Vous n’en croirez pas vos narines : bienvenue dans les nouvelles stations d’épuration<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Europe
Les futures stations d'épuration devront gagner en performance.
Les futures stations d'épuration devront gagner en performance.
©

Atlantico Green

Pour répondre à la directive-cadre de la réglementation européenne en matière de qualité des milieux aquatiques, les stations d'épuration européenne devront gagner en performance. Tant mieux, de nouvelles technologies permettront d'y répondre, en faisant appel aux gaz émis pour fonctionner.

Jean Pierre Tabuchi

Jean Pierre Tabuchi

Jean Pierre Tabuchi est chargé de mission à la direction santé et environnement au SIAAP, le Service public de l’assainissement francilien.

 
Voir la bio »

Atlantico : Quel est aujourd'hui l'état de nos stations d'épuration dans les métropoles ?

Jean-Pierre Tabuchi : Au niveau français, les stations d’épuration des grandes villes sont quasiment toutes à niveau. Il reste tout de même des marges de progression, car la réglementation sur la qualité des milieux aquatiques est sous-tendue par la directive-cadre sur l’eau, qui fixe des objectifs ambitieux pour les pays européens.

La directive impose aux Etats membres que les milieux aquatiques (lacs, rivières, mer) atteignent le bon état. Chaque pays a sa propre définition du "bon état", mais un calendrier est fixé par cette directive. Ce calendrier a une échéance par défaut en 2015, mais des dérogations pouvaient tout de même être demandées par les états membres. La région parisienne a obtenu un report à 2021 pour les critères physico-chimiques, et à 2027 sur les éléments micropolluants.

La France s’était engagée à ce qu'en 2015 les deux tiers des masses d’eaux atteignent le bon état, mais elle ne sera pas au rendez-vous. Une partie du retard est due aux stations d’épuration, mais il y a aussi l’agriculture.

Des stations d’épurations "nouvelle génération" sont régulièrement inaugurées en France. Quelles sont les améliorations qui les caractérisent ?

Le premier enjeu de ces nouvelles stations n’est pas tant la capacité de traitement que la performance, c’est-à-dire l’aptitude à éliminer plus efficacement les polluants.

Le deuxième enjeu est celui de l’intégration de ces stations dans le milieu environnemental, surtout pour celles qui sont construites en milieu urbain. La maîtrise des odeurs est primordiale : pour ce faire, il faut fermer les endroits qui génèrent les mauvaises odeurs, et traiter l’air qui se trouve au-dessus. Autrement dit, c’est comme avec une boîte de camembert : soit elle n’est pas couverte et le fromage "pue", soit on pose un couvercle par-dessus et on aspire l’air à l’intérieur et on traite l'air.

Troisième enjeu, la gestion des énergies contenues : les eaux usées ont un contenu énergétique théoriquement suffisant pour assurer le traitement des eaux sans autre forme d’énergie. En pratique, ce n’est pas aussi simple, même si progressivement les stations sont de plus en plus nombreuses à couvrir environ 80 % de leurs besoins par ce moyen. Quelques une en Allemagne arrivent à être à 100 % autonomes, mais parce qu’elles s’adjoignent les services d’éoliennes.

Qu’en est-il des conditions de travail ?

Les conditions de travail se sont grandement améliorées pour les personnels : ce sont plus des usines désormais que des stations d’épuration. Les ergonomes prennent part à leur conception. On y trouve des ponts roulants… les espaces confinés sont traités car les employés restent exposés notamment aux aérosols. Bien que les études réalisées ne fassent pas état d’une grande dangerosité, la surveillance sanitaire reste très importante.

Une station d’épuration fait référence à New York : la Newtown Creek Wastewater Treatment Plant, à Brooklyn. Très imposante et malgré cela bien intégrée dans le paysage urbain, elle s’est fixée pour objectif de chauffer 5000 foyers alentour grâce au méthane récupéré. Quelle est la faisabilité d’un tel projet ?

C’est tout à fait possible pour les stations d'épuration qui produisent du méthane. Chez nous, jusqu’en juin 2014 il était interdit d’injecter dans le réseau de gaz public le biométhane issu des stations d’épuration. Maintenant que l’interdiction a été levée, les stations sont en mesure de fournir une source d’énergie aux habitations. Le biométhane produit, permet déjà aujourd'hui soit de produire de l’électricité au moyen de turbines à gaz, soit de faire fonctionner des moteurs thermiques. La première méthode permet un rendement de 30 % en matière d'électricité, contre 40% pour la seconde. En revanche, en injectant du biogaz dans le réseau public de distribution, on le substitue au gaz naturel d’origine fossile, ce qui donne un bilan environnemental très favorable, puisque ce biogaz a une empreinte carbone très faible. Pour résumer, 1 kWh/h de gaz consommé produit 0,3 kW d’électricité, alors que lorsqu'il est injecté, il se substitue complètement à l’énergie utilisée à l’origine. Sur le plan environnemental il est donc plus intéresser d’injecter du gaz que de produire de l’électricité.

Aujourd’hui tous les distributeurs de gaz cherchent à verdir leur marchandise, donc le biogaz bénéficie d’un tarif de rachat très intéressant. Cela devient une source de revenus pour les exploitants de stations d’épuration. D’ailleurs, même le marché reflète naturellement cette tendance.

Quelle est encore la marge d’optimisation dans le fonctionnement des stations ?

Une station d’épuration, c‘est une machine à transformer des polluants en bactéries, et donc en matière organique. Il faut extraire les bactéries pour produire l’eau purifiée. Ces bactéries produisent des boues qui ont un contenu énergétique. Il faut concevoir la station pour qu’elle consomme le moins d’énergie possible, puis tout se joue entre la consommation de biogaz et ce qu’il reste de boues. Pour éliminer ces dernières aujourd’hui en France, on les déshydrate, pour ensuite les épandre sur les champs. Problème : on dépense beaucoup d’énergie pour mettre gratuitement à disposition des agriculteurs ces boues. Par contre si on valorisait leur potentiel d’énergie en les incinérant en tout ou partie, on pourrait optimiser le cycle de production d’énergie. Ce serait une manière d’être encore plus rentable économiquement parlant au bénéfice du prix de l'eau. Ce changement de logique n’est pas exclu à l’avenir.

Il n’y a pas que le méthane que l’on peut réutiliser…

Les eaux usées sont riches en phosphore et en azote. Le phosphore connaît le même problème que le pétrole, s’agissant d’une ressource minérale, d’ici 200 à 300 ans il pourrait ne plus y en avoir pour l’agriculture, et nourrir la planète deviendrait impossible. C’est pourquoi il faut valoriser le phosphore contenu dans les eaux usées. Les engrais azotés, eux, ne coûtent pas cher car ils sont produits à partir du gaz naturel, dont le cours a récemment baissé. Mais si l’inverse se produisait, le prix des engrais azotés deviendrait insupportable. Dans ce cas, la ressource que constituent nos urines ne sera pas négligeable. Dans beaucoup de pays en voie de développement les urines gagneraient à être récupérées séparément. Cela commence, c'est une orientation très prometteuse sur le plan environnemental comme économique. Même dans nos confortables sociétés occidentales, la chose est à l’étude, car l’avenir est compliqué : autour de Paris par exemple, la population est de plus en plus nombreuse, ce qui implique d’éliminer des quantités de polluants encore plus importantes. Or contrairement à ce que l’on peut lire un peu partout, le grand problème posé par le changement climatique, ce ne sont pas les inondations, mais les sécheresses. D’ici 2050 le débit de la Seine pourrait diminuer de 20 à 40 %. Dans de telles conditions, difficile de ne pas régresser dans la qualité de l’eau de nos rivières. Cela conduit à s'interroger sur l'assainissement de demain.

Pour faire face à ces contraintes, nous pourrions faire en sorte que les nouvelles constructions permettent une collecte à part des urines, afin de sortir l’azote du cycle urbain de l’eau. C’est un changement sociétal radical, car les hommes doivent accepter d’uriner en position assise. Il existe pour cela pour des cuvettes recueillant à l’avant les urines, et à l’arrière les matières fécales. Eh oui, Monsieur, comme Madame, devront pisser assis !

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !