Virage à gauche dans son discours d'investiture : Obama II tombe le masque <!-- --> | Atlantico.fr
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Le président entend consacrer son second mandat à faire passer le plus de réformes progressistes possibles.
Le président entend consacrer son second mandat à faire passer le plus de réformes progressistes possibles.
©Reuters

Trans-Amérique Express

Les réformes évoquées par le président Obama dans son second discours d’investiture, le placent à la gauche de la gauche sur l’échiquier politique américain. "Chiffons rouges" agités devant l’électorat républicain, ces réformes ont toutefois peu de chance d’aboutir.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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A ceux qui se demandaient encore qui est le "vrai" Barack Obama, son discours d’investiture du 21 janvier aura apporté une réponse claire. Obama est un social-démocrate. Un progressiste. Un homme fermement ancré à la gauche de la gauche, pour qui le "progrès social" passe par la multiplication des "droits" : droits des femmes, des homosexuels, des minorités, des enfants, des pauvres, des immigrants, légaux et clandestins … droits de l’environnement et de la terre…

Le président entend consacrer son second mandat à faire passer le plus de réformes progressistes possibles. Une stratégie somme toute risquée. Ces réformes ont été tentées par le passé. Rarement avec succès.

Tout au long de son premier mandat, les observateurs se sont interrogés sur les vraies valeurs de M. Obama. Ce en quoi il croyait vraiment. Ses objectifs politiques profonds. Sa campagne électorale de 2008 était partie de l’extrême gauche écolo-progressiste pour finir au centre. Parvenu à la Maison Blanche il avait gouverné avec prudence. Repoussant certaines réformes promises comme la fermeture du centre de détention de Guantanamo, la mise en place de limites sur les émissions de gaz à effet de serre, la réforme de l’immigration et l’avancée des droits des homosexuels,  etc. Ce faisant il avait considérablement déçu sa base la plus militante.

Mais il avait aussi rassuré l’électorat centriste et indépendant. Car il avait besoin de cet électorat pour emporter un second mandat. Aujourd’hui c’est chose faite. Barack Obama é été réélu. Il ne peut plus se représenter. Il n’y a pas pour lui de "prochaine élection". C’est un homme libre. Débarrassé de toute pression politique. Il va agir en conséquence.

Sa place dans l’histoire est assurée. Barack Obama sera à jamais le premier "noir" président des Etats-Unis (en fait il est métis, mais sa communauté identitaire est la communauté afro-américaine – de plus aux Etats-Unis, notamment dans le Sud, les personnes ayant "du sang noir", même à petites doses comme les carterons et les octavions, étaient considérés comme  "noirs"). Il sera aussi le président qui aura introduit une couverture santé universelle dans un pays où une telle réforme semblait impossible.

Sa réélection valide cette place dans l’histoire. Quand un président n’est pas réélu, son mandat garde à jamais un parfum d’échec. George Bush père, Jimmy Carter ou plus avant Herbert Hoover partagent cette étiquette infamante.  Obama, au contraire, aura obtenu le maximum autorisé par la Constitution.

Il va donc désormais se consacrer à mettre à profit les années qu’il lui reste à la tête de l’exécutif américain pour faire avancer les programmes qui lui tiennent le plus à cœur. Et son discours d’investiture les a détaillés. "Nous devons maîtriser les nouvelles technologies, repenser notre gouvernement, réformer notre code fiscal, et réformer notre système scolaire… Nous devons prendre les décisions difficiles qui permettront de réduire le  coût de la santé et réduire notre déficit… répondre à la menace du changement climatique… emprunter le chemin qui mène à des sources d’énergies sûres et durables… embrasser la promesses des énergies génératrices des emplois et des industries de demain… Notre voyage ne sera pas achevé tant que nos épouses, nos mères et nos filles ne percevront pas un salaire égal à leur effort…  tant que nos frères et sœurs gay ne seront pas traités en égaux devant la loi… tant que nous n’aurons pas trouvé un moyen d’accueillir les immigrants, emplis de courage et d’espoir, qui voient en notre pays une terre d’opportunité… tant que les enfants des rues de Detroit, des collines des Appalaches, ou des voies résidentielles de Newtown, ne pourront pas aller et venir en toute sécurité…C’est la tâche de notre génération…Nous devons agir…"    

Impôts, immigration, armes à feu, mariage gay, réchauffement climatique et énergies renouvelables… cette énumération, est un condensé des revendications de l’aide gauche du parti démocrate. Des revendications qui ne sont pas nouvelles. Et qui ont toujours constitué un défi politique. Parce qu’elles divisent les Américains.  Ce sont même des "chiffons rouges" pour les Républicains et conservateurs.  

Le combat pour l’égalité des femmes, remonte aux années 1920. Une égalité certes garantie par la Constitution, mais, selon les féministes, niée dans la vie de tous les jours, notamment sur les salaires. Un 1972 un amendement constitutionnel fut voté par le Congrès, le ERA, "Equal Rights Amendment". Pour qu’il soit validé il devait être ratifié par 38 Etats au moins. Ce ne sera pas le cas et il sera abandonné en 1982. Ses partisans veulent le ressusciter  et Barack Obama vient de se ranger avec eux.

Maîtriser l’immigration, notamment clandestine, est un casse-tête. Les Etats-Unis possèdent une longue frontière terrestre avec le Mexique, difficilement contrôlable. La pression migratoire en provenance de l ‘Amérique centrale est forte et certains secteurs économiques américains comme l’agriculture, le bâtiment ou la restauration dépendent d’une main d’œuvre abondante et bon marché. Du coup les clandestins affluent et l’Etat octroye régulièrement des "amnisties" qui fonctionnent comme autant d’appels d’air…Ce fut le cas en 1986, ainsi qu’en  1997 et 1998.

Réglementer le commerce et la circulation des armes à feu n’a jamais fait baisser le nombre des homicides aux Etats-Unis. Ces règlementations multiples existent depuis 1968 (consécutives aux assassinats de Martin Luther King Jr et Robert Kennedy) et le nombre des homicides oscille toujours entre dix et quinze mille par an. Parce que dans plus de 90% des cas, ces meurtres sont commis  par des personnes ayant obtenu leur arme illégalement. Et parce que cette arme est, elle-même, dans 90% des cas, non pas un fusil d’assaut mais un simple pistolet. Les restrictions sur les armes sont donc perçues comme  une attaque contre un droit constitutionnel auquel les Américains sont très attachés, sans incidence réelle sur le problème des homicides, produit d’une forte criminalité.

Enfin s’attaquer au réchauffement climatique, en imposant  à l’industrie des règlementations supplémentaires visant, entre autres, à limiter les émissions de gaz à effet de serres, alors que les concurrents de l’Amérique – notamment les "BRIC" (Brésil, Russie, Chine et Inde) - ne font rien, est considéré par beaucoup  comme une forme de suicide économique. Un désavantage concurrentiel auto-infligé, vain face à un problème par nature "global"  et dont la réalité même et l’irréversibilité restent contestables…

Quant à une réforme des impôts, même si les Républicains l’appellent de leurs vœux, ils savent que sous une présidence Obama et en temps de crise budgétaire, elle n’ira pas dans le sens souhaité.

Face à un tel programme, ces Républicains ont, au moins, la satisfaction de voir le président avancer désormais sans masque.

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