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Développement durable : Réchauffement climatique dans les vignes de Champagne
©Reuters

Atlantico Green

Le réchauffement climatique affecte le vin aussi. Pour l'instant, la qualité de celui ci s'améliore. Mais avec 2° de plus d'ici la fin du siècle, le secteur risque d'être affecté. Il faut donc se préparer à rendre le cépage plus résistant au climat.

Joël Rochard

Joël Rochard

Joël Rochard de l'Institut français de la vigne et du vin travaille sur les effets du réchauffement climatique sur le vin.

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Atlantico : La Cop21 a pour objectif de limiter le réchauffement climatique à moins de 2° d'ici la fin du siècle. Certains cépages résistent ils mieux à des hausse de température ? Faut-il modifier les cépages actuels pour s'adapter à ce changement climatique ? Comment se préparer à de profonds changements climatiques ?

Joël Rochard : La France comporte une grande diversité de cépages adaptés aux différentes conditions climatiques de nos régions viticoles. Les scientifiques ont mis en évidence les particularités climatiques de chaque cépage, en établissant des indices sur la base des moyennes des températures au cours de la période de végétation et de maturation. Ainsi par exemple les cépages Chardonnay et Pinot Noir sont  adaptés à des zones relativement fraîches comme la Champagne et la Bourgogne et à l'inverse la Syrah et le Grenache plutôt à des zones méditerranéennes. Mais chaque variété comporte une diversité de clones qui offrent également une certaine adaptation à des climats différents et bien évidemment au cours des années 60/70 les critères de sélection visaient majoritairement une très grande richesse en sucre et une faible acidité. Par conséquent il est possible dans une certaine mesure de maintenir le cépage originel en jouant sur la sélection des clones moins productifs en sucre avec plus d’acidité. Mais il est bien évident que pour des changements climatiques profonds, avec des scénarios d’augmentation de température de l’ordre de 4 à 5°Celcius, la question de changement de cépages, pourra se poser. Par conséquent il est important pour la profession de pouvoir se préparer à ces changements éventuels avec d'une part un travail de sélection au sein de la variété locale et par ailleurs une réflexion et la mise en place d'expérimentations pour potentiellement adapter de nouveaux cépages au cours des prochaines décennies, sachant que la sélection d’une nouvelle variété ou d’un clone demande le plus souvent au minimum 10 à 20 ans.

L'adaptation au climat demandera donc de l'imagination et d'importants changements. D'autres types de vin que ceux que nous connaissons actuellement peuvent-ils apparaître ?

Il est évident que toute modification des caractéristiques climatiques suppose une adaptation tant au niveau de la vigne de l’élaboration des vins. Différents programmes de recherche nationaux et européens portent sur ces modalités d’adaptation. Mon institut a coordonné un programme européen de formation avec un support de Elearning www.eviticlimate.eu et est également associé à un programme international LIFE coordonné par le CNRS www.adviclim.eu qui a pour objectif de mieux connaître les caractéristiques climatiques locales et de déterminer les scénarios possibles pour  le futur. Au sein de l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin, qui regroupe la plupart des pays producteurs mondiaux, une réflexion a également été engagée avec de nombreux échanges entre les experts du monde entier. Concernant les vins, en France, grâce au système des Appellations d’Origine Contrôlée, les différentes régions viticoles ont pu développer des typicités adaptées aux caractéristiques de leur terroir. Néanmoins ces caractéristiques ne sont pas figées dans le temps. Elles s’adaptent aux évolutions techniques mais également à la demande des consommateurs. On peut imaginer, que par les changements climatiques, les vignerons aient la possibilité d’élaborer de nouveaux types de vins. Par exemple la migration possible de cépages méridionaux vers des zones fraîches pourrait permettre de produire des vins rouges de grande qualité dans des terroirs septentrionaux.

La carte des vins risque-t-elle d'être affectée par la hausse des températures pour privilégier les vignobles les plus septentrionaux ? Où se cachent les grands crus de demain ? Et dans le monde ?

Il est probable qu’à l’image de la modification de la carte des vins suite au phylloxéra à la fin du XIXe siècle, une variation significative du climat ne sera pas sans conséquences pour les caractéristiques futures des vignobles et par conséquent des vins. Il est assez difficile d’anticiper cette évolution. On doit toujours avoir à l’esprit qu’un vin est le produit d’un terroir influencé à la fois par des conditions naturelles : climat, géologie ; topographie ; mais aussi par l’action des hommes dans le choix des techniques et leur aptitude à valoriser leurs régions et leurs vins. La notoriété de ces vins, au-delà de l’aspect strictement qualitatif est également liée à cette interaction entre le milieu naturel et les hommes. Le défi de nos futurs vignerons sera de s’adapter à cette évolution en valorisant au mieux les nouvelles caractéristiques des différents terroirs. Un regard historique nous montre que depuis plusieurs milliers d’années  le secteur viticole, au début par empirisme puis par l’apport de la science, a su tirer parti de la grande diversité des terroirs au niveau mondial. Il est probable que pour l’avenir ce "génie humain" puisse également valoriser au mieux les potentialités locales.

A l'heure actuelle le réchauffement climatique est plutôt avantageux pour les vignobles. Le secteur se sent il concerné ? Certaines pratiques écoresponsables se développent elles ?

Un travail d’enquête à partir d’un questionnaire a permis de souligner la perception du changement climatique par les viticulteurs français. Majoritairement les évolutions que nous connaissons depuis 20 à 30 ans sont  plutôt bénéfiques par rapport à la qualité des vins avec néanmoins quelques inquiétudes dans les zones méridionales liées notamment à l’élévation importante du degré alcoolique et aux effets du stress hydrique. Néanmoins les viticulteurs sont également conscients que des modifications très importantes du climat pourront amener des changements profonds d’ici quelques décennies. La notion de terroir est très ancrée dans le monde viticole français et la préservation de ce patrimoine conduit à une mobilisation de la profession et des acteurs afin de limiter leur impact sur l’effet de serre. En collaboration avec l’ADEME un premier travail coordonné par l’Institut Français de la Vigne et du Vin a permis de cerner les points clés de réduction de cet impact par l’intermédiaire de l’outil de mesure "bilan carbone"©. Différentes régions françaises ont établi des plans climats afin d’adapter les itinéraires techniques au niveau de la vigne et du vin. Par exemple la bouteille, par sa fabrication et son transport est un facteur important dans le "bilan carbone"©. Des réflexions sont en cours pour en réduire le poids dans différentes régions par l’intermédiaire de  "plans climat". Parallèlement des études sont actuellement menées pour adapter la conception des caves afin de limiter la consommation d’énergies fossiles. Mon institut a coordonné un projet européen sur ce thème www.ecowinery.fr qui permet, au-delà de l’économie d’énergie de proposer des solutions pour concevoir des caves écologiques, en associant parallèlement la gestion de l’eau et des effluents. Cave enterrée, murs et toit végétalisés, énergie solaire et géothermique, sont autant de solutions qui vont progressivement se développer dans l’architecture des caves.

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