le catholicisme. On fait venir des experts pour vous expliquer. Il y a 50 ans, on n’aurait pas fait venir autant d’experts car on savait les choses. Le poids du catholicisme baisse car l’école ne traite plus de la question. L’institution a lâché ses fidèles et on voit que cela a un impact sur l’enseignement du catholicisme.

Olivier Bobineau : On remarque clairement le déclin d’un système, le déclin paroissial du modèle de gouvernement catholique depuis la Réforme au XVIe siècle. Depuis cette époque, il existe un modèle (contrôle des esprits, sacrements, messe, etc.) qui va culminer jusqu’à la fin du XIXe siècle. Depuis la Seconde Guerre mondiale, c’est terminé.


1952-206 : Une érosion surtout sensible parmi les catholiques réguliers (cliquer sur le graphique pour agrandir)

Gérard Leclerc : Ce phénomène est lié au précèdent. Il y a moins de messalisants (personnes allant à la messe) car aujourd’hui le pratiquant régulier n’est plus formé comme avant et donc ne va plus à l’Eglise comme avant. A cela s’ajoute un phénomène de perte de ferveur religieuse qui correspond aussi à une perte de qualité de la liturgie. Aujourd’hui, les églises qui se remplissent sont celles où il y a une belle liturgie, une prédication soignée, des enfants de chœur et une chorale qui se tient.

Olivier Bobineau : Les graphiques témoignent aussi du vieillissement de la population des catholiques pratiquants. C’est là aussi le signe du déclin : quand une population de pratiquants chute, on note un décalage entre l’église et les jeunes générations. C’est clairement la chute d’un modèle et une chute définitive… (d'après mes recherches, seuls 2% de la population serait pratiquante et non 4,5%).


La composition socio-démographique comparée des catholiques et de la population française : des spécificités avant tout en terme de pyramide des âges (cliquer sur le graphique pour agrandir)

Gérard Leclerc : La pratique des femmes même au XIXe a toujours été supérieure à celle des hommes. On disait que les hommes restaient à la porte et que les femmes allaient prier. Aujourd’hui pourtant, on assiste à un rééquilibrage même si les femmes restent supérieures.

Autre tendance : les personnes plus âgées sont plus pratiquantes. Pourquoi ? Car elles ont été formées au christianisme. On remarque que les catholiques aujourd’hui ne sont plus représentés par les agriculteurs ou les artisans. La présence des prêtres est de moins en moins importante en campagne. Il y a un réel délaissement pour la ville. L’habitat rural est dispersé et vieillissant et l’Eglise a tendance à déserter ces régions alors que c’était l’inverse autrefois (au XIXe et XXe siècles, il y avait un prêtre pour 1 000 habitants). On remarque aussi que les classes les plus formées intellectuellement semblent être les plus représentées parmi les catholiques même s’il faut se méfier de ces chiffres car cela dépend des régions. Dans le Nord, il y a beaucoup de catholiques et la plupart vienne du milieu ouvrier.

La composition sociodémographique comparée des catholiques et de la population française : des catholiques pratiquants très proches de la moyenne nationale alors que les pratiquants affichent un profil très typé (cliquer sur le graphique pour agrandir)

Gérard Leclerc : Ces tableaux rejoignent l’idée précédente : les personnes âgées ont bénéficié d’une formation religieuse. On voit aussi que les jeunes s’éloignent de la foi mais ce n’est pas si évident : il faut savoir que les aumôneries étudiantes sont en plein renouveau. Les églises pour les messes étudiantes sont bondées avec des gens motivées, un vrai public qui veut se former. On le remarque aussi dans les manifestations contre mariage homosexuel. Il y a beaucoup d’étudiants qui viennent de milieux catholiques.

Les statistiques sont trompeuses car elles cachent un phénomène de renouveau dans la jeunesse. Il faut noter aussi que les statistiques dans la religion ne sont pas des statistiques démographiques : le renouveau de la foi provient de facteurs d’ordre difficilement déterminables car subjectifs.

Olivier Bobineau : Avec l’importance des classes supérieures dans la région on constate un repli identitaire classique. L’Eglise a également perdu le monde ouvrier tout au long du XXe siècle et cela se ressent aujourd’hui. Après Vatican II, la liturgie a voulu accrocher l’élite et puis, le monde ouvrier a abandonné la religion qui n’a pas su traiter la question sociale et n’en a pas fait sa priorité. Aujourd’hui, ceux qui croient sont les grands leaders, une classe bourgeoise de retraités qui vit dans une grande métropole urbaine et qui a accès à l’intelligence de la foi. La messe est faite d’un public de plus en plus esthétisé et conservateur.

Etre catholique aujourd'hui ne pose pas de difficultés (cliquer sur le graphique pour agrandir)

Gérard Leclerc : C’est surtout les 35% qui jugent qu’il est difficile d’être catholique qui m’interpellent. C’est un milieu aujourd’hui où il faut se battre, les gens ne comprennent pas grand-chose à la religion, la tournent en dérision. Les jeunes catholiques rament notamment au sein de milieu intellectuels. Il existe une culture très hostile. On le voit avec la démission du pape, on fait venir des gens pour réagir, ils règlent leurs compte avec la religion, servent des discours idéologiques. Il existe un vrai ressentiment. Maintenant, les catholiques qui appartiennent à une communauté paroissiale sont soutenus par la vie communautaire. C’est très fraternel, les gens sont là les uns pour les autres, il y a des œuvres caritatives et l’intégration se fait bien.

Olivier Bobineau : Les grands cadres catholiques me parlent sans cesse de la "cathophobie" alors que cette enquête montre que les catholiques pratiquants (ou pas d’ailleurs) ne ressentent pas un rejet de l’opinion publique française. On me parle de chasse aux sorcières ici ou ailleurs mais quand on interroge les gens, on constate qu’il n’y a rien ou pas grand-chose.

Des catholiques pratiquants en demande d'un aggiornamento de l'Eglise sur différents sujets (cliquer sur le graphique pour agrandir)

Gérard Leclerc : Les pratiquants sont pris dans les grands débats de société d’aujourd’hui et sur ces questions, le discours l’Eglise est mal reçu et moqué. Les catholiques sont forcément influencés par le discours et la culture dominante. Sur la contraception, l’Eglise a des positions mal comprises : l’Eglise n’est pas pour un non-contrôle des naissances mais pense que certaines cultures contraceptives sont hostiles à la vie. Il y a un vrai suicide démographique de l’Europe. Les gens veulent faire penser que l’Eglise est has been mais les choses sont beaucoup plus complexes que ça et je pense que ces chiffres sont des écrans de fumée qui empêchent de comprendre la profondeur des problèmes posés.

Olivier Bobineau : On remarque une tendance très nette et typique : le repli identitaire. On remarque que 48% des catholiques ne souhaitent pas voir l’église évoluer sur le mariage homosexuel. Ils sont en décalage complet avec le reste de la population française.

Le jugement des pratiquants sur la défense des valeurs du catholicisme par le pape (cliquer sur le graphique pour agrandir)

Gérard Leclerc : Il y a eu plusieurs polémiques sur le préservatif notamment et un pilonnage dans les médias auquel l’opinion a été très sensible et cela a de l’influence sur les statistiques. Mais ça n’a été que saisonnier. Quand Benoît XVI a été en Angleterre, il y a eu une campagne de presse invraisemblable contre lui, toute la presse s’est déchainée. A la fin de son voyage, le ton de la presse avait changé. Les Anglais ne voulaient plus lâcher le pape, il les avaient séduits. Les médias ont une influence sur l’opinion. Sous Jean-Paul II, il y a eu des phénomènes de même type avec des campagnes de presse assassines et quand il est mort, les médias faisaient l’unanimité sur sa grandeur et se sont invraisemblablement inclinés.

Olivier Bobineau : En 2008, Benoît XVI va prendre position par rapport aux Roms et tous les catholiques vont le suivre. La valeur principale c’était le rejet du pauvre homme. Du pain béni pour Benoît XVI ! En 2009-2010, il a défendu des choses moins consensuelles que le rejet des Roms (dont les crimes des prêtres pédophiles). Ajoutez à cela l’affaire du majordome qui révèle les problèmes et les scandales financiers du Vatican et on comprend mieux ces chiffres ! 

Des catholiques pratiquants nettement plus à droite que l’ensemble des catholiques... et des Français (cliquer sur le graphique pour agrandir)

Gérard Leclerc: Ces chiffres seraient à mettre en perspective dans l'histoire. Depuis près de 30 ans, le catholicisme de gauche est un phénomène en voie de disparition et ce pour des raisons simples : l'abandon des pratiques religieuses, le phénomène de ralliement aux idéologies contemporaines. Du coup, les gens sont souvent étrangers à leur propre culture d’origine et en plus de cela, les catholiques de gauche ne se sont pas reproduits et de même pour les curés de gauche. Sur les valeurs sociétales, les catholiques se retrouvent avec la droite. Sur les problèmes économiques, c'est beaucoup plus compliqué. Benoît XVI a toujours été très sévère concernant la spéculation boursière notamment.  En France, l'UMP incarne aujourd'hui les valeurs du catholicisme d'autant plus depuis que le combat se situe au niveau des problèmes sociétaux. La gauche est pour la réforme de la société (euthanasie, bio-éthique, etc.) donc le partage très fort se fait en faveur de la droite.

Olivier Bobineau : Le Front National ne progresse pas chez les catholiques pratiquants mais 14% des catholiques votent quand même pour ce parti. C’est quatre points de plus que l’ensemble des français et trois points de plus que les catholiques non-pratiquants. Pourquoi ? Il y a une peur de l’islam chez les catholiques qui se replient sur l’identité et la tradition chrétienne. Ils se méfient donc du coup de l’homosexualité et d’islam, de ce qui peut être différent.

Étude IFOP à lire ici

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !