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Manuel Valls fort chez les jeunes, Emmanuel Macron fort chez les vieux, cet étrange écart générationnel qui sépare les dauphins de François Hollande
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Parmi plusieurs personnalités politique à gauche, Emmanuel Macron et Manuel Valls arrivent en tête de celles qui seraient choisies par les Français au 1er tour de la présidentielle de 2017 s'ils étaient candidats, selon un sondage Ifop-Le JDD. Avec des disparités générationnelles importantes d'un candidat à l'autre cependant.

Frédéric Dabi

Frédéric Dabi

Frédéric Dabi est directeur général adjoint de l'Ifop et directeur du pôle Opinion et Stratégies d’entreprise.

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Atlantico : Dans un sondage Ifop-Le JDD paru ce dimanche, Emmanuel Macron apparaît comme le candidat le plus plébiscité chez les 65 ans et plus (44%), tandis que la popularité de Manuel Valls est la plus forte chez les 18-24 ans (44%). Le ressort de l'opposition entre les deux hommes serait-il donc essentiellement générationnel ? Comment expliquer cette fracture ? 

Frédéric DabiManuel Valls et Emmanuel Macron ont le potentiel électoral le plus élevé aux deux extrêmes contraires du spectre générationnel. Il convient d’être prudent sur la génération  des moins de 25 ans où l’échantillon est plus petit que celui pour les 65 ans et plus. Il convient également de se demander s’il y a réellement rivalité entre les deux hommes. Certains disent oui, si l’on reprend certaines déclarations de Valls qui parle notamment de "l’égoïsme" de certains. A partir de là, il est facile de construire cette mythologie de la rivalité. D’un point de vue sondage et politique, cette place centrale de Macron dans l’univers politico-médiatique, pourrait peut-être, au final, rendre service à Manuel Valls par les prises de position très transgressives de Macron qui remettent ainsi Manuel Valls au centre de gravité du peuple de gauche et de ses attentes. Ceci peut donc lui être profitable dans une stratégie post-2017.

Je pense qu’il faut minorer cette fracture générationnelle, même si elle est réelle. Auprès des moins de 35 ans, cette fracture n’existe pas. Aussi bien la tranche des 18-24 ans que celle des 25-34 sont à égalité. Chez les personnes plus âgées, il y a effectivement un véritable plébiscite pour Emmanuel Macron. Mais est-il vraiment générationnel, ou bien plutôt politique ? Je pense qu’il est plutôt politique. Les 65 ans et plus constituent le cœur de cible de l’électorat de droite. On connait le ressort de la popularité des personnalités politiques dans l’opinion publique si l’on prend notre dernier sondage Ifop-Fiducial pour Paris-Match paru ce matin : le niveau de popularité le plus élevé pour Emmanuel Macron s’exprime chez les 65 ans et plus (70%). Manuel Valls, lui, atteint un score de 57% pour cette tranche d’âge. Si l’on considère maintenant les –moins de 25 ans, Manuel Valls réalisé un très bon score (54%) quand Emmanuel Macron est très en-dessous de sa moyenne, avec 43%. Je pense qu’il y a là un double effet politique : le score relativement faible de Valls chez les plus âgés relève d’un mécontentement de ce segment générationnel votant massivement  à droite ; l’impopularité de l’exécutif, surtout de François Hollande, et dans une moindre mesure de Manuel Valls, est fortement exprimée par cette population. Le score de Macron chez les plus jeunes traduit le sentiment chez eux qu’Emmanuel Macron n’est pas véritablement un homme de gauche, à cause notamment de ses prises de position souvent en faveur du patronat (la mise en avant notamment des difficultés des chefs d’entreprise au détriment de celles des salariés). Les –moins de 25 ans sont l’une clientèles électorales traditionnelles de la gauche ; c’est sur ce segment d’ailleurs que François Hollande réalise son meilleur résultat de popularité. On pourrait donc considérer cette double sanction.

Il y a un chiffre qui m’a tout particulièrement frappé : chez les sympathisants des Républicains, le « oui, certainement » est estimé à 10% pour Macron, quand il est de l’ordre  de 3 ou 4 % pour Valls. Le clivage générationnel recoupe en réalité un clivage partisan. 

Source : Ifop- Le JDD

N'est-il pas étonnant que Manuel Valls soit le plus plébiscité par l'électorat jeune (18-24 ans) alors qu'il est l'un des principaux défenseurs du projet de loi El Khomri, contre lequel des jeunes manifestent depuis plusieurs semaines ? Quels sont les moteurs politiques permettant d'expliquer cette popularité de Manuel Valls au sein de la jeunesse ?

Il faut encore une fois être très prudent. En termes de popularité, nous sommes sur le même mouvement : dans le sondage Ifop-Fiducial pour Paris Match, Valls est à 54 % chez les moins de 25 ans. En revanche, chez les 25-34 ans, la génération de l’insertion comme je l’appelle, sa position est beaucoup plus fragile. Cette tranche d’âge est beaucoup plus critique sur la politique de l’emploi du gouvernement, et notamment donc sur le projet de loi El Khomri ; c’est d’ailleurs dans cette tranche d’âge que le score d’Hollande est le plus faible dans le baromètre Ifop-Le JDD.  N’oublions pas également que c’est la catégorie où le FN a été au-dessus de sa moyenne. Lorsque l’on regarde la catégorie globale des moins de 34 ans, on constate que Macron rattrape son retard sur Valls ; ils sont quasiment à 1 point de différence.  

Dans les questions ouvertes, soit les verbatim du baromètre Ifop-Le JDD où les personnes s’expriment, on remarque davantage une appréciation de la personnalité de Manuel Valls depuis son arrivée au gouvernement ; en revanche du côté de son action, ça pêche plutôt. Aussi bien chez les – de 25 ans que les plus de 65 ans, on est plus sur l’incarnation, l’image personnelle de Valls basée sur l’autorité et l’énergie. Tout en étant prudent dans la comparaison, c’est un peu ce que l’on avait avec Nicolas Sarkozy : l’énergie, la détermination, le volontarisme, etc. Les autres tranches d’âge sont les plus critiques quant à l’action de Manuel Valls, notamment sur la déchéance de nationalité - qui n’est pas considérée comme une mesure de gauche - ou bien encore sur le projet de loi El Khomri et la politique économique d’une manière générale. 

Source : Ifop- Le JDD

Comment expliquer le paradoxe d'un Emmanuel Macron, symbole du renouveau politique alors que la frange de l'électorat qui lui est le plus favorable est aussi la plus âgée ? Cette situation paradoxale ne peut-elle pas également s'illustrer par les scores importants de Bruno Lemaire auprès des plus de 65 ans ?

Effectivement. En termes d’image, Emmanuel Macron incarne le renouveau, venant et souhaitant bousculer le sérail d’un système à bout de souffle, ce qui explique sa popularité appréciable chez les moins de 34 ans. Pour l’électorat de droite chez qui Emmanuel Macron fait de très bons scores, celui-ci est vu comme un ovni et non pas comme une personnalité de gauche même s’il se revendique ainsi. C’est peut-être là la force d’Emmanuel Macron : rassembler des personnes des deux rives du champ politique,  bien que cette tendance puisse changer dans les mois à venir. Ce qu’il faut surveiller, c’est le fait que le levier majeur de popularité se fait auprès de l’électorat ou de sympathisants périphériques de l’électorat de gauche. Pour reprendre les chiffres du baromètre Ifop pour Paris Match, Emmanuel Macron fait 48% chez les sympathisants de gauche et 64 % chez ceux du PS ; mais ses deux meilleurs scores sont réalisés chez les sympathisants de l’UDI (74%) et des Républicains (71%). 

Source : Ifop- Le JDD

Source : Ifop-Fiducail pour Paris-Match

Propos recueillis par Thomas Sila

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