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François Hollande veut mettre la France à la tête d'une "grande coalition pour la vie" 
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Revue de presse des hebdos

Cette semaine, toujours assommée par les attentats, la presse hebdo reste globalement solidaire de son pays, tout en redevenant lucide et critique. Elle parle d’une France qui va triompher, d’une France qui se bat. Mais elle doute de plus en plus clairement de la qualité de la lutte antiterroriste et des failles dans le système de renseignements. Elle raconte même comment la France enfante ses propres monstres ; ceux qui se retournent contre elle.

Sandra Freeman

Sandra Freeman

Journaliste et productrice, Sandra Freeman a animé des émissions sur France Inter, LCI, TF1, Europe 1, LCP et Public Sénat. Coautrice de L'École vide son sac (Éditions du Moment, 2009), elle est la fondatrice du média internet MatriochK.

 

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COP21 et terrorisme : "la France triomphera des périls", affirme François Hollande

"La France triomphera des périls". C’est le titre de L'Express pour accompagner l’entretien exclusif que François Hollande lui a accordé. (On peut noter que le Président de la république n’est pas rancunier après des Unes que lui a consacré le magazine - par le passé -  comme " Y a-il vraiment un Président en France ?", "La faillite c’est maintenant" ou "Monsieur faible"… Passons).

Aujourd’hui, le magazine confronte le Président à deux défis majeurs qui se posent concomitamment à la France : la COP21 et la menace terroriste. 

"Comment un pays en guerre, placé sous le régime de l'Etat d'Urgence peut-il recevoir 140 chefs d'État et de gouvernement, 45 000 visiteurs officiels, dont 3000 journalistes, et des centaines de milliers de citoyens qui avaient placé tant d'espoir dans ce sommet climatique ?". Pour L’Express, c'est un casse-tête à la fois historique et inédit auquel doit faire face François Hollande, "mais aussi le reste du monde".

Hollande rassure en chef de l’Etat : "Oui, la France triomphera des périls !" C'est la phrase que le magazine retient en titre de son entretien. En quoi la lutte contre le dérèglement climatique et celle contre le terrorisme sont-elles liées ? Réponse de Hollande : "C'est le même combat. Celui qui consiste d'une part à protéger l'Humanité des actions de mort que porte l'État Islamique (qui frappe bien plus que la France : l'ensemble du monde) et d'autre part à préserver la planète de nos propres inconséquence, qui peuvent être, demain, des sources de conflits. Avec la même urgence. Le fanatisme qui tue aujourd'hui. Et l’indifférence qui consume notre planète. La France est donc en première ligne. Et elle veut être à la tête de la plus large coalition pour la vie".

Mais l’interview se concentre surtout sur la COP 21 qui va se tenir à Paris et sur laquelle Hollande mise infiniment. Sans doute pour l’enjeu environnemental qu’elle fixe, mais aussi pour cette opportunité qu’elle offre à la France organisatrice de retrouver une place de meneur sur plusieurs fronts. Pour preuve, la façon dont Hollande positionne la France :

"162 contributions étatiques ont été adressées aux secrétariats de la conférence. Elles représentent 90% des émissions de CO2. On pourrait donc se dire que la conférence est jouée, puisque la plupart des pays ont fait part de leurs engagements, du moins sur le papier. Ceux qui n'ont pas répondu sont, pour l’essentiel, les producteurs d’hydrocarbures. Plutôt que de les mettre au pilori - je rappelle que nous sommes aussi des acheteurs de leur pétrole-, nous devons les accompagner dans la montée en puissance des énergies propres".

Armée : "la France part au combat"

Demain triomphante, mais déjà bien debout ! Charlie hebdo propose en une de croquer notre armée dont les rangs sont de plus en plus fournis. "Daesch inverse la courbe du chômage" titre-t-on pour accompagner le dessin de Coco. Sur fond de Tour Eiffel, est dessinée une armée de franchouillards, armés, au pas conquérant, bonnet rouge sur la tête, menton en galoche et œil Bovin. Ils n’ont as l’airs malins malins… Mais bon, ils sont là pour pour défendre Paris… Et en plus ça crée de l'emploi !

Sur un tout autre ton, Le point offre de son côté aussi un portrait de notre "France qui se bat". Avec cette question : "Comment" ? Quels sont les préparatifs de la riposte ?". Ici on ne lésine pas ; on parle de "grande offensive". Celle de l'envoi du porte-avions "Charles-de-Gaulle" vers la Méditerranée orientale puis vers le golf arabo-persique qui est prévue pour durer quatre mois. "La France renforce donc sa présence dans la zone, déjà significative avec 20 chasseurs de l'armée de l'air, mais s'interdit, comme tous les partenaires de la coalition, d’engager des troupes au sol contre Daech".

Et au magazine de recadrer que face à la guerre des terroristes islamistes, la France "est de très loin le pays européen le plus engagé dans ce conflit", même si l’union la soutien "verbalement", elle la laisse "seule ou presque en Afrique sahélienne".

Les Français bombardent des bâtiments vides et ne causent aucun dommage à Daech

Dans son long dossier sur le sujet, Le Point recueille l’interview de John Nagl qui est l'ex-numéro deux des opérations américaines. Selon lui, "Daech ne mène plus une insurrection. C'est devenu un État souverain qui prélève des impôts, et qui contrôle un territoire grand comme le Royaume-Uni. C'est incroyable, ce qu'il a accompli en cinq ans, depuis le départ des Américains. On ne va pas le vaincre avec des opérations de contre-insurrection. Il faut lui déclarer la guerre comme le président Hollande la fait". John Nagle va néanmoins plus loin et affirme qu’il faudrait "attaquer avec des tanks (…) Les frappes aériennes sont insuffisantes. Tous les rapports que j'ai vus disent que les Français bombardent des bâtiments vides et ne causent aucun dommage à Daech. Il faut une opération comme tempête du désert."

A le lire, il faut donc taper plus fort, et même, pour longtemps : "Nous sommes partis pour occuper la Syrie pour les 50 ou 100 ans à venir", prévoit-il.

Et à ceux qui pourraient craindre que ses opérations militaires puissent retourner les populations syriennes et irakiennes contre nous, John Nagl a de l’argument : il faut "penser à Daech comme un cancer qui a des métastases. On doit extraire la tumeur principale qui est Daech en Syrie et en Irak. Une fois que ce sera fait, on pourra lancer la chimio, la contre-insurrection, protéger les populations, et développer le renseignement dans les mosquées radicales."

Renseignement, la France a failli : les terroristes du 13 novembre fichés mais pas suivis

Triomphante, debout, mais tout de même sonnée. L'Express et L’Obs font tous deux une enquête sur le travail de nos renseignements face aux terroristes.

"Le fait même que les attentats du 13 novembre aient pu se produire, et qu'ils été perpétrés par des individus coordonnés - recherchés pour certains d'entre eux - montre qu'il y a des failles", reconnaît une personne proche de renseignements.

L'Obs évoque "des failles, des ratés, des trous béant dans le système de lutte contre le terrorisme islamiste" et cite le "manque de communication entre pays", la "surveillance impossible des suspects", la "mauvaise interprétation de la menace"… Aujourd’hui, sans détour, écrit le journal, "la question n'est pas de savoir si les services de renseignement ont failli, mais pour quelle raison"… Car désormais le constat est sans appel : "la menace terroriste, multiformes, se joue du système de renseignements" et on exploite chaque défaut à une vitesse sidérante. Le magazine donne quelques exemples :

1. Le cas de Salah Abdelslam : il a pu fuir à la Belgique le soir même des attentats, il est fiché en Belgique en raison de sa radicalisation mais la France n'est pas au courant. "La coopération bilatérale n'a pas permis de prévenir les attaques, ni d'empêcher à des participants de prendre la fuite". "Le fichier européen, appelé systèmes d'information (SIS), que les états membres sont censé utiliser pour partager les noms des personnes recherchées et surveillées, n'a pas servi. Le nom de Salah Abdeslam y figurait ; les belges l'avaient  mais dans la catégorie "droit commun" et non en raison de sa possible radicalisation. Par conséquent : samedi 14 novembre, quand les gendarmes  le contrôlent « ils n'ont donc aucune raison de l'arrêter".

2. Se pose aussi la question de "la libre circulation des terroristes" : comment Abdelhamid Aaaoud, un "des terroristes les plus recherchés de Europe, au visage archiconnu, visé par un mandat d'arrêt international depuis août 2014, a réussi à traverser l'Europe et a déjoué toutes les surveillances" ?

3. De même, Samy Aminaour, un des kamikazes du Bataclan, était "aussi visé par un mandat d'arrêt international pour avoir violé le contrôle judiciaire qui lui avait été imposé en 2013, alors qu'il venait de rejoindre la Syrie. Il a pu rentrer en France malgré tout".

Son nom de Samy est inscrit dans le fichier FSPRT.

4. Bilal Hadafi. "Belge de 20 ans, l'un des kamikazes du stade de France, a réussi lui aussi à revenir en Europe après avoir rejoint Daech en février 2015".

5. Omar mosterfaï un des terroristes du Bataclan, était "fiché S".

L’Obs fait ressortir qu’aujourd’hui, "environ 2000 personnes sont considérées comme véritablement inquiétantes". D'après les informations du magazine, le FSPRT (créé après les attentes de Charlie hebdo et classé secret défense) a recensé 770 Français  partis en Syrie, dont 199 femmes (aucune d'entre elles n'est identifiée comme combattante). "Au total, 147 personnes sont revenus de Syrie, 260 sont en transit est 707 résidents français ont montré des velléités de départ. Enfin, 141 français sont morts dans les rangs des combattants de l'État Islamique".

Sécurité : quid des promesses de l'après Charlie ?

De son côté, L’Express aussi s’interroge. "Les promesses de l'après Charlie ont-elles été tenues ?" et répond aussitôt "parmi les mesures annoncées par Manuel Valls après les attentats de janvier quelques unes tardent à être mise en œuvre. C'est le cas de l'amélioration promise des moyens matériels : gilet par balle anti armes Dassault et casque en nombre insuffisant, fonctionnaires contraint de payer de leur poche les pieds de lampe torche". C'est le cas aussi du centre de "déradicalisation" destiné aux jeunes de retour de Syrie qui ne font pas l'objet de poursuites judiciaires. "Sa création annoncée pour la fin de l'année prendra davantage de temps".

Mais L’Express s’interroge aussi sur le problème des "frontières européennes : sont-elles des passoires ?" "Nous sommes 25 et nous devons gérer 3000 arrivées par jour », confirme un policier grec à Leros. D’autant que l’accès aux faux papiers semble assez facile, selon le journal : « 1500 $ c'est le prix d'un passeport Syrien à Istanbul. (…) En Autriche, falsifier un passeport, en changer la photo, ne coûte que quelques centaines de dollars".

C’est ainsi que "Daech n'a pas hésité à profiter de la crise des réfugiés syriens" : deux kamikazes du Bataclan "se sont fait passer pour des migrants, en empruntant le même parcours".

Frontières : " l’Europe forteresse" ou "l’Europe passoire"

Sur cette question des frontières, Télérama interroge Julien Jeandesboz, un spécialiste des frontières. Alors, faut il parler d’une "Europe passoire", selon lui ?

En fait, il resitue les deux perceptions qui s’opposent depuis une trentaine d'années : "l’Europe forteresse » et "l’Europe passoire". La forteresse, c'est une dénonciation que portent les mouvements d'aide aux réfugiés depuis les années 80. Ils constatent les restrictions de plus en plus fortes faites au droit d'asile. Et l’Europe passoire, c’est un argumentaire politique qui s'est développé dès qu'on a commencé à imaginer un espace européen de libre circulation des personnes.

Mais quand on entend Bernard Cazeneuve - certes avec des nuances -, et Nicolas Sarkozy avec virulence, dire que "Schengen ne marche plus", ou "Schengen autorise la libre circulation des personnes dangereuses, on marche sur la tête", déclare Julien Jeandesboz. Pourquoi ? parce que Schengen, selon lui, "c'est effectivement la libre circulation des personnes, mais une liberté compensée par les mesures de contrôle qu’effectuent les Etats membres (soit, "une coopération entre les services de police pour la délivrance de visa et pour le contrôle des frontières extérieures de l’union"). Et au regard de ses objectifs de départ – assurer la libre circulation sous contrôle des états –, Schengen fonctionne plutôt bien !

Jeune fille djihadiste mais jolie : un monstre – héroïne que la France sait produire (et qui fascine)

Les Inrockuptibles titre sur "la fabrique des nouveaux djihadistes" et propose en illustration de couverture, le dessin version BD de trois jeunes gens, deux hommes et  une femme voilée, entrain de se faire un "selfie" avec leur smartphone. Ce sont ces djihadistes. Ils se mettent en scène et se montrent au monde.

Parmi eux, il y a donc cette fille, Hasna Aït Boulahcen, celle qui est morte dans l’assaut de Saint Denis dont on a d’abord dit qu’elle était la première femme kamikaze en France. En réalité elle ne l’était pas. Dans «Les Inrocks », on tire son profil en l’érigeant quasiment au rang de figure littéraire : "Itinéraire d'une enfant du siècle : de la protection de l'enfance à la police antiterroriste en passant par pôle emploi, des fêtes alcoolisées, à la radicalisation, de la tentation de l'armée au recrutement pour le Djihad, de la cow-girl au voile intégral… l’histoire de cette jeune femme est celle d'une fille perdue dans le chaos du XXIe siècle". Elle est ici comparée à l'héroïne "d'apocalypse bébé", le roman de Virginie Despentes : une jolie fille, libérée, qui tombe dans la radicalisation et prend tout le monde de cours.

L’Obs se passionne aussi pour "la radicalisation expresse d'une fille perdue". On retrouve la jeune fille en photo, voile intégrale et posture déhanchée de rappeur, présentée comme "une paumée". "Celle que personne n'a jamais vu ouvrir le Coran", note l’Obs, avait écrit sur sa page Facebook : "jver bientôt aller en Syrie inchallah, bientôt départ pour le Turkie! "

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