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La "convergence des luttes" : un stratagème de mâle blanc ?
©Reuters

Ophtalmologie politique

A "Nuit debout", les avis divergent sur la manière de faire converger les luttes. Un strabisme qui ne facilite pas beaucoup la hauteur de vue.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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A « Nuit debout », un camp d'ados urbain où l'on palabre depuis des semaines de sujets aussi variés que la destruction globale du capitalisme, le développement de l'agriculture biologique, la démocratie par tirage au sort, la régularisation inconditionnelle de tous les sans-papiers, la sortie de l'Otan et du nucléaire, le véganisme, la souffrance au travail, la souffrance au chômage, la construction d'un nouvel aéroport à Nantes, les paradis fiscaux, la méchanceté d'Alain Finkielraut, l'exploitation du gaz de schiste, la sélection pour les inscriptions en master, le nouveau compteur électrique Linky, le boycott d'Israël ou l'opportunité d'une grève générale, on pratique la "convergence des luttes".

C'est l'idée que, si l'on est de gauche, je veux dire authentiquement de gauche, au sens où l'on pense que le fascisme s'élabore désormais rue de Solferino, on épouse nécessairement et sans réserve l'intégralité des positions estampillées "progressistes" dont la mise en œuvre transformerait la France d'abord, puis la planète tout entière, en un paradis où le (la) loup (ve) et l'agneau (gnelle) se désaltéreraient ensemble au bord d'un étang garanti sans résidus de nitrates en se faisant les yeux doux.

Un peu comme dans ces banquets d'anniversaire d'extrême-droite où des intégristes catholiques mettent leurs missels en latin dans leur poche et s'empiffrent dans l'harmonie avec des néo-païens, des nazis, des monarchistes et des souverainistes pro-russes au nom du combat commun contre le judéo-maçonnisme bolchevique...

Mais voici que l'organisation, place de la République, de forums féministes non-mixtes, c'est-à-dire de réunions strictement interdites aux hommes, même les plus névrotiquement acquis à la cause, vient bousculer cet remarquable universalisme : l' "homme", au sens large de porteur de pénis belliqueux par nature, peut-il vraiment saisir la difficulté d'être d'une femme dans une société patriarcale ? Et n’inhibe-t-il pas, par sa seule présence, la parole du deuxième sexe ?

C'est une bonne question et si quelques mâles blancs quinquagénaires égarés dans la ZAD parisienne ont du mal à accepter d'être écartés par le service d'ordre en dépit de leur opposition sincère à la loi El Khomri, leur allergie aux ondes wifi et aux OGM, et leur goût pour la vaisselle et le repassage, c'est sans doute qu'ils ne sont pas encore mûrs pour accepter que c'est en fait la "divergence des luttes" plus que sa convergence, qui nous rapprochera du Grand Soir.

De fait, ces féministes hostiles, littéralement, au mélange des "genders", sont elles aussi déjà dépassées sur leur gauche par leurs cousines "racisées", pour lesquelles c'est jusqu'à la présence de femmes blanches dans une réunion où voudraient s'exprimer des femmes noires qui pose problème, ces dernières étant simultanément victimes du patriarcat généraliste, du racisme et de la condescendance d'un féminisme bien trop occidental pour être honnête.

Pour ne rien dire de la confusion qu'engendrera fatalement, chez le visage pâle progressiste, sans distinction chromosomique pour le coup, l'organisation de manifestations "décoloniales" où l'on peut être de l'un ou l'autre sexe pour taper sur le capitalisme et la politique énergétique de la France, d'accord, mais uniquement si l'on est soi-même victime du "racisme d’État" en raison de son taux de mélanine ou de son intérêt pour la grandeur d'Allah...

On va finir par regretter le temps du communautarisme à la papa, c'était moins segmentant. Et moins louche.

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