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Travailleur intellectuel confiné cherche job de manoeuvre agricole : toutes propositions étudiées
©GUILLAUME SOUVANT / AFP

Grand bond en avant

Les journaux intimes de confinement qui nous parlent de la croissance des glycines seraient peut-être plus intéressants s'ils nous parlaient de la pousse du maïs. Et ils seraient certainement plus nourrissants.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Je ne comprends pas que l'on se marre à l'idée qu'on puisse nous suggérer d'aller faire le boulot des saisonniers étrangers dans le secteur agricole. 

Enfin, en réalité, je le comprends très bien, puisque nous sommes dans une dynamique sarcastique (à laquelle je prends d'ailleurs largement part) où toute initiative est immédiatement moquée au nom du "manque de moyens" comme si, dans un pays idéal, il suffisait de prendre plus à Truc pour donner davantage à Machin pour que tout fonctionne comme sur des roulettes en cas de pandémie ou de n'importe quel autre événement littéralement extraordinaire. Une sorte de communisme providentiel où la planification et l'impôt régleraient tous les problèmes (on a vu sous Mao et Staline où ces stratégies menaient : il n'y avait rien à bouffer et l'espérance de vie était médiévale).

En matière sanitaire, par exemple, et au-delà de la question conjoncturelle de la pénurie de masques et de gel, dont les raisons sont désormais connues et n'ont rien à voir avec une absence de financement, le discours dominant est que l'Etat ne dépense plus assez et fait volontairement crever l'hôpital en particulier et la médecine en général par souci morbide de rigueur budgétaire. Mais la France dépense pourtant davantage pour la santé que les pays que l'on cite volontiers en exemples ces jours-ci, Allemagne et Corée du Sud en tête -- pays dont les comptes publics sont incidemment mieux tenus que les nôtres (et ce n'est tout de même qu'à la fin de la crise que l'on saura qui s'en est effectivement le mieux tiré).

Dans le secteur agricole, donc, il manque des bras, on le dit, on rappelle que la bouffe, c'est aussi important que les soins, et l'on pourrait certainement applaudir les mecs qui conduisent des tracteurs avec autant de ferveur que les soignants depuis nos balcons.

Aller, quand on le peut, donner un coup de main sur le terrain, si l'on est en forme, coupé de son activité habituelle et pas trop à risque, ça n'est donc pas spécialement absurde à mon avis, sauf à considérer que là encore, il suffirait à Macron de taxer davantage Pinault pour que la bouffe vienne magiquement remplir les étagères des supermarchés. Moi même, enfermé dans mon appart et manifestement incapable de bosser sérieusement pour des raisons plus psychologiques que pratiques puisque le "télétravail" est mon mode normal de fonctionnement, je suis même en train de me demander si je ne me porterais pas mieux à m'activer dans un champ sous le soleil plutôt qu'à faire des statuts Facebook pour amuser la galerie et tuer le temps. D'autant plus que courir, marcher et faire du vélo me manque de plus en plus. 

Je vais jeter un coup d'oeil à cette affaire : je ne sais strictement rien faire, je n'y connais rien en patates, vaches et poulets, mais j'ai des bras. Si un agriculteur qui passe par là a besoin d'un manoeuvre, j'étudierai la proposition. Ma chronique quotidienne deviendra plus excitante que l'observation quotidienne de la croissance de mes glycines et ça fera plaisir aux nostalgiques des plans quinquennaux élaborés depuis le Kremlin : envoyer les intellectuels aux champs, c'était après tout l'une de leurs grandes priorités.

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