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Arabie-saoudite versus Qatar : quand le Tigre critique les griffes du Chaton…
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Alexandre del Valle revient sur l’ubuesque crise qui oppose le Qatar à l’Arabie-saoudite et ses alliés émiratis, bahreinis et égyptiens dans un double contexte de Fitna chiites-sunnites, de guerre Arabie sunnite/Iran et de désinformation américano-saoudienne pour faire croire que les Saoud-wahhabites pressés par Trump combattent un totalitarisme islamiste qu’ils ont créé…

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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Alexandre del Valle revient sur l’ubuesque crise qui oppose le Qatar à l’Arabie-saoudite et ses alliés émiratis, bahreinis et égyptiens dans un double contexte de Fitna chiites-sunnites, de guerre Arabie sunnite/Iran et de désinformation américano-saoudienne pour faire croire que les Saoud-wahhabites pressés par Trump combattent un totalitarisme islamiste qu’ils ont créé… L’occasion est aussi de justifier-pérenniser le cynique Pacte de Quincy qui unit Riyad et Washington depuis 1945, une alliance « contra-civilisationnelle » et funeste qui a contribué à répandre partout dans le monde musulman et en Occident le venin du salafisme.

Jeu de dupes et désinformation planétaire

Rappelons les faits : en réaction aux propos de l’émir du Qatar, cheikh Tamim Ben Hamad Al-Thani, qui a défendu un dialogue avec Téhéran puis justifié l’action du Hamas et le Hezbollah, financés par l’Iran chiite, bête-noire de l’Arabie saoudite, cette dernière et ses alliés émiratis, bahreinis et égyptiens, qui en veulent aussi depuis des années à l’émirat qatari de soutenir leurs ennemis frères musulmans et d’avoir appuyé les révolutions arabes, ont accusé Doha de « trahison » puis l’ont puni (boycott, fermeture des liaisons aériennes, suppression des relations diplomatiques, etc).

En rompant brutalement avec le Qatar, l’Arabie saoudite fait d’une pierre deux coups : elle se fait passer pour un allié fiable dans la lutte antiterroriste et anti-islamiste – ce qui est en soi ubuesque et digne d’une l’intox soviétique - et elle envoie un message au Qatar afin de le contraindre à rompre avec l’Iran et les Frères musulmans. En fait, on reproche non pas au Qatar de soutenir en soi des terroristes, puisque les Saoudiens les battent de très loin dans ce sport depuis des décennies, mais de soutenir certains terroristes frères musulmans actifs en Egypte et à Gaza, et d’une manière générale la Confrérie des Frères musulmans, bêtes-noires des Saoudiens, des Emiratis et de l’Egypte, non pas en raison de leur idéologie sunnite-islamiste, mais parce que la Confrérie inspire les seuls partis politiques islamistes « démocratiques » capables de mobiliser les masses et de gagner des élections, donc de renverser les dictatures militaires ou tribalo-monarchistes en place dans le monde arabe et qui ont été très secouées par les révolutions arabes, elles-mêmes récupérées par les Frères musulmans. Preuve que l’on ne reproche pas à Doha le principe d’un appui aux terroristes salafistes qui inspirent Da’esh ou Al-Qaïda mais simplement les ennemis des saoudiens et de leurs alliés, le Qatar, bien que sunnite-wahhabite comme les Saoudiens, est accusé d’entretenue de trop bons rapports avec l’Iran et donc l’Axe chiite (Hezbollah inclus), qui est aujourd’hui avec les Kurdes le pôle le plus engagé dans la lutte contre l’islamisme jihadiste de Da’esh et d’Al-Qaïda. Mais peu importe le réel, les mots sont essentiels, et le public berné est censé retenir de cette affaire que Riyad combat les islamistes soutenus par le Qatar, et l’opération de « com » est réussie, l’essentiel pour Trump étant de renforcer un front anti-chiite et de satisfaire l’Egypte, ses alliés du Golfe et Israël qui combattent plus les Frères musulmans et l’axe chiite pro-iranien, leur ennemi principal, que les salafistes-jihadistes jugés moins existentiellement dangereux pour le moment.

Rien de nouveau sous le soleil

Ces querelles entre frères wahhabites qatari et saoudien en désaccord sur l’Iran et les Frères musulmans sont loin d’être nouvelles. On se rappelle d’une précédente crise survenue entre l’émirat qatari et ses partenaires du Golfe en 2014, après que le Qatar ait exaspéré nombre de pays arabes par son soutien aux rebelles du « printemps arabe », notamment les partis et combattants frères-musulmans (via Al-Jazira, basée à Doha, les gazo-dollars et les armes), rebelles qui ont déstabilisé plusieurs pays et menacé les intérêts de la monarchie saoudienne, des Emirats et de l’armée égyptienne, d’où le coup d’Etat du maréchal Al-Sissi contre le frère-musulman pro-qatari Mohamed Morsi en 2013.

Cette fois-ci, la crise est plus grave et plus globale encore que celle de 2014, car elle est à replacer dans un double contexte : celui de la guerre économico-politico-religieuse qui oppose l’Arabie saoudite (« camp sunnite ») à l’Iran (« axe chiite »), puis celui de la nouvelle stratégie pro-saoudienne, anti-iranienne et anti-terroriste de Donald Trump, qui s’est rendu récemment en Arabie en apportant son clair soutien à l’Axe pro-saoud-sunnite, à la fois hostile à Téhéran et aux Frères musulmans, ceci en rupture avec la politique de Barak Obama qui s’était rapproché de l’Iran au grand dam de Riyad. La venue récente de Trump en Saoudie - très populaire en Arabie saoudite pour cette raison et fort de ses propos de campagne très hostiles à l’Iran et aux accords sur le nucléaires conclus sous Obama - a contribué à déclencher cette crise qui couvait déjà, sachant que le nouveau président américain, conscient que son soutien total aux Saoud-wahhabite déconcerte une partie de son propre camp anti-islamiste, a assorti son appui d’une demande expresse aux Saoudiens et à leurs alliés de faire plus pour combattre l’islamisme radical, le terrorisme et son financement.

A cet égard, les attentats islamistes commis en Occident ces derniers mois avant et après la visite de Donald Trump ont une fois de plus relancé le débat sur le soutien problématique de l’Arabie saoudite à moult groupes islamistes radicaux et en général à la mouvance salafiste mondiale. Adepte à la fois des deals fondés sur les rapports de forces et d’un pragmatisme dépourvu de moralisme qui s’accommode de dictatures si tant est que celles-ci soient « alliées », Trump a témoigné un énorme respect, presqu’exagéré, envers l’Arabie saoudite, pays-phare du totalitarisme islamiste sunnite  qui a été présenté par lui comme le nouveau centre, avec les Emirats et l’Egypte du Maréchal Al-Sissi, d’un axe anti-terroriste mondial adepte d’un islam « modéré »... Certes, on croit rêver, mais ce jeu de mensonges et de dupes repose sur des intérêts économico-stratégiques qui pèsent bien plus lourds, pour les stratèges états-uniens et trumpistes, que les quelques « dommages collatéraux » que sont les attentats jihadistes commis par des jeunes fanatisés dont l’idéologie salafiste doit tout au wahhabisme. Rappelons seulement que dans le cadre de la promotion de cette forme la plus extrême, totalitaire, obscurantiste, raciste et misogyne de l’islam sunnite, qui a littéralement défiguré le monde musulman depuis qu’elle contrôle les lieux saints de l’islam, l’Arabie saoudite et sa Ligue islamique mondiale, qui a pignon sur rue dans nos propres démocraties, ont dépensé depuis les années 1970 plus de 75 milliards de dollars. Certes, cette promotion du salafisme n’est pas ouvertement terroriste et est souvent assortie, dans sa version « institutionnelle », d’une condamnation la barbarie de Da’esh ou AL-Qaida, mais elle légitime une vision du monde bédouine, haineuse envers les « mécréants », sanguinaire et totalitaire dont s’inspire le salafisme-jihadiste. Par ailleurs, on ne rappellerajamais assez qu’Al-Qaïda est historiquement une « joint-venture » pakistano-saoudienne et que les services secrets d’Arabie saoudite ont financé et armé de nombreux groupes jihadistes depuis la guerre d’Afghanistan contre l’Armée rouge jusqu’aux guerres en Irak, en Syrie ou au Mali.

Contradiction, schizophrénie géopolitique ou double-triple jeu ?

Ainsi, à ceux qui disent que l’alliance scellée entre l’Arabie, les Emirats, l’Egypte et l’Amérique à Riyad (où les dirigeants de ces pays se sont engagés à « combattre l’extrémisme islamiste »), est une alliance contradictoire entre des Saoud-wahhabites promoteurs du salafisme et une Egypte de Sissi qui combat l’islamisme radical et soutient le nationaliste Haftar en Libye contre les islamistes, il faut répondre que l’adage « l’ennemi de mon ennemi est mon ami » est particulièrement vérifiable au Moyen-Orient. Il est vrai que l’étrange « Travel Ban » de Trump, qui a consisté à bannir les réfugiés et ressortissants de plusieurs pays musulmans pour se « protéger de l’islamisme terroriste » tout en en exonérant le Pakistan, le Qatar ou l’Arabie saoudite, a de quoi faire sourire ou s’arracher les cheveux. D’une manière générale, la mauvaise farce qui consiste à prétendre combattre l’extrémisme islamiste, Da’esh, Al-Qaïda et l’Iran-révolutionnaire-chiite depuis le centre mondial salafiste qu’est l’Arabie saoudite, est une véritable imposture intellectuelle et stratégique qui ne peut duper que les plus ignorants des électeurs de Trump ou autres « idiots-utiles » occidentaux. Cette étrange façon de lutter contre le fanatisme en adoubant ses pires promoteurs a laissé bouche baie tous les spécialistes de la lutte anti-terroriste et anti-islamiste. Toutefois, Donald Trump est probablement plus cyniquement paradoxal que dupe dans cette affaire, car il a clairement « responsabilisé » ses alliés wahhabites obscurantistes en les appelant à lutter plus efficacement contre le terrorisme et le financement de l’islamisme radical. Et la nécessité impérieuse de donner des gages de sérieux dans cette lutte a été une formidable occasion pour les Saoudiens de redorer leur blason à bon compte en tapant sur le petit Etat voisin accusé d’extrémisme mais en réalité pas aussi fanatique que l’Arabie saoudite. En fin de compte, ce que l’on reproche réellement aux Qataris c’est de fragiliser les dictatures arabes en place par le soutien aux Frères musulmans, dont le Hamas pro-iranien, et aux rebelles tous-azimuts depuis le printemps arabe.

Une formidable opération de désinformation planétaire et d’hypocrisie géopolitique

L’Arabie saoudite fait de la sorte d’une pierre deux ou trois coups : se dédouaner en dénonçant le Qatar ; renforcer le pôle anti-iranien soutenu par les Etats-Unis de Trump ; discréditer les forces qui menacent sa dictature totalitaire. Ne soyons pas dupes, l’Arabie saoudite, qui fut à de nombreuses reprises dénoncée comme l’Etat le plus impliqué dans la promotion de l’idéologie islamiste-sunnite radicale dans le monde et même dans le soutien direct ou indirect à moult groupes terroristes et combattants depuis l’Afghanistan et le 11 septembre 2001 jusqu’à aujourd’hui, a très peur que ses alliés anglo-saxons, américains et anglais, ne lui demandent à nouveau des comptes et ne la démasquent dans son persistant double jeu, comme on l’avait vu en réaction aux attentats du 11 septembre 2001 après que l’on ait découvert que 14 des 19 terroristes du World Trade Center étaient des Saoudiens dont au moins deux aidés directement par des organismes islamiques paraétatiques saoudiens. La rupture très médiatisée avec la voisin et petit-frère wahhabite-qatari arrive donc à point nommé pour faire croire aux alliés américains et au monde que le Gardien des Lieux saints et du wahhabisme-salafiste aurait « changé », qu’il serait même devenu le fer de lance de cette offensive diplomatique «anti-terroriste» et contre l’islam politique en général.

Le train qui en cache un autre

Aussi, le fait de dénoncer les Frères musulmans pour faire croire que l’on est anti-islamiste est une véritable escroquerie intellectuelle de la part de Riyad, car chacun sait que les Frères musulmans, longtemps réfugiés en Arabie lorsqu’ils étaient combattus sous Nasser en Egypte, ont été aidés financièrement et appuyés géopolitiquement et idéologiquement par l’Arabie saoudite de façon officielle, y compris via la Ligue islamique mondiale, ceci partout dans le monde. En réalité, la rupture date des années 1990, depuis que les Frères musulmans - modèle islamiste sunnite le plus subversif -, ont commencé à représenter une menace politique en Arabie saoudite. En effet, les Frères y sont perçus comme un islam politique bien plus menaçant pour la monarchie saoudienne - foncièrement inégalitaire et anti-démocratique -, que le salafisme-wahhabite pur et dur, hostile à toute forme de démocratie et d’élection. Les Frères ont certes une matrice religieuse-doctrinale commune (salafiyya) avec les wahhabites, mais ils diffèrent en ce sens qu’ils sont moins obsessionnellement anti-chiites, plus populaires plus libres, plus favorables aux élections et surtout hostiles au pouvoir monarchique pro-américain en place dans la péninsule entièrement sécurisée par les armées occidentales. L’Arabie saoudite veut donc à la fois plaire aux alliés anglo-américains-occidentaux, et surtout régler ses comptes avec un pays qui appuie une organisation séditieuse sur son territoire.

Le principe du bouc-émissaire-épouvantail

La crise Arabie saoudite versus Qatar relève ainsi de la plus formidable opération de désinformation et de manipulation diplomatico-médiatique mondiale de l’histoire de la lutte anti-terroriste depuis des décennies. Grâce à cette crise, qui consiste à diaboliser le bouc-émissaire qatari et dénoncer la paille islamiste dans l’œil de son voisin afin de cacher la poutre qui se trouve dans le sien, Riyad, qui a promis tant de contrats économico-pétroliers et financiers à l’administration Trump, espère que les  Etats-Unis, les opinions occidentales et la Première ministre britannique Theresa May (qui avait refusé d’ouvrir un dossier compromettant contre les Saoudiens), très remontée depuis les attentats de Londres, Westminster et Manchester, renonceront à dénoncer le double ou triple jeu des autorités saoudiennes (aide aux jihadistes anti-occidentaux ; promotion partout du salafisme fanatique, mais lutte contre les Frères musulmans et alliance avec les pays de l’OTAN et participations massives dans l’ économie anglosaxonne et occidentale). Du côté des Etats-Unis du cynique « dealer » Trump et de son équipe qui a réhabilité l’alliance occidentalo-sunnite contre la révolution iranienne chiite, l’idée est que cette incroyable intox planétaire d’un Riyad qui combat l’extrémisme permette de faire passer la pilule dans l’opinion publique occidentale et de dévier son attention vers les seuls épouvantails-expiatoires qatari et iranien, accusés d’être les seuls « vrais » soutiens des terroristes via le Hamas et le Hezbollah et autres combattants en Syrie.

Accusations-miroirs et contre-messages : « ne faites pas ce que je fais » !

En fait, l’Arabie saoudite escompte ainsi continuer à promouvoir son modèle salafiste-wahhabite partout dans le monde afin d’assoir son emprise sur l’ensemble du monde musulman - devenu de plus en plus fanatique sous son influence depuis plus de 50 ans - puis de renforcer l’axe anti-iranien et anti-chiite. Dans cette guerre par interposition entre Téhéran et Riyad, les plus violents foyers d’affrontement sont bien entendu la Syrie, le Yémen, et l’Irak, où Riyad soutient le gros des effectifs combattants anti-chiites et salafistes ou sunnites, aux côtés des Occidentaux et parfois de la Turquie et même de l’allié-ennemi qatari... Rappelons tout de même que dans le cadre de sa guerre extrêmement meurtrière contre les rebelles chiites-salafistes au Yémen, l’Arabie saoudite a épargné à plusieurs reprises des zones tenues par Al-Qaïda, en vertu de l’adage « l’ennemi sunnite de mon ennemi chiite est momentanément mon ami »… On sait aussi que si l’Arabie accuse le Qatar de soutenir les Frères musulmans -dont le Hamas palestinien qui lutte contre Israël - elle soutient également, face aux chiites au Yémen, l’islamisme politique des Frères musulmans exactement comme le fait le Qatar ! Le message est donc le suivant: « ne faites pas ce que je fais »… Grosso modo, le message subliminal de Riyad participe de l’idée selon laquelle: «Je fais croire que je lutte contre le terrorisme en accusant le Qatar d’être son bailleur de fonds, ce qui me permet de faire encore plus en faveur d’islamistes encore plus radicaux…».

Des alliances pas si paradoxales qu’il n’y paraît

Quant à l’alliance Arabie-saoudite-Egypte-Emirats, elle s’explique, à défaut de paraître idéologiquement cohérente. Monsieur Abdelfattah al-Sissi [le président égyptien] est au centre de la lutte contre les Frères-musulmans avec les Emirats arabes - qui coopèrent depuis plusieurs années déjà, notamment en Libye. Il y a une position commune des Emirats, de l’Arabie et de l’Egypte pour contrer la subversion « islamo-démocratique » des Frères. Rien de nouveau là-dedans. Certes, certains Etats anti-Frères sont plus cohérents et sérieux que d’autres dans cette guerre idéologico-sécuritaire contre la Confrérie des Frères musulmans, notamment les Emirats Arabes Unis, le général Haftar en Libye, et l’Egypte du très nationaliste al-Sissi. L’Arabie saoudite ne l’est quant à elle pas du tout, car elle incarne le double jeu du « Tigre wahhabite qui dénonce les griffes du chaton islamiste qatari». En réalité, même si les Saoud le voulaient, L’Arabie parrain du wahhabisme est un « Etat schizophrène » par nature, et ceci depuis sa naissance même. En effet, la main « modérés » anti-terroriste des pragmatiques Saoud (et soudairi actuellement aux commandes politiques) , ignore la main fanatique-wahhabite institutionnelle du pouvoir théocratique de la secte des Al-Sheikh qui est un Etat dans l’Etat et promeut le totalitarisme islamiste en toute légalité avec des moyens budgétaires quasiment hors contrôle. En fait, cet Etat bicéphal n’est pas un vrai Etat au sens où on l’entend en Occident, mais plutôt une polyarchie clanico-sectaire fondée sur une alliance cynique entre une tribu pro-occidentale, les Saoud-soudairi, et la secte des Wahhabites-Al-Sheikh. Même si certains Al-Saoud et Saoud-soudairi comme Salmane voulaient réellement lutter contre le totalitarisme islamiste, il ne pourraient pas le faire car le pouvoir politique saoudien n’a pas la possibilité et le droit de réprimer et limiter celui, théocratique des dignitaires wahhabites, créateur, précurseurs, parrains idéologiques, et bras institutionnels et financiers du totalitarisme islamiste sunnite. 

En guise de conclusion 

La crise avec la Qatar ne durera pas. Elle est grave, mais comme celle de 2014, elle se soldera par des professions de foi « modérées » de Doha, par l’expulsion de militants et leaders fréristes actuellement soutenu par le Qatar, par un arrêt de l’aide au Hamas, aux Frères musulmans, par un refroidissement avec Téhéran, bref, Doha devra tôt ou tard faire amande honorable et rentrer dans le rang. Ce petit émirat a trop besoin de ses voisins et de rétablir les liaisons aériennes directes avec l’extérieur pour nourrir sa population à 90 % composée d’expatriés. Le modèle économique et social ouvert de l’Emirat ne lui permettra pas de résister longtemps à ses voisins et « alliés » sunnites, membres comme lui du Conseil de Coopération du Golfe (CCG). Le but réel des Saoudiens, qui se veulent les leaders de l’axe sunnite face à l’axe chiite-iranien, des Egyptiens, qui livrent une guerre totale contre la confrérie de l’ex-président Morsi, et des Emirats arabes unis, qui n’ont jamais digéré l’indépendance du Qatar qui aurait dû faire partie des EAU, est de contraindre Doha à faire profil bas et à ne plus s’immiscer dans les affaires des autres. L’ordre intimé aux dirigeants qataris de faire profil bas. S’ils ne veulent pas être brisés par plus forts qu’eux, ils doivent et vont finir par comprendre que leurs réserves gigantesques de gaz ne font pas de ce pays de 200 000 habitants une vraie puissance. Le « soft power » qatari, symbolisé par le PSG, Al-Jazeera, la Coupe du monde de Football en 2022, ou le soutien aux Frères musulmans et aux révolutions arabes contre les régimes en place, a touché à ses limites extrêmes. Leur mégalomanie géopolitique s’est retournée contre eux. Et leur punition permettra au grand-frère wahhabite saoudien de se refaire une virginité anti-islamiste à bon compte.

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