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 Quand Peter Thiel signe un nouveau contrat à 110 millions de dollars avec le Pentagone
©Capture d'écran // Axios

La Minute Tech

Palantir Technologie, le challenger américain du Big Data, vient de signer un juteux contrat de 110 millions de dollars avec le Pentagone. Cette opération devrait permettre à l'entreprise de traiter des millions de données concernant l'armée américaine, et son arsenal militaire.

Franck DeCloquement

Franck DeCloquement

Ancien de l’Ecole de Guerre Economique (EGE), Franck DeCloquement est expert-praticien en intelligence économique et stratégique (IES), et membre du conseil scientifique de l’Institut d’Études de Géopolitique Appliquée - EGA. Il intervient comme conseil en appui aux directions d'entreprises implantées en France et à l'international, dans des environnements concurrentiels et complexes. Membre du CEPS, de la CyberTaskforce et du Cercle K2, il est aussi spécialiste des problématiques ayant trait à l'impact des nouvelles technologies et du cyber, sur les écosystèmes économique et sociaux. Mais également, sur la prégnance des conflits géoéconomiques et des ingérences extérieures déstabilisantes sur les Etats européens. Professeur à l'IRIS (l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques), il y enseigne l'intelligence économique, les stratégies d’influence, ainsi que l'impact des ingérences malveillantes et des actions d’espionnage dans la sphère économique. Il enseigne également à l'IHEMI (L'institut des Hautes Etudes du Ministère de l'Intérieur) et à l'IHEDN (Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale), les actions d'influence et de contre-ingérence, les stratégies d'attaques subversives adverses contre les entreprises, au sein des prestigieux cycles de formation en Intelligence Stratégique de ces deux instituts. Il a également enseigné la Géopolitique des Médias et de l'internet à l’IFP (Institut Française de Presse) de l’université Paris 2 Panthéon-Assas, pour le Master recherche « Médias et Mondialisation ». Franck DeCloquement est le coauteur du « Petit traité d’attaques subversives contre les entreprises - Théorie et pratique de la contre ingérence économique », paru chez CHIRON. Egalement l'auteur du chapitre cinq sur « la protection de l'information en ligne » du « Manuel d'intelligence économique » paru en 2020 aux Presses Universitaires de France (PUF).

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Atlantico : Que pensez-vous de cette nouvelle victoire commerciale pour Palantir ? Que va-t-il se passer concrètement ? 

Franck DeCloquement :La signature de ce dernier contrat avec le Pentagone marque une nouvelle victoire stratégique pour Palantir. Très concrètement, Deloitte, Ernst & Young, Accenture ou encore Microsoft avaient tous répondu à ce nouvel appel d’offre mirifique de défense selon Bloomberg. Et c’est « Palantir Technologie »,  l’entreprise cofondée par Peter Thiel – l’inconditionnel partisan de Donald Trump – qui remporte la mise, et signe ce nouveau contrat à 110 millions de dollars sur quatre ans avec le Department of Defense (DoD). Autrement dit le Pentagone Américain. 

L’entreprise de Peter Thiel et d’Alex Karp spécialisée en analyse de données – orientée défense et renseignement – continue donc son ascension sans coup férir, avec cette nouvelle victoire commerciale d’une durée initiale d’un an. Un contrat portant cette fois sur l’intégration de plusieurs bases de données de l’armée américaine, que Palantir aura pour mission prioritaire d’intégrer sur une plateforme dédiée. Connectant ainsi ressources humaines, supply chains et d’autres systèmes opérationnels du Pentagone dans le but de désiloter les données opérationnelles, afin d'améliorer et d’optimiser l’agilité décisionnelle. Le but final recherché est ainsi de créer un véritable « Dashboard » (tableau de bord) commun aux différentes agences pour leur permettre de prendre les meilleures décisions stratégiques possibles, en se chargeant d’analyser plusieurs milliers d’ensembles de données contenant chacune des informations sur les soldats et les arsenaux militaires américains. Il s’agit en outre du premier volet d’un programme baptisé « Vantage », précédemment connu sous le nom de code « d’Army Leader Dashboard ». 

Même s’il ne s’agit pas encore là d’un montant astronomique, à l’image de celui engagé dans le projet de Cloud Computing « JEDI » (Joint Enterprise Defense Infrastructure) abondé à 10 milliards de dollars, c’est un gros coup et une somme très rondelette équivalente à un dixième des revenus de cette l’entreprise. Et ce n’est peut-être qu’un début pour Palantir Technologie quand on sait que la firme vise en effet d’autres contrats de défense avec l’armée américaine, pour un montant global estimatif d’environ 400 millions de dollars. Profitant en la circonstance des états d’âme des autres entreprises de la Tech, là où Google a abandonné son projet « Maven » avec le Pentagone sous la pression combinée de l’opinion publique et de ses propres salariés. Patriote convaincu, Peter Thiel ne manquant jamais une occasion d’étriller ses concurrents directs à l’occasion de certains meetings, fustigeant au passage leur réticence crasse à travailler en bonne intelligence avec le Pentagone, au service des priorités de la nation en matière de Sécurité Nationale. Pure hérésie selon lui… 

Depuis 2016, le milliardaire libertarien qui a construit sa première fortune avec Paypal et a cofondé la société d'extraction de données de Sécurité Nationale Palantir – a su établir des ponts ténus entre la mandature Trump et la direction de Facebook. Dans son discours lors de la convention du GOP à Cleveland en juillet 2016, Peter Thiel a ainsi fait valoir que Washington était brisé et que les démocrates étaient incompétents. Que les États-Unis avaient besoin d'un « constructeur » tel que Trump pour y remédier. Thiel a d’ailleurs fait partie de l'équipe de transition de Donald Trump, et a aidé celui-ci à organiser sa première réunion de président élu en 2016 avec des responsables technologiques, où il s'est assis à côté de Trump. Le chef de l'exploitation, Sheryl Sandberg, représentait à ce titre Facebook pour cette occasion. Par ailleurs, Michael Kratsios, qui occupait auparavant le poste de chef de cabinet du fonds d'investissement de Thiel, avait rejoint entre-temps l'équipe Trump en 2016. Il occupe désormais le poste de « American Chief Technology Officer ». Les choses ne sont que très rarement le fait du hasard dans le Big Business de la Tech anglo-saxonne. 

C’est exact. En mars dernier, et dans le cadre d’un contrat à plus de 800 millions de dollars, l’entreprise américaine de la Tech basée à Palo Alto, avait déjà été chargée par le Department of Defense (DoD), de refondre le « Distributed Common Ground System » de l’armée américaine. Ce système de renseignement répondant au doux nom de code « DCGS-A » permet en réalité de recueillir et d’analyser des données sensibles et du renseignement d’origine militaire, tous issus de plusieurs sources en rapport avec les menaces ennemies. Mais également des éléments géographiques ou de météorologie, dans le but de fournir au commandement des cartographies de situation très détaillées, et des rapports circonstanciés en temps réel. Le dispositif global ayant vocation à améliorer le combat dans des environnements très reculés, et particulièrement difficiles d’accès. Le système « DCGS-A » dont le coût sur dix ans s’élevait à la somme astronomique de 3 milliards de dollars, a dû faire face à de très nombreuses critiques de la part de certains membres du Congrès américain, mais également de l’armée elle-même. Des représentants de ces deux institutions

pointant notamment du doigt le prix exorbitant du dispositif général, pour des résultats opérationnels jugés beaucoup trop faibles en matière de pertinence et de précision du renseignement délivré. 

Fondé en 2004, Palantir a reçu depuis sa création plus de 2 milliards de dollars d’investissements, notamment du fonds américain géré par la CIA, In-Q-Tel. Celui-ci détiendrait aujourd’hui un peu moins de 5% du capital selon certaines sources. Palantir est valorisé à plus de 20 milliards de dollars. L’entreprise, qui a d’ailleurs enregistré un chiffre d’affaires proche du milliard de dollars en 2018  et a développé deux produits-phares en 15 ans. Les deux plateformes d’intégration de mégadonnées : « Gotham » et « Foundry ». La première est destinée aux organismes publics et la seconde aux entreprises du secteur privé. Deux puissants logiciels qui permettent de structurer et d’exploiter des millions de données pour en tirer le meilleur profit.

Les liens étroits qu’entretiennent les entreprises de haute technologie américaine et leur gouvernement sont-ils en train d'affaiblir le rôle de l'Etat ? L'armée américaine a-t-elle intérêt à accepter ce deal ?  

Un affaiblissement ? Certainement pas ! Nous avons bien au contraire affaire à un renforcement : l’Etat américain se veut stratège et avisé en toutes circonstances. Et l’armée des Etats-Unis est même l’une des principales architectes – et grandes bénéficiaires – de ce « New deal » technologique « gagnant-gagnant » – avec le secteur privé de haute technologie. Considérant qu’il était parfaitement inutile pour le Pentagone de « récréer la roue » à bourse déliée, il a été arbitré qu’il serait bien au contraire beaucoup plus efficace, malin et économe de « militariser » en quelque sorte la Silicon Valley à son propre bénéfice, que de tout refaire sortir de terre à nouveau. Et cela, sans aucune garantie de succès et d’efficacité – in fine – à l’arrivée. L’économie de moyens, de temps et d’argent ayant été jugés très substantielle en la circonstance compte tenu des visées stratégiques de cette affaire. 

En 2018, la presse américaine avait très tôt révélé que le très libertarien Thiel avait été grandement refroidi par les premiers temps de la présidence Trump, et qu'il considérait désormais en cela son administration comme aussi incompétente que la mandature d’Obama… Toutefois, sa relation personnelle avec le locataire de la maison blanche semble toujours être assez étroite pour qu’au moment même où Mark Zuckerberg devait témoigner devant le Congrès américain en octobre dernier, Peter Thiel ait organisé à son initiative un dîner avec le PDG emblématique de Facebook et le président Trump en personne. Thiel cultive à merveille la polémique et les controverses dont raffolent les médias, et demeure un conservateur convaincu au sein d’une industrie de la Tech américaine très largement acquise aux idées progressistes, pour le gros de la troupe. Le tout, dans un climat général porté sur le scepticisme et la défiance vis-à-vis des sciences du numérique et de leur impact général sur la société. 

Pour mémoire, Peter Thiel a d’ailleurs prononcé un discours très remarqué lors de la dernière conférence nationale du conservatisme à Washington, DC, le 14 juillet dernier, explicitant bien son point de vue. Pour l’occasion, il avait en outre attaqué frontalement le libéralisme en son point le plus faible, la « mondialisation », qui selon lui avait clairement échoué dans les registres conjoints de la paix et de la guerre. Tout comme ceux du commerce et de la diplomatie. L'Amérique étant moins bien lotie à ses yeux et bien moins sûre également, qu'elle ne l'était dans les années 1990. De son point de vue, les élites libérales du pays n'ont pas réussi à assurer le bon type de croissance économique pour l’Amérique. Échouant lamentablement dans le registre de la défense des intérêts supérieurs de la nation et du patriotisme. Au lieu de l’obtention d’une véritable amélioration de la situation générale du pays, Thiel considère bien au contraire que les progressistes américains sont insuffisamment éveillés aux enjeux véritables de l’économie actuelle, et les accablent de ne pas suffisamment aider les Américains à améliorer leur vie quotidienne en leur assurant un mode d’existence stable et pérenne. Rappelons aussi que cette année, Thiel avait aussi tiré à boulets rouges sur le géant Google (nous en avions parlé dans ici même, dans les colonnes d’Atlantico), laissant entendre que la firme géante – et concurrente de Facebook – avait été « infiltré par les services de renseignement chinois ». Rappelons également qu’il a été le premier investisseur extérieur de Facebook dès 2004, et siège en bonne place au conseil d'administration de l'entreprise californienne de Zuckerberg depuis 2005. Facebook fait aujourd’hui valoir que le rôle en son sein de Thiel « apporte la diversité idéologique nécessaire au conseil d’administration de l'entreprise ». Et la Silicon Valley bruisse de mille feux après qu’un rapport du Wall Street Journal ai dernièrement indiqué que le partisan de Trump est également l’un des promoteurs et des architectes clés de la politique de publicité politique de Facebook. 

Autrement dit, l'intermédiaire privilégié de la firme entre son siège social californien et les bureaux de la Maison Blanche à Washington. Les contempteurs de la neutralité politique de Facebook en font évidemment leurs choux gras…

Qu'en est-il en Europe ? Et en France ? Cette opération entre Palantir et le Pentagone peut-elle donner des idées en matière d’options stratégiques, à d'autres puissances comme la Chine par exemple ?

Palantir gérerait actuellement près de 1,5 milliard de dollars de contrats avec les agences fédérales américaines. Et ceci, sans compter ses divers partenariats avec des organismes publics étrangers. A l’image de la Direction générale de la Sécurité intérieure Française (DGSI), qui avait signé en 2016, aux côtés du service de renseignement intérieur et de la police judiciaire du ministère de l’Intérieur français, un contrat s’élevant à près de 10 millions d’euros. Une alliance qui n’avait pas manqué de surprendre les spécialistes, et de susciter de très nombreuses critiques dans les rangs des d’industriels, des milieux de la défense et des responsables politiques français. Tous dénonçant ouvertement ou sous le manteau, une perte patente de souveraineté compte tenu de cette sous-traitance des données sensibles du renseignement français. 

Fin novembre 2019, la DGSI a d’ailleurs renouvelé son contrat avec Palantir pour trois ans, avec une enveloppe budgétaire du même ordre que la précédente selon les chiffres estimatifs disponibles. Notons au passage que qu’Alexandre Papaemmanuel, ancien directeur « renseignement et sécurité intérieure » de la société Sopra Steria, qui œuvrait précédemment avec la Direction Générale de l’Armement (DGA) sur le projet de traitement massif de données baptisé « Artémis », mais aussi  Fabrice Brégier ancien directeur exécutif de groupe Airbus – et remplaçant de Thomas Enders jusqu'en février 2018 –, ont tous deux été recrutés dans l’interstice par la firme américaine pour le compte

 de sa la filiale française : « Palantir France ». Poursuivant sans ambages une politique de séduction offensive et de développement commerciale intensive ces dernières années, Palantir a tout particulièrement cherché depuis 2013 à multiplier ses contrats du côté du privé avec son logiciel phare bien connu des spécialistes : « Foundry ». Le géant américain du Big Data a ainsi signé des alliances avec des entreprises emblématiques telles que Fiat, le Crédit Suisse ou Sanofi. Mais aussi avec Airbus pour sa plateforme « Skywise » de mutualisation des données de production et d’exploitation des avions, afin de faciliter l’atteinte des objectifs de montée en cadence de son A350. Ses activités estimées avec le secteur privé représenteraient aujourd’hui près de la moitié du chiffre d’affaires de la société américaine.

En ce qui concerne l’Etat Chinois que vous citez dans votre question, il ne se prive pas d’accompagner ses entreprises nationales – voire même de les piloter par la bande –, quand de son côté l’Europe et la France tergiversent inlassablement comme à leur habitude sur le sexe des anges, en matière de souveraineté… Plus soucieuses en cela de garantir les apparences d’un prestige passé et leur magistère moral supposé, que de se sauver elles-mêmes par l’audace et l’action dans une géopolitique mondiale durcie et de plus en plus incertaine. Voire même cruelle et violente pour les nations faibles. 

La religion de Thiel est faite à ce sujet. Nulle naïveté pour ce qui le concerne. Il se veut être l’une des voies vers un nouveau conservatisme. Et il y aurait d’ailleurs beaucoup à prendre dans sa critique radicale de la rhétorique politicienne démocrate d'autosatisfaction. Par rapport à la Chine, Thiel considère l’Amérique encore trop faible pour donner vie aux innovations technologiques nécessaires à la survie de son pays. Et comme celles-ci sont aussi le moteur principal de la croissance économique – l'énergie motrice essentielle qui garantit le mode de vie américain – il s'agit d'un problème crucial de Sécurité Nationale. Nul doute que les conservateurs américains ont besoin de Thiel parce qu'il a une vision positive du gouvernement fédéral dans le rôle fondamental qu’il peut jouer en matière d’orientation des politiques industrielles et de recherches scientifiques. Sans parler de la façon dont il pourrait aussi stimuler et raviver les accents d’un conservatisme conquérant remontant au temps de la guerre froide, en matière de Sécurité Nationale. 

Beaucoup jugent aux Etats-Unis qu’avec un management tel que le sien aux commandes, et une vision stratégique et offensive aussi lucide, la NASA ne serait plus une simple bureaucratie en désuétude, mais pourrait remonter à l’apogée de son époque pionnière. La technologie ne s’égarerait pas dans la création vaine d’applications ludiques stupides, mais dans la conception de solution pour l'avenir. Fixant des objectifs stratégiques et pratiques dont on pourrait aisément juger de la valeur et du succès sur des bases objectives, afin de donner aux Américains de nouvelles voies de grandeur et de nouveaux avantages technologiques déterminants sur l’adversité. Plus remarquable encore chez Thiel, ce sont ses arguments très impactant vis-à-vis de la rhétorique de « l'exceptionnalisme américain », est du « pieux mensonge qu’entretiendrait le conservatisme lui-même sur la situation réelle du pays ». Cela rendrait à ses yeux les gens paresseux et vaniteux, tandis que les infrastructures s'effondrent, les concurrents internationaux menacent la suprématie technologique américaine et les élites du pays cachent le déclin général de la nation derrière des célébrations du progrès toujours plus pathétiques et théâtrales, alors qu'elles se retirent toute dans le même temps – et en catimini de la plèbe – dans des enclaves protégées « idéologiquement pures et riches » des villes intelligentes connectées… Un retour exprès en quelque sorte vers « un nouveau moyen Age ». La salve est sévère ! 

Si tant d'Américains se détruisent par les opioïdes, la consommation d’alcool au volant, la crise sanitaire de l'obésité, le manque criant de soins médicaux ou tout simplement le suicide, en quoi l'Amérique serait-elle encore exceptionnelle ? Que dire également des écoles défaillantes et de l’endettement étudiant proprement vertigineux pour une nation dite « libre » ? Au lieu d’un « exceptionnalisme trompeur », Thiel aspire plutôt à un « nationalisme compétitif » qui rendrait beaucoup plus ferme et critique les esprits et les cœurs, afin d’améliorer concrètement la réalité américaine autrement que par le truchement d’une sémantique idéologique éculée, ou la vaine rhétorique de l’autosatisfaction. C'est le véritable fondement de l'exceptionnalisme américain selon lui. Sa croyance aux droits naturels est également liée à la vision tocquevillienne de la capacité américaine d'autonomie gouvernementale, qui provient en droite ligne du fondement pré-politique de la véritable culture en Amérique : l’Art de l’association. Son caractère démocratique, son sens de l'égalité qui permet de se faire confiance et de travailler ensemble. Cela remonte aussi aux idées chrétiennes de communauté des croyants. De celles qui suggèrent qu'au mieux, tout un chacun peut encore être capables de combiner et d’articuler liberté et égalité, agir et délibérer, individualité et communauté. 

Thiel craint prioritairement que l'égalité soit presque toujours contraire à la liberté individuelle. Et l'exceptionnalisme américain exige notamment de défendre les avantages technologiques de la nation, car la guerre et la concurrence internationale avec d'autres régimes restent le problème central en Amérique. Cette réflexion devrait conduire à une vision du conservatisme américain – à la fois national et technologique – emprunte d’une promesse fondatrice de vie décente accessible à tous. Mais si Thiel plaide très bien pour la liberté individuelle, il n'a jusqu'à présent pas réussi à l’articuler dans ses enseignements, avec l'égalité qui remonte pourtant aux fondations mêmes de la politique américaine.

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