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A choisir, près de sept Français sur dix préfèrent la peine d’indignité nationale à la déchéance de nationalité : les intéressantes leçons d’un sondage
©Reuters

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Alors que les politiques s'écharpent sur la question de la déchéance de la nationalité pour les individus condamnés pour terrorisme, les Français sont tout aussi favorables à une peine d'indignité nationale, selon un sondage Elabe exclusif pour Atlantico.

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann est Directeur en charge des études d'opinion de l'Institut CSA.
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Yves Roucaute

Yves Roucaute

Yves Roucaute est philosophe, épistémologue et logicien. Professeur des universités, agrégé de philosophie et de sciences politiques, docteur d’État en science politique, docteur en philosophie (épistémologie), conférencier pour de grands groupes sur les nouvelles technologies et les relations internationales, il a été conseiller dans 4 cabinets ministériels, Président du conseil scientifique l’Institut National des Hautes Etudes et de Sécurité, Directeur national de France Télévision et journaliste. 

Il combat pour les droits de l’Homme. Emprisonné à Cuba pour son soutien aux opposants, engagé auprès du Commandant Massoud, seul intellectuel au monde invité avec Alain Madelin à Kaboul par l’Alliance du Nord pour fêter la victoire contre les Talibans, condamné par le Vietnam pour sa défense des bonzes.

Auteur de nombreux ouvrages dont « Le Bel Avenir de l’Humanité » (Calmann-Lévy),  « Éloge du monde de vie à la française » (Contemporary Bookstore), « La Puissance de la Liberté« (PUF),  « La Puissance d’Humanité » (de Guilbert), « La République contre la démocratie » (Plon), les Démagogues (Plon).

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Atlantico : Sept Français sur dix déclarent dans préférer à la déchéance de la nationalité une peine d'indignité nationale, dans un sondage Elabe pour Atlantico. Pourtant, un certain nombre de représentants politiques, se basant sur d'autres sondages avaient assuré que la déchéance était plébiscitée par les Français. Dans quelle mesure ce résultat pourrait-il remettre en cause cette idée ? Quel est l'intérêt réel des Français pour ce sujet ?

Yves-Marie Cann : L’adhésion des Français au principe de la déchéance de nationalité pour les binationaux condamnés pour un crime constituant un acte terroriste atteint un niveau élevé puisque 84% des personnes interrogées par Elabe pour Atlantico affirment être "tout à fait favorable" (58%) ou "plutôt favorable" (26%) à cette mesure. Ce résultat apparaît d’autant plus remarquable qu’il évolue peu par rapport à la même question déjà posée fin décembre (86% d’adhésion). Il témoigne par conséquent d’une opinion publique qui, au moins en apparence, n’a pas été ébranlée par le vif débat, notamment à gauche, qui a suivi l’annonce de cette mesure par l’exécutif dans le cadre de la future réforme constitutionnelle.

Toutefois, ces dernières semaines ont aussi été marquées par l’émergence d’une contre-proposition, à savoir le rétablissement d’une peine d’indignité nationale pouvant s’appliquer à tous les Français condamnés pour un crime terroriste, qu’ils soient binationaux ou pas. Or il s’avère que cette perspective séduit les Français : 80% des personnes interrogées se disent favorables à ce que cette mesure remplace la déchéance de nationalité proposée par l’exécutif, 47% allant même jusqu’à répondre "tout fait favorable". Et lorsque l’on demande aux sondés d’arbitrer dans une troisième question entre la déchéance de nationalité ne pouvant s’appliquer qu’aux binationaux et l’indignité pouvant s’appliquer à tous, là aussi une majorité se dégage nettement en faveur de cette nouvelle proposition, à hauteur de 69% contre "seulement" 29% pour la déchéance de nationalité.

De toute évidence, si les Français se montrent toujours très attachés à l’adoption d’une mesure avant tout présentée comme symbolique, et assumée comme telle par l’exécutif, ils se révèlent sensibles à l’argument de l’inégalité induite par la déchéance de nationalité ne pouvant s’appliquer qu’aux binationaux. Dès lors, la perspective d’une peine d’indignité nationale bénéficie d’un accueil particulièrement favorable.

Yves Roucaute : Les deux sondages disent à mon avis la même chose : en vérité, les Français ne savent pas très bien ce que signifie réellement l'indignité, ni une privation de nationalité, ce qu'ils veulent ce sont des sanctions.

Si les politiciens font la différence, les Français ne les font pas. Nous sommes dans une situation où les élites politiques ne sont clairement pas à la hauteur des enjeux. La question est d'arriver à neutraliser ceux qui partent pour combattre la France, ou ceux qui le font sur le territoire national. Ce qu'ils veulent, c'est en finir avec ces gens-là. Si la question avait été de se prononcer sur des peines à vie, les résultats auraient été les mêmes, 80% auraient dit oui. Pourquoi ? Pour une raison simple : dans l'esprit des Français, il n'est plus question de Français à partir du moment où ce sont des ennemis de la France.

En 14-18, lorsque les soldats désertaient, ils étaient fusillés. Imaginez ce que cela aurait été si non seulement ces derniers avaient déserté, mais qu'en plus ils étaient passé dans le  camp d'en face ? C'est exactement ce qui se passe.

Où la question de notre conflit est une question sérieuse, ou elle ne l'est pas, il faut que le Gouvernement arrête d'en parler. Si elle l'est, alors ceux qui nous combattent doivent être neutralisés, et c'est ce que les Français veulent. Il est même incompréhensible que l'on ait pu imaginer arrêter ce processus avec ce type de peine… On ne peut imaginer que les Français croient en l'efficacité de ces deux mesures. Quelles que soient les peines proposées dans un sondage, il y aurait la même proportion de réponse.

Les Français veulent que l'Etat préserve la sécurité du pays et des citoyens, et ne comprennent pas pourquoi sont évoqués des arguments juridiques pour résoudre la question.

Observe-t-on des différences entre les électorats de droite et de gauche ?

Yves-Marie Cann : Etonnamment, les différences observées entre les électorats de gauche et de droite s’avèrent assez peu prononcées. La peine d’indignité nationale est ainsi préférée à la déchéance de nationalité par une majorité de personnes interrogées, toutes familles politiques confondues. Cette préférence majoritaire apparaît toutefois plus élevée à gauche (74%) qu’à droite (66%). Notons que les sympathisants du Front national préférant eux aussi la peine d’indignité nationale (65%) à la déchéance de nationalité (35%).

De plus, la préférence pour la peine d’indignité nationale pouvant s’appliquer à tous, binationaux ou pas, apparaît majoritaire dans toutes les classes d’âge et les catégories professionnelles. A titre d’exemple, elle atteint 72% chez les personnes âgées de 18 à 24 ans et jusqu’à 75% chez les plus de 65 ans. De même, 72% des cadres et des professions intellectuelles supérieures privilégient cette option, ainsi que 64% des catégories populaires.

Selon les dernières enquêtes de popularité, François Hollande voit ses opinions favorables acquises après les attentats du mois de novembre s'effriter. Les Français considèrent-ils qu'il y a des sujets plus prioritaires pour le gouvernement à porter ?

Yves-Marie Cann : De toute évidence, le sursaut de popularité dont a bénéficié l’exécutif et plus particulièrement François Hollande après les attaques terroristes du 13 novembre s’est rapidement estompé. L’ensemble des baromètres de popularité publiés ces dernières semaines en témoignent. Ainsi dans l’Observatoire politique réalisé par Elabe pour Les Echos et Radio Classique, François Hollande perdait début janvier sept des neuf points gagnés en décembre après les attentats, seuls 26% des personnes interrogées déclarant lui faire confiance pour affronter efficacement les problèmes qui se posent au pays. Si beaucoup estiment de que le chef de l’Etat a été à la hauteur des événements de la mi-novembre, il est incontestable que l’absence persistante de résultats tangibles sur le plan économique et social reprend le dessus et leste fortement la popularité de François Hollande. La reprise économique s’avère à la fois trop fragile et trop faible pour inverser la courbe du chômage, d’où "l’état d’urgence économique et social" décrété par le Président de la République lors de ses vœux du 31 décembre. Sur ce sujet, 2016 apparaît comme l’année de la dernière chance pour concrétiser enfin la promesse mainte fois répétée par François Hollande en 2012 et 2013 et à laquelle il a lié une éventuellement candidature à la prochaine élection présidentielle.

publié par Atlantico

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