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Eclairage urbain aux LED : quand les ampoules économes en énergie génèrent une pollution lumineuse visible depuis l’espace
©DR

Atlantico Green

Avec une luminescence 1 000 fois plus élevée que des ampoules classiques, les LEDs participent à un dérèglement de l'horloge biologique accru des espèces végétales et animales. Les humains n'en sont pas moins touchés...

Anne-Marie Ducroux

Anne-Marie Ducroux

Anne-Marie Ducroux est experte en développement durable et conseillère au Conseil économique, social et environnemental.

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Atlantico : Récemment, des photographies prises par des astronautes de la station ISS ont montré la grosse différence que présente l'éclairage LED adopté par des grandes villes. La pollution lumineuse et nocturne, concrètement, de quoi s'agit-il ?

Anne-Marie Ducroux : La commission européenne indique qu’il s’agit de l’ensemble des incidences négatives de la lumière artificielle sur l’environnement. La pollution lumineuse, tout le monde peut l’observer par des halos ou dômes lumineux au-dessus des communes. Des centaines d’étoiles ne sont plus visibles à l’œil nu. Ce sont aussi des lumières intrusives, des habitations, chambres, éclairées comme en plein jour par les éclairages externes, empêchant un repos dans l’obscurité. Ce sont aussi des éblouissements liés aux lumières non orientées et aux LEDS qui ont une luminance 1000 fois plus élevée. Leur brillance blanche est visible sur les images que vous citez. C’est aussi + 94 % d’augmentation continue de la quantité de lumière émise la nuit, depuis les années 90, rompant l’alternance naturelle du jour et de la nuit et se diffusant à longue distance ! Il y a plusieurs siècles, la lumière était rare. Désormais c’est notre capacité à trouver de l’obscurité bénéfique qui devient rare. On a tout inversé.

La majorité des êtres vivants sont concernés par le cycle jour-nuit qui régit notre organisme. Quels sont les effets de cette pollution sur la biodiversité et sur nous, au quotidien ?

Tout être vivant s’est construit par un processus de millions d’années sur ce rythme naturel nécessaire à notre équilibre. Nos modes de vie nous exposent moins à la lumière solaire le jour et, inversement, trop à la lumière artificielle, à l’absence d’obscurité la nuit. Or la lumière est le synchronisateur principal de notre horloge biologique, mécanisme interne de la vie, finement réglé qui commande la production d’hormones tels le cortisol ou la mélatonine activant les phases de sommeil vitales pour nous, la défense immunitaire, la régénération cellulaire, la mémoire, l’humeur, la motricité, les fonctions cognitives… susceptibles d’atteintes insidieuses, chaque jour et nuit. La biodiversité, elle, doit déjà faire face à de nombreuses pressions de la société : chimiques, surexploitations, fragmentation des habitats, changement climatique… Ce crépuscule permanent, l’augmentation continue de lumière la nuit, la transformation en blanc ou bleu des lumières nocturnes sont une pression qui s’ajoute aux autres. Un saumon de la Loire, par exemple, doit déjà accomplir 1000 kms pour remonter le fleuve et rejoindre l’Atlantique, à un moment précis, avec des forces comptées pour accomplir sa migration et reproduction. Sur son chemin, barrages, pêcheurs, prédateurs, pollutions chimiques, etc… Désormais il a la lumière la nuit en plus. De nombreux ponts vous l’avez constaté partout en France sont entièrement éclairés dessus et dessous avec des arches colorées en rose, bleu, vert…On éclaire des milieux naturels aquatiques et terrestres, sans mesure.

11 millions de points lumineux en France, en croissance de 89 % depuis les années 90 ont un bilan carbone conséquent, jamais examiné : fabrication, distribution, installation, maintenance, fonctionnement… Il faut leur ajouter au moins 3.5 millions enseignes lumineuses, des plans lumières partout, des éclairages intempestifs : parkings, stades, suréclairés par exemple toute la nuit, surfaces commerciales, publicités lumineuses…

Eclairer sans mesure est aussi un énorme gaspillage d’énergie. Bien sûr il faut répondre aux besoins d’éclairage, quand ils sont réels, mais on est obligé de constater des décennies d’éclairage sans analyse de la réalité des besoins. Tout ceci à un coût énorme pour les communes donc pour chaque citoyen : 40 % de la facture d’électricité d’une commune. Or nos recommandations permettent de faire de 25 à plus de 50 % d’économies.

Concrètement, existe-t-il des moyens de lutter contre cette forme de pollution ? Outre l'aspect purement sanitaire, qu'aurions nous à gagner à le faire ?

La première mesure simple, sans coût et qui permet de gagner immédiatement des KWh, des euros et une réduction des nuisances lumineuses est de régler les périodes d’éclairage. Eclairer 11 heures ou 6 heures change beaucoup, or dans des milliers de communes en France, il n’y a personne dans les rues, minuit passé. 12 000 communes recensées par l’ANPCEN le comprennent désormais et pratiquent une part d’extinction en milieu de nuit ! On peut aussi mieux régler éclairage et extinction avec des horloges astronomiques basées sur le cycle solaire, diminuer le nombre de points lumineux, espacer davantage les lampadaires, réduire leur hauteur, diminuer les puissances installées souvent trop fortes, éviter les lumières trop blanches, etc. Pourtant, aujourd’hui la seule solution promue vers les maires est la dépense et l’endettement pour de nouveaux matériels, sans analyse globale. Commençons par les usages.

Milan (Italie) en 2012 lorsque la ville commencait à être éclairée au LED

Milan (Italie) en 2015

Quelles sont les alternatives aux Leds qui contribueraient à minimiser cet impact, sans mettre de côté notre confort de vie ?

Approche et coûts globaux des Leds sont soigneusement évités. On assiste à la multiplication des auto-allégations écologiques de leurs fabricants. Vérifiées par personne ni dans le temps, ni in situ et très partielles. L’ANSES, agence publique, dès 2010 que « l’impact environnemental des LEDS est nettement moins bon que les autres types d’éclairage ». D’autre part, elle donnait des alertes sanitaires très sérieuses sur ces lumières très brillantes, très blanches ou bleues sur la rétine des enfants, la vision des personnes âgées et sur les personnes exposées. Tout remplacer en Leds s’effectue aujourd’hui sans encadrement, sans recul, sans information indépendante sur leurs performances, sans filière de récupération mature, sans examen de la dépendance aux matières premières chinoises induite, sans analyse des conséquences sur l’environnement et sur la santé. Or, chacun est désormais multi-exposé, sans précaution pour la vue et la santé, depuis les chambres d’enfants éclairées toute la nuit avec des veilleuses bleues et à tout âge. Chez vous les Leds sont partout, (smartphones, tablettes, TV, électroménager, prises, veilleuses, éclairage, etc) en milieu professionnel aussi et dans l’espace extérieur : éclairage public, feux tricolores, phares de voitures, enseignes publicités etc. Les Leds envahissent tout : + 87 % (au moins) mis sur le marché en 2014 soit 37,1 millions. Cela prêterait à réfléchir… Mais non, pas de régulation, ni suivis épidémiologique ou environnemental indépendants. Ce que nous souhaitons est de faire de l’éclairage contemporain un enjeu positif pour la société et adapté aux enjeux du 21ème siècle, pas à ceux du 19ème ou 20ème

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