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C'est arrivé près de chez vous : et si la clé de la lutte contre le déréglement climatique était dans le très local
©Reuters

Eurêka !

La COP21 se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015. C'est l'occasion d'une réunion internationale, regroupant les chefs d'Etats des plus grandes puissances, qui se pencheront sur les problèmes d'ordres environnementaux et climatiques que nous traversons aujourd'hui. Si Nicolas Hulot opte pour une pression sur les politiques pour faire avancer les choses, d'autres ont trouvé une solution plus... locale.

Corinne Lepage

Corinne Lepage

Corinne Lepage est avocate, ancien maître de conférences et ancien professeur à Sciences Po (chaire de développement durable).

Ancienne ministre de l'Environnement, ancienne membre de Génération écologie, fondatrice et présidente du parti écologiste Cap21 depuis 1996, cofondatrice et ancienne vice-présidente du Mouvement démocrate jusqu'en mars 2010, elle est députée au Parlement européen de 2009 à 2014. En 2012, elle fonde l’association Essaim et l’année suivante, la coopérative politique du Rassemblement citoyen. En 2014, elle devient présidente du parti LRC - Cap21.

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Atlantico : En décembre,  les entités dirigeantes de chaque pays se réuniront lors de la COP21 à Paris. Le véritable levier ne se situe-t-il pas au niveau local ? Quel peut-être l’impact des villes et des mairies dans la lutte pour le climat ?

Corinne Lepage : Il est clair que de plus en plus, la société civile à laquelle s’associe les collectivités locales joue un rôle majeur dans la conduite des affaires du monde. Et à cet égard, la remise du prix Nobel de la paix au quartet tunisien est un symbole très fort d’une réelle évolution de la gouvernance. La question de la lutte contre les gaz à effet de serre et de l’adaptation au changement climatique n’échappe pas à ce mouvement général, voire en est une des meilleures illustrations. En effet, le processus onusien est enfermé et a tendance à tourner en vase clos, sans avancée concrète depuis des années. De plus, les négociations climatiques au niveau international renvoient à des questions géostratégiques, de politique industrielle, d’équilibre global qui n’ont pas grand-chose à voir avec l’urgence climatique. C’est la raison pour laquelle il est indispensable de se tourner vers de véritables leviers que sont les collectivités locales, certaines entreprises, les organisations non-gouvernementales et de plus en plus les citoyens eux-mêmes.

Le C40 monté par l’ancien maire de New York, Monsieur Bloomberg, comme le R20, alliance des régions pour le climat initié par le gouverneur Schwartenegger ont démontré leur efficacité pour passer à l’action ; l’objectif est bien sûr de massifier, mutualiser et généraliser les transformations qu’elles concernent l’urbanisme,  les transports, l’agriculture urbaine, l’économie circulaire et la gestion des déchets etc.. Du reste, la décision d’Anne Hidalgo maire de Paris de réunir mille maires à Paris, lors de la COP, c’est ce qui bien dans cette volonté d’étendre l’action des collectivités locales. C’est en effet au niveau territorial que la mise en œuvre effective de la nouvelle économie ,du développement des circuits courts, de la mise en place d’écosystèmes tripartites entités locales, entreprises, citoyens, va produire le plus rapidement possible le plus d’effets possibles. Enfin, je me réjouis de voir la manière dont le projet de déclaration universelle des droits de l’humanité (droitshumanité.fr/DU/) qu’un groupe de travail que j’ai présidé a remis au Président de la République est en passe d’être repris par la société civile et de très nombreux élus, bien au-delà de la sphère française.

En dehors des sommets pour le climat, des grenelles de l’environnement, des pactes écologiques… quelles sont les initiatives prises au niveau local en France et dans le monde ?

Les initiatives sont innombrables et bien souvent très en avance sur les décisions nationales. Dans le rapport sur l’économie du Nouveau Monde que j’ai remis à Ségolène Royal en juin (téléchargeable sur adnmonde.fr), plus de 200 réussites françaises sont citées qu’il s’agisse d’entreprises (Pocheco, Blabla ar…) de collectivités locales(la région Nord-Pas-de-Calais et son Master plan d’autonomie énergétique pour 2050 ou encore la ville de Montdidier autonome sur le plan énergétique grâce renouvelable à hauteur de 90 %) de coopératives ou d’exploitation agricoles(les toits de Figeac ou la ferme du Bec Helouin), de coopératives d’habitants( énergie partagée ou ERCISOL)… et au niveau mondial, les changements sont exponentiels : villes zéro déchet en Nouvelle-Zélande ou sur côte ouest américaine, coopératives d’habitants possédant 50 % de la production électrique en Allemagne ou encore pays atteignant plus de 50 % d’électricité d'origine renouvelable en Europe (Autriche, Finlande, Suède..).

Outre l’aspect écologique qui motive cette lutte, dans quelle mesure est-elle essentielle et nécessaire au bon développement des villes et de l’urbanisme ? N’y a-t-il pas des raisons économiques, sanitaires, etc qui poussent vers des modèles plus sains et plus respectueux de notre environnement ?

Il est clair que la question du climat s’apparente à celle de l’arbre qui cache la forêt.

En effet, la question climatique est indissociable d’autres questions liées à l’environnement comme la biodiversité, la santé humaine, la préservation des ressources. Mais elle est également indissociable des questions économiques, financières, sociales et de développement dans la mesure où la pauvreté liée à la sécheresse, à une répartition de plus en plus inégalitaire de la richesse mondiale  reste un sujet majeur. C’est la raison pour laquelle la nouvelle économie ou l’économie du Nouveau Monde, celle qui porte l’adaptation aux défis écologiques et climatiques est une économie ni fossile ni fissile, connectée, territorialisée et surtout qui se donne comme objectif premier le bien être humain.

En France, ces mesures sont-elles encouragées ? Comment ?

La France a une politique ambiguë dans la mesure où dans l’immense majorité des cas les paroles ne sont pas en cohérence avec les actes. Certes, les objectifs de la loi sur la transition énergétique sont ambitieux, mais la loi ne porte aucunement les moyens d’atteindre ces objectifs les énergies renouvelables sont favorisées mais dans le même temps l’État laisse mourir le secteur du solaire thermique dans lequel notre technologie était pourtant très bien placée. La réduction des pesticides est comme un objectif essentiel dans un but de santé publique comme de réduction des émissions de gaz à effet de serre (protoxyde d’azote). Mais, l’agriculture biologique continue à être défavorisée sur le plan des subventions, des exploitations industrielles déraisonnables tant sur le plan des émissions de gaz à effet de serre que sur le plan de la nécessaire utilisation des antibiotiques (lorsqu’il s’agit d’élevage) et de pesticides (lorsqu’il s’agit d’agriculture) sont autorisées et l’agriculture française souffre d’un retard abyssal dans la possibilité de disposer de revenus accessoires notamment de la production d’énergie.

Et enfin, si l’énergie renouvelable est mise à l’honneur, les crédits continuent à aller sur le nucléaire. Les exemples pourraient être ainsi démultipliés.. la critique n’est pas politicienne car droite et gauche sont globalement d’accord sur cette politique. Elle est d’ordre systémique et culturel dans la mesure où pour l’essentiel, le changement de siècle n’a pas encore produit ses effets sur les décisions concrètes qui sont prises. Espérons que les annonces récentes sur le diesel-dont les effets délétères sont connus depuis 30 ans comme l’avait été avant lui les effets délétères de l’amiante-, sur le développement des territoires à énergie positive, seront suivies de beaucoup d’autres. Les financements de l’Ademe et de la BPI commencent à produire des effets, mais le plus frappant est incontestablement l’essor du financement participatif autour des projets de la nouvelle économie. Car, il est indéniable que les plus grands changements concrets sont venus de la société civile et qu’ils se développeraient de manière exponentielle s’ils ne se heurtaient pas de manière permanente à des obstacles législatifs et réglementaires. Mais, le monde change très vite…

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