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​Qui bénéficiera des mobilisations contre l’accueil des migrants en 2017 (indice : pas forcément ceux qu’on pourrait croire) ?
©Reuters

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Pour pouvoir démanteler la jungle de Calais, le gouvernement a décidé la mise en place de Centre d'Accueil et d'Orientations (CAO), répartis dans la presque totalité des communes de France (à l'exception, notamment, de l'Île-de-France et de la Corse). Néanmoins, la solution prônée par le gouvernement n'est pas au goût de tous les habitants, ni de tous les élus.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Face à la dégradation de la situation humanitaire et sécuritaire à Calais, le gouvernement a annoncé au début du mois de septembre un plan d’envergure qui consiste en un démantèlement de la fameuse jungle et une répartition de ses plusieurs milliers d’habitants dans différents Centres d’Accueil et d’Orientations (CAO) qui seront implantés sur tout le territoire national. Afin de tenter de limiter les polémiques, la répartition géographique des CAO s’est faite en tenant compte de critères objectifs que sont le poids démographique de chacune des régions et le nombre de demandeurs d’asile déjà présents sur place. C’est au regard de ce critère que l’Ile-de-France, qui doit elle aussi faire face à un afflux important de migrants ces derniers mois dans l’Est parisien, ne s’est pas vue attribuer de CAO. Une autre région, la Corse, échappe à ce dispositif. L’argument officiel qui a été avancé est l’éloignement géographique avec Calais, et le coût d’acheminement des migrants sur place. Mais l’on peut penser que le climat tendu régnant sur l’Ile de Beauté avec une très forte augmentation des actes anti-musulmans ces derniers mois et les violences dans le quartier des Jardins de l’Empereur à Ajaccio en décembre 2015 et à Sisco et Bastia cet été a fait craindre aux pouvoirs publics des réactions violentes en cas d’annonces de la création de CAO sur l’île…

Des réactions d’opposition parfois violentes, ont eu lieu sur le continent. A Forges-les-Bains, dans l’Essonne, un bâtiment appartenant à la mairie de Paris et devant accueillir des migrants séjournant actuellement dans les campements parisiens, a fait l’objet d’un incendie manifestement volontaire. A Saint-Brévin-les-Pins, en Loire-Atlantique, un centre de vacances du comité d’entreprise d’EDF réquisitionné pour être transformé en CAO a été la cible de coups de feu après qu’une manifestation rassemblant plusieurs dizaines d’opposants eut été organisée quelques jours plus tôt. Un autre centre de vacances EDF, lui aussi destiné à accueillir des migrants essuya plusieurs coups de feu dans la nuit du 5 au 6 octobre à Saint-Hilaire du Rosier en Isère. Des manifestations ont également eu lieu à Allex dans la Drôme,à Trégunc dans le Finistère et à Louveciennes dans les Yvelines, où un millier de personnes se sont rassemblées le 2 octobre pour elles-aussi protester contre l’annonce de l’ouverture d’un CAO dans leur commune.  

1. Le syndrome de Calais

Si les élus locaux et une partie des habitants disent contester la méthode employée qui n’a laissé aucune place à la concertation, les préfets prévenant seulement quelques temps avant l’arrivée des premiers migrants les communes concernées, des raisons plus profondes sont à l’origine de ces oppositions locales parfois très vives. Parmi ces raisons, la crainte de voir se développer dans sa ville ou son village une situation comparable à celle existant à Calais joue un rôle central. La puissante mobilisation qui a réuni plusieurs centaines de personnes à Louveciennes, mêlant à la fois des habitants de cette commune mais aussi des environs, s’est notamment appuyée sur le parallèle fait avec Calais. Les opposants ont souligné que le terrain vague qui était envisagé pour la construction d’un centre d’accueil faisait exactement la même superficie que la jungle de Calais (24 ha), et même si ce centre n’est prévu que pour héberger 200 personnes, la topographie des lieux, en bordure de l’autoroute A13, laisse craindre la création d’un très grand bidonville au cœur d’une zone très résidentielle. C’est d’ailleurs principalement cet argument d’une multiplication des "jungles" que les présidents de régions qui se sont mobilisés contre le plan gouvernemental ont utilisé. Laurent Wauquiez a ainsi martelé son opposition catégorique à ce plan qui selon lui va "multiplier des Calais partout en France" pendant que Christian Estrosi envoyait un communiqué de presse dans lequel on pouvait lire : "Non à la création de micro-jungles de Calais dans nos régions" et qu’Hervé Morin déclarait au Monde "Je ne compte pas participer à la création de mini-Calais sur les côtes normandes (1)". Ce syndrome de Calais a marqué les esprits et les évocations négatives et anxiogènes associées à la sous-préfecture du Pas-de-Calais sont aujourd’hui très répandues dans la population. Natacha Bouchard, maire Les Républicains de Calais, se plaint de longue date que l’image de sa ville ait été abîmée, le dégât d’image est encore plus grave aujourd’hui dans la mesure où Calais est passé dans le langage courant comme synonyme et symbole des problèmes et tensions associés à la crise migratoire.

Les violences et les problèmes rencontrés à Calais s’expliquant d’abord par la situation géographique de cette ville, porte d’entrée vers l’Angleterre où les migrants souhaitent se rendre coûte que coûte, la crainte de voir se développer de mini-jungles autour de CAO, qui ne recevront chacun que quelques dizaines de migrants (voire 100 ou 200 au maximum en même temps) n’est objectivement pas fondée. Pour autant, cette inquiétude est au cœur du discours des opposants comme l’illustre par exemple les propos d’Olivier Soubeyrand, membre du Collectif citoyen d’Allex, opposé au CAO : "Nous tenions à souligner que les problèmes qui se posent à Calais depuis des années (insécurité, agressions, vols, commerces parallèles, viols, prostitution, dégradations, incivilités, attaques de personnes, attaques de véhicules, destructions de cultures, etc) n’ont pas à être importés ici" (2).

2. Menace terroriste et insécurité culturelle

Cet opposant au  CAO d’Allex avançait également d’autres arguments que l’on retrouve ailleurs : "L’Etat socialiste en perdition impose et amplifie l’insécurité au maximum en éparpillant les clandestins de territoires musulmans parmi lesquels s’infiltrent des terroristes". Arrêtons-nous sur différents termes employés qui sont tous assez significatifs. Il est d’abord question d’un Etat en perdition. Par-delà le jugement de valeur vraisemblablement assez partisan, on retrouve ici l’idée d’une perte de contrôle de la part des pouvoirs publics, idée très présente dans les commentaires sur la crise migratoire qui aurait débordé les Etats en Méditerranée comme à Calais, où la situation serait devenue hors de contrôle. Dans l’esprit de ces opposants, au lieu d’essayer de reprendre la main, les pouvoirs publics dissémineraient le problème sur tout le territoire étendant ainsi le chaos. C’est cette notion que l’on repère dans l’emploi du verbe "éparpiller" et qui était par exemple  présente dans la bouche de Nicolas Sarkozy qui parlera également d’une "dissémination" des migrants partout en France lors de son passage à l’Emission politique de France 2 le 15 septembre.

Mais cet effet de dissémination anticipé par les opposants serait d’autant plus grave qu’il aboutirait non seulement à la multiplication de mini-Calais mais aussi à la présence dans de nombreux lieux d’un public de confession musulmane et potentiellement terroriste. L’insécurité culturelle se mêle ici au risque terroriste et l’on voit alors que l’installation de migrants condense le spectre de la création de mini-jungles façon Calais, la crainte d’une islamisation accélérée du territoire et le syndrome du cheval de Troie terroriste. Cette inquiétude d’une infiltration terroriste, qui était déjà présente dès le déclenchement de la crise des migrants, a été encore amplifiée au lendemain des attentats du 13 novembre dont plusieurs des auteurs, d’après les investigations policières, s’étaient mêlés aux flots de migrants pour pénétrer en Europe. Ce risque a encore été confirmé par les deux attaques terroristes perpétrées en Allemagne cet été par des migrants récemment arrivés dans le pays et par les interpellations dans plusieurs villes allemandes de Syriens, qui projetaient de commettre des attentats. Le téléscopage de ces informations nourrit l’inquiétude et associe les deux sujets accueil des migrants et risque terroriste tout comme se sont mêlées les manifestations de riverains opposés à l’ouverture de CAO et celle d’une partie des habitants de Beaumont-en-Véron (Indre-et-Loire) protestant contre la création d’un premier centre de déradicalisation.   

On se souvient qu’à l’automne 2015, quand le gouvernement avait lancé un appel aux communes pour qu’elles accueillent des migrants, certains maires de droite avaient indiqué qu’ils étaient prêts à le faire à la condition expresse que ces migrants soient chrétiens. Cette appartenance confessionnelle semblait présenter deux avantages pour ces maires, d’une part assurer une meilleure capacité d’intégration et ne pas accroître le développement de l’influence de l’islam sur le territoire (3) et d’autre part, garantir que ces migrants ne soient pas des individus radicalisés, gravitant dans la mouvance djihadiste. Cette double inquiétude n’était pas l’apanage de ces maires. Pour preuve, dans une enquête Ifop réalisée en mai 2016 (4), les Français se montraient nettement plus favorables à l’accueil de chrétiens d’Orient que de migrants au sens large (qui dans les représentations collectives sont majoritairement musulmans).

Le lien avec la question du terrorisme est déterminant pour comprendre la réticence de l’opinion française. On a ainsi constaté qu’après chaque attentat, la propension à l’accueil refluait. Alors qu’après une hausse de l’adhésion à l’accueil en septembre 2015, consécutivement à la publication des photos du petit Aylan, ce jeune enfant kurde noyé sur une plage turque, la tendance s’était brutalement inversée au lendemain des attentats du 13 novembre. Le même phénomène s’est de nouveau produit récemment, après les attentats de juillet 2016, qui se sont soldés par une nette dégradation de la propension à l’accueil comme le montrent les courbes ci-dessous.

Le lien avec la question terroriste se fait sur deux niveaux. Le premier est ce que l’on a appelé le syndrome du Cheval de Troie et qui renvoie à l’inquiétude d’une infiltration de commandos djihadistes dans les flux de migrants comme en témoigne l’interpellation de cette habitante de Saint-Hilaire-du-Rosier au secrétaire général de la Préfecture de l’Isère venu présenter le projet de CAO lors d’une réunion publique très houleuse : "Après Paris, le Bataclan, Nice. Vous voulez d’autres attentats ?" (5). Le second niveau renvoie non pas à la menace terroriste importée mais au fait que la plupart des terroristes soient de nationalité française et aient grandi sur notre sol. Pour beaucoup de Français, cela signe la faillite ou les très sérieux ratés de notre modèle d’intégration avec de nombreux quartiers à la dérive (les fameux "Molenbeck français"), servant de terreau au développement d’un djihadisme made in France. Cette réalité est reconnue par le Ministère de l’Intérieur qui a fait récemment état d’un fichier recensant pas moins de 15 000 islamistes radicaux signalés et surveillés, Bernard Cazeneuve évoquant la dérive de certains quartiers en ces termes : "L’islamisme radical est enkysté dans certains territoires, il faudra du temps pour l’éradiquer" (6). Dans ce contexte, pour beaucoup de nos concitoyens, il devient alors urgent de ne pas aggraver ce problème majeur en accueillant de nouveaux migrants qui viendraient encore gripper davantage notre machine à intégrer.

A cela s’ajoute l’inquiétude face à l’arrivée de jeunes hommes seuls, pouvant représenter une menace potentielle, la référence aux agressions sexuelles de masse de la Saint-Sylvestre à Cologne n’étant jamais loin. Un membre du collectif d’opposants de Forges-les-Bains indiquait ainsi au reporter de Libération (7) n’être pas contre l’accueil des réfugiés mais à condition qu’il s’agisse d’un "public mixte avec des familles et des enfants pour créer du lien et réussir la greffe" tandis qu’un autre déclarait à propos de l’accueil de ces 90 hommes de 18 à 45 ans : "On est en pleine vigueur à cet âge-là !" en soulignant que le bâtiment prévu pour les héberger se trouvait à proximité immédiate d’une école.

3. Une opinion compréhensive voire en soutien aux manifestations anti-CAO

Ces données barométriques sur l’attitude face aux migrants indiquent par ailleurs qu’en cette rentrée 2016, l’adhésion à l’accueil de migrants au plan national est quasiment à son plus bas niveau depuis le début de cette crise migratoire. On comprend dès lors pourquoi les mouvements d’opposition à l’ouverture de CAO soient regardés avec bienveillance par l’opinion publique. 45% des Français disent ainsi les comprendre sans pour autant les approuver mais une forte minorité (38%) les approuve sans réserve quand seulement 17% les condamnent (8). Même à gauche, la condamnation de ces manifestations hostiles est minoritaire (30% parmi les sympathisants du Front de gauche et 28% parmi ceux du PS), la majorité des sympathisants de gauche disant les comprendre (52% au Front de gauche et 62% au PS). L’approbation de ces actions est en revanche et assez logiquement ultra-majoritaire au FN (72%), parti dont les cadres et les militants participent activement à ces mobilisations locales. Mais les électeurs des Républicains les soutiennent également majoritairement à 52%, 42% se cantonnant à les comprendre. Ces derniers chiffres démontrent qu’une très large majorité de sympathisants des Républicains se trouvent aujourd’hui sur une position très dure sur la question des migrants, position en phase avec celle adoptée notamment par Laurent Wauquiez et Christian Estrosi sur ce sujet. Et de fait, ces élus de droite qui se sont opposés à l’ouverture de CAO sur leur territoire peuvent s’appuyer sur un soutien majoritaire de la part des sympathisants des Républicains.

4. Quel peut être l’impact politique de ces mobilisations ?

Des mobilisations d’opposition à l’arrivée de migrants avaient déjà eu lieu à l’automne 2015 dans certaines communes dont les maires avaient répondu positivement à l’appel du gouvernement pour accueillir des migrants. Les élections régionales de décembre 2015 ayant lieu quelques semaines ou mois après ces manifestations et tensions, il était intéressant d’observer si il y avait eu une traduction électorale (en l’espèce une poussée du vote FN) locale de ces mobilisations. Dans la plupart des cas que nous avons pu recenser, les chiffres invalident ce scénario dans la mesure où l’évolution du score du FN entre les européennes de 2014 et le premier tour des régionales de 2015 (ces deux élections relativement rapprochées encadrant dans le temps ces mobilisations) est quasi-identique dans ces communes avec l’évolution moyenne du score du FN enregistrée dans chacun des départements concernés. Il n’y a donc pas eu de "prime" spécifique pour le parti frontiste dans ces communes. 

On peut penser que ces manifestations ont mobilisé la frange la plus radicalisée de la population locale qui a ainsi exprimé dans la rue des idées pour lesquelles elle votait déjà dans les urnes, mais sans convaincre et gagner de nouveaux électeurs. Il convient ici de rappeler deux points. D’une part, d’après les observateurs présents sur place, les cortèges d’opposants n’étaient pas composés que par des habitants de la commune mais comptaient aussi dans leurs rangs des personnes proches ou membres du FN, venant des alentours pour prêter main forte, donnant ainsi à voir une opposition plus nombreuse qu’elle ne l’était réellement au sein de la commune. D’autre part, la plupart de ces manifestations, comme celles qui ont lieu aujourd’hui contre les CAO, ont fait l’objet de contre-manifestations en soutien aux migrants et ces contre-cortèges étaient souvent aussi fournis que ceux des opposants à l’accueil. Ainsi, si c’est le camp des "anti-migrants" qui est parvenu à donner davantage de la voix et à capter l’intérêt médiatique, produisant un effet de loupe sans doute quelque peu déformante, la population de ces communes est politiquement très diverse et les opposants au FN assez nombreux, ce qui pour l’heure a empêché une poussée localisée du FN dans les communes concernées.

Si l’annonce par des maires de l’accueil de migrants dans des communes n’a pas eu d’incidence électorale au plan local, les données de l’Ifop indiquent en revanche que la crise des migrants a eu un impact plus diffus mais réel au plan national.L’analyse des motivations de vote des différents segments de l’électorat de droite montre en effet que ce n’est pas sur la question du pouvoir d’achat et du coût de la vie que des électeurs sarkozystes se sont tournés vers le Front National. On constate ainsi que le niveau de cette préoccupation est identique parmi les électeurs sarkozystes restés fidèles à la droite et parmi ceux qui ont voté pour le Front National aux régionales et que ce niveau est nettement inférieur à ce que l’on mesure dans l’électorat Front National traditionnel, dans lequel ce sujet est beaucoup plus déterminant.

A l’inverse, on observe que sur les thèmes de la sécurité des personnes et de biens, de la lutte contre le terrorisme ou de l’accueil des migrants, les scores sont très élevés et totalement identiques entre les électeurs frontistes traditionnels et les électeurs de droite ayant basculé lors de cette élection. C’est donc bien sur ces thèmes que la porosité est la plus forte entre le Front National et une partie de la droite et que le basculement a pu s’opérer. On voit que c’est également sur ces thèmes qu’une fracture existe au sein même de l’électorat de Nicolas Sarkozy de 2012. En termes d’intensité des préoccupations, il y a en effet entre 20 et 30 points d’écart entre les électeurs de droite "fidèles" et les "ralliés" au Front National. 

On mesure également un différentiel de 25 points entre les deux segments de l’électorat de droite sur la question du développement économique et de l’aide aux entreprises. Ce sujet apparaît comme la priorité des électeurs de droite "fidèles" alors que son importance semble beaucoup plus relative parmi les "transfuges". En termes de priorités, ces derniers, taraudés par la question identitaire et sécuritaire, placent en tête et loin devant, la lutte contre le terrorisme et la délinquance et la question des migrants, à l’instar des électeurs traditionnels du Front National qu’ils ont rejoints pour ce scrutin.  

Pour ce qui est de la situation présente marquée par la persistance des tensions à Calais et par des oppositions locales non pas à des initiatives des maires mais à des décisions gouvernementales prises unilatéralement, le climat est apparu propice à certains responsables des Républicains et au FN qui semblent se livrer une lutte d’influence sur le terrain. On a vu que Laurent Wauquiez et Christian Estrosi s’étaient fermement opposés au plan gouvernemental, le premier ayant même lancé une pétition pour fédérer les opposants, le FN prenant une initiative presque similaire quelques jours plus tard en lançant une charte des villes sans migrants. Les élus locaux n’ont pas été en reste et de nombreux représentants des Républicains étaient par exemple présents et bien visibles en tête de la manifestation de Louveciennes. Des représentants du FN, dont Wallerand de Saint-Just, avaient également fait le déplacement pour ne pas laisser le champ libre à la droite. Des militants frontistes avaient également été signalés dans les manifestations d’Allex dans la Drôme et de Bordeaux le 29 septembre. Nicolas Bay, un des principaux bras de droit de Marine Le Pen, avait défilé le 1er octobre à Saint-Denis-de-Cabanne dans la Loire et une semaine plus tard, Frédéric Boccaletti, secrétaire départemental de la fédération du Var faisait de même à Pierrefeu, où près de 800 personnes défilèrent.

Sur ce terrain, le FN souhaite marquer sa présence face aux représentants locaux de la droite mais aussi face à des groupuscules radicaux à qui il n’est pas question pour le FN de laisser un espace. Des membres de Civitas, organisation catholique intégriste disposant d’appuis dans l’Ouest francilien, étaient ainsi présents lors de la manifestation de Louveciennes et des militants des Identitaires avaient muré symboliquement l’entrée d’un futur CAO à Montpellier dans la nuit du 29 au 30 septembre.    

Outre-Rhin, les mobilisations contre les migrants et l’islamisation ont donné naissance à Pegida, mouvement qui connait désormais une certaine audience et organise des manifestations parfois assez importantes. Une branche française de ce mouvement a d’ailleurs été lancée et a été l’initiative de deux manifestations musclées à Calais. Si ce type de mouvements peuvent avoir leur intérêt pour le FN, dans la mesure où leur existence viendrait par contraste "recentrer" l’image du FN, le parti de Marine Le Pen souhaite manifestement occuper le terrain de la contestation à l’accueil des migrants et ne pas laisser se structurer une offre concurrente. Il s’agit en effet d’une question stratégique pour lui dans la mesure où, d’après une récente enquête de l’Ifop (9), la question des migrants se place aujourd’hui en 3ème position des thèmes qui pèseront beaucoup dans le choix des électeurs derrière le chômage et le terrorisme, mais devant la sécurité et l’école (la question des migrants s’invitant donc d’ores et déjà dans la campagne présidentielle) et où, plus important encore, ce sujet est de loin, avec la lutte contre le terrorisme, la priorité des électeurs frontistes, très loin devant le fonctionnement de l’Union Européenne où la concurrence avec les pays où la main-d’œuvre est moins chère.

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  • (1) In "Allex, le grand fossé", Valeurs actuelles 06/10/2016
  • (2) "Surenchère à droite sur le démantèlement de Calais", Le Monde, 21 septembre 2016.
  • (3) La crainte identitaire est bien présente également dans les cortèges comme en témoignent par exemple les propos tenus par une manifestante de Louveciennes rapportés par Le Parisien : "Les migrants veulent islamiser la France" (cf "A Louveciennes, des manifestants chauffés à blanc" 03/10/2016) ou les très nombreux slogans frontistes "On est chez nous !" scandés dans tous les cortèges.
  • (4) Sondage Ifop pour Atlantico réalisé par internet du 30 avril au 4 mai 2016 auprès d’un échantillon national représentatif de 1667 personnes.
  • (5) In "Un village de l’Isère coupé en deux" in Le Parisien du 08/10/2016
  • (6) In "Contre l’islamisme, nos efforts paient" in Le JDD du 09/10/2016
  • (7) In "Les bras à demi ouverts" in Libération du 03/10/2016 
  • (8) Sondage Ifop pour Atlantico, réalisé par internet du 4 au 5 octobre 2016 auprès d’un échantillon national représentatif de 1000 personnes
  • (9) Sondage Ifop pour Midi Libre et La Dépêche, réalisé par internet du 20 au 22 septembre 2016 auprès d’un échantillon national représentatif de 1000 personnes

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