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Au nom de Hran Dink, le "Martin Luther King" arménien assassiné en Turquie
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Revue de blogs

Le mot clé de la semaine sur toutes les blogosphères est "génocide". France, Arménie, Turquie, Algérie, et maintenant Israël. Dans le pugilat général, en Turquie et ailleurs, le nom d'un héros et martyr de la purulente question du génocide arménien est souvent cité, celui de Hran Dink, un arménien vivant en Turquie, assassiné en 2007.

Capture d'écran du site piraté de la députée Valérie Boyer (photo du blog Les moutons enragés)

Dans l'incendie franco-turco-arménien qui enflamme la dernière page du calendrier 2011, sur la face modérée de Facebook et des blogs, plusieurs blogueurs ou journalistes, qu'ils soient turcs, arméniens, ou d'autres pays, ont évoqué la mémoire de Hrant Dink, comme un appel au calme. 

Hran Din, le "Martin Luther King arménien"

Hrant Dink était un arménien de Turquie, vivant en Turquie, et dirigeait l'unique journal publié en arménien et en turc de Turquie, Agos. Jugé et menacé pour ses rappels du génocide arménien en Turquie même, il militait cependant pour une troisième voie et refusait la pénalisation des propos négationnistes. Il a été assassiné en 2007 par un homme de main à la solde des ultra-nationalistes.

Photo du blog arménien Ianyan

Le blog arménien Ianyan commémorait au 3e anniversaire de son assassinat ainsi, l'an dernier, en des temps plus calmes :

"Pour faire comprendre en quelques mots, Hrant Dink était l'équivalent arménien de Martin Luther King. Il restait ferme sur ses positions peu conventionnelles et ne leur cherchait pas d'excuses. Cétait quel qu'un qui avait compris que le seul chemin vers la compréhension et la paix était la communication. Il était aussi celui qui avait déclaré, de façon très imagée : " Les relations Turquie Arménie devraient être tirées du puits profond de 1915 mètres" (ndr: allusion à la date retenue pour le génocide arménien).

"Lui, contrairement à la majorité des "diasporains" (arméniens), vivait et respirait parmi les Turcs. Voici un homme qui a tenté de combler le fossé entre les deux populations affligées d'une histoire dramatique, un homme qui a suggéré à la diaspora arménienne de se libérer de la haine profondément enracinée contre les Turcs, sans jamais cesser de se battre pour les droits humains et ceux des minorités. Pour Dink, la haine et la violence n'était pas synonymes avec la reconnaissance de la discrimination. Pour lui, elle était contre-productive."

"Il avait naturellement ses critiques, mais il suffit de se souvenir de ses funérailles, durant lesquelles deux cent milles personnes ont défilé pour protester contre son assassinat, en chantant “Nous sommes tous Hrant Drink” pour voir l'impact incroyable qu'il a eu sur les Arméniens comme sur les Turcs. Ceci devrait suffire aux deux camps pour comprendre que pour réussir, il faut sortir du fameux puits mentionné plus haut".

Dans un éditorialtrès re-tweeté ces derniers jours sur le site d'informations en ligne turc Today's Zaman, (en anglais) Orhan Kemal Cengiz a également cité Hrant Dink, et sa déclaration de 2006, après être passé en procès pour avoir rappelé le génocide arménien, alors que la France (déjà) parlait de pénaliser la négation du génocide arménien. Il s'exprimait ainsi sur ce projet de loi:

"Hrant Dink : Quand cette loi est apparue, nous avons été prompts à déclarer collectivement qu'elle aurait des conséquences néfastes. ...Comme vous le savez, j'ai été jugé en Turquie pour avoir dit que le génocide des Arméniens avait eu lieu, et j'ai dit à quel point c'est mal. Pourtant, en même temps, je ne peux pas accepter qu'en France on pourrait désormais être jugé pour avoir nié le génocide arménien. Si ce projet de loi est voté, je serai parmi les premiers à me rendre en France pour violer la loi. Et ensuite, nous pourrons regarder la république turque et le gouvernement français faire la course pour me condamner. Nous pourrons regarder et voir qui des deux me jettera le premier en prison....Je pense vraiment que la France, si elle vote cette loi, portera tort non seulement à l'Union Européenne, mais aux Arméniens dans le monde entier. Elle endommagera également la normalisation des relations entre l’Arménie et la Turquie. Ce dont les gens ont besoin est de dialogue, et tout ce que font ces lois, c'est empêcher un tel dialogue.”[...]

Orhan Kemal Cengiz a cité Hrant Dink en soutien à sa profession de foi de Turc démocrate, publié le jour même du vote du projet de loi à l'Assemblée en France, et qu'il argumentaitdans "Est-ce que vous aidez la Turquie à se confronter à 1915 ?":

"La Turquie s'est énormément démocratisée ces dernières années. Le rôle de l'armée a diminué, comme son influence sur le système politique, mais nous n'en sommes pas à des niveaux de non-retour. Tant que la Turquie poursuit sa démocratisation, tant qu'elle reste une société ouverte, sa confrontation avec le passé s'approfondira avec chaque jour qui passe. C'est inévitable. Il existe un lien crucial entre la démocratisation et la confrontation. Pouvez-vous contribuer à ce processus de démocratisation en poussant la Turquie hors de l'Europe, ou en soutenant des nationalistes à travers ce genre de manœuvres extérieures ?

Moi, et tant d'autres personnes ouvertes et démocrates dans ce pays, veulent que la Turquie se confronte complètement à 1915, pas seulement parce que nous estimons que cela signifiera que la justice a été rendue pour les victimes, mais aussi parce que nous croyons que sans cette confrontation, la Turquie ne sera jamais un pays véritablement démocratique.

Nous voulons que cette confrontation ait lieu pour notre avenir, pour le futur de nos enfants, et ainsi de suite. Nous ne voulons pas être sous la coupe de la mentalité de Talat Paşa,le cerveau des événements de 1915. Nous ne voulons pas vivre avec l'héritage du génocide arménien, des tabous, des meurtres et des massacres incessants, sous la tutelle des militaire, de gangs à l'intérieur de l'Etat, et ainsi de suite. 

Nous sommes au milieu de cette transition.[...] Le génocide arménien et d'autres tabous sont débattus de façon directe et les militaires sont poussés de plus en plus vers leurs casernes avec chaque jour qui passe. Ce processus n'est pas encore achevé cependant. Après de graves crises, et surtout des combinaisons de crises à la fois internes et externes, cette tutelle des militaires pourrait revenir. Tout ce qu'il y faut, c'est de pousser la Turquie hors de l'Europe, l'acculer dans tous les angles avec des lois similaires sur la négation du génocide, d'augmenter le niveau de violence à travers le conflit kurde, et ainsi de suite.

Une Turquie qui revient à son ancien statut quo (tutelle des militaire, gangs d'État avec l'impunité la plus complète pour s'embarquer dans des atteintes massives aux droits humains, etc) ne sera pas seulement une menace énorme pour toute cette région du monde (à commencer par l'Arménie), mais signifiera qu'elle (la Turquie) ne se confrontera jamais à son passé, jamais".

Pour le troisième anniversaire de la mort du "Luther King arménien", la journaliste hollandaise Frederike Geerdink, en poste en Turquie, se souvenait elle aussi de Hrant Dink sur son blog à l'occasion de l'anniversaire de sa mort, mais pour souligner que justice n'avait pas été rendue à un homme de réconciliation, qui est aujourd'hui soudain très cité.

"Et maintenant, trois ans plus tard, ou en sommes-nous ? Est-ce que le meurtre a été résolu, est-ce que les coupables ont été punis ? Pas du tout. Les avocats de Hrant Dink ont publié un rapport et conclu que nous en sommes toujours au même point qu'il y a trois ans. Seul l'homme de main Ogün Samast est derrière les barreaux. Chacun sait qui a négligé de prêter attention aux menaces de morts dont Dink faisait l'objet, mais même si au début il y a eu une enquête d'ouverte contre eux, les charges contre tous ces types ont été abandonnées. Ils ont tous des postes a responsabilités, dans, par exemple, les services de police. Ce que nous pouvons en conclure, c'est que dans l'appareil d'état (turc), tout le monde se fiche de la justice pour ce meurtre horrible.

Le quatrième anniversaire de l'assassinat de Hran Dink sera commémoré le 19 janvier 2012;

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