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Bourgi et le silence de DSK
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Revue de presse des hebdos

Et si, avec toutes ces histoires de mallettes, DSK, finalement, ne parlait pas ? Tentant, mais pas réaliste. En attendant l’intervention télévisée imminente de l’ex-patron du FMI, l’affaire Bourgi occupe les unes. Et préoccupe l’Elysée.

Barbara Lambert

Barbara Lambert

Barbara Lambert a goûté à l'édition et enseigné la littérature anglaise et américaine avant de devenir journaliste à "Livres Hebdo". Elle est aujourd'hui responsable des rubriques société/idées d'Atlantico.fr.

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Vous avez remarqué ? Avec la bombe lâchée par Pierre Péan jeudi dernier dans “ Le Point ” et l’explosion Bourgi dans le “ JDD ” dimanche, on n’a presque pas parlé du passage de DSK lundi devant la Brigade de répression de la délinquance à la personne dans l’affaire Banon. Tout le monde — et c’est bien compréhensible, après tout — n’a plus que des affaires de mallettes à la bouche. Révélé dans “ Paris-Match ” la semaine dernière (voir la revue de presse de samedi), le calendrier fixé par les conseillers en com de Dominique Strauss-Kahn laissait entendre que l’ex-patron du FMI s’exprimerait sur une chaîne de télévision peu de temps après sa convocation à la BRDP, vraisemblablement “ face à une femme ”. Verra-t-on DSK ce week-end dans le journal de Claire Chazal ? Suspense. En même temps, on ne peut s’empêcher de se poser la question : quel sera l’impact de cette intervention qu’il y a quinze jours à peine on brûlait d’entendre dans le tumulte qui, depuis une semaine, fait trembler jusqu’à l’Éysée ?

Comptes de campagne

Pour le PS, une chose est sûre, la prestation télévisée de DSK aura un coût. “ Ses interventions, nous apprennent les “ Inrocks ”, seront comptabilisées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel dans le temps de parole du Parti socialiste. Même s’il entreprend de raconter par le menu ce qui s’est passé dans la chambre 2806, explique l’hebdo, c’est le chronomètre du PS qui se mettra en marche ”. Injustice ? Le CSA stipulant que “ hors période électorale, seules sont décomptées les personnes ayant une carte à tel ou tel parti ”, la parole de Carla Bruni qui “ interviewée dans “ Sept à huit ”, chante les louanges de son mari et persifle “ Vous avez compris l’épilogue de l’affaire DSK ? Pas moi ” n’est pas comptée. (…) On arrive facilement à des situations absurdes ”, conclut le journal qui, ce faisant, souligne le poids des primaires dans le décompte du temps de parole socialiste : “ Même s’il s’agit d’une bagarre entre socialistes, toute parole est à verser dans le pot commun ”, indique-t-il. Compliqués, les comptes — et décomptes — de campagne. De là à ce que DSK, surfant sur la vague Bourgi, abandonne, bien heureux, l’idée de parler devant les Français, il y a un pas.

Bourgi, porteur de valises pour la droite et la gauche

Le documentaire de Patrick Rotman sur la rivalité entre Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin sera-t-il comptabilisé dans le temps de parole de l’UMP ? Ce que l’on apprend, en tout cas, via “ Le Point ”, c’est que “ l’affaire Bourgi a relancé l’intérêt des “ Fauves ”, prévu sur France 2 le 25 septembre. (…) Commandé par Carolis pour le prime time, il a été différé vers 22 h 30 par France 2. Tant pis pour les 500 000 euros investis ”.

500 000 euros — gloups !, c’est peu en regard des millions que Robert Bourgi dit avoir “ porté ”. Est-il crédible ?, s’interroge le news. “ Une certitude : il connaît la question. La “ Françafrique ”, il est tombé dedans dès son enfance. Son père, Mahmoud Bourgi, un Libanais installé à Dakar, où il a fait fortune dans l’arachide, était déjà l’un des meilleurs informateurs de Jacques Foccart, selon celui-ci ”. D’après “ “ le porteur de valises ”, comme il s’appelle lui-même, raconte “ Le Point ”, tous les présidents de la Ve République, depuis Pompidou jusqu’à Jacques Chirac — et donc pas Sarkozy —, ont bénéficié de financements africains. Droite et gauche confondues. Roland Dumas et François de Grossouvre, qui furent, l’un ami et ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand, l’autre son conseiller à l’Elysée, étaient aussi des habitués des palais africains ”.

Sarkozy “ éclaboussé ”

Reste la question pendante : Nicolas Sarkozy en a-t-il lui aussi “ croqué ” ? “ Voilà des années que la rumeur africaine – et parisienne – susurre que l’inimitié entre Robert Bourgi et Dominique de Villepin date des années qui ont précédé la dernière élection présidentielle de 2007, note “ Le Point ”. Rentrant du Gabon et du Congo Brazzaville avec deux mallettes, une pour chaque candidat de la majorité, Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy, Bourgi aurait réalisé que l’ancien Premier ministre n’avait plus aucune chance de l’emporter et aurait remis les deux mallettes à son concurrent, Sarkozy. Vrai ou faux ? Autre version de l’affaire : dans le livre de Pierre Péan “ La République des mallettes ”, un ancien conseiller de l’Élysée raconte comment Bourgi aurait déposé une de ces précieuses mallettes aux pieds de Sarkozy ”.

Vraies ou fausses, les révélations de Bourgi et Péan ? “ Leur effet, pointe l’hebdo, est dévastateur. (…) Au début de l’affaire, le président a plutôt souri. “ Il n’a pas versé de larmes de crocodile ”, témoigne un fidèle. Cela ne lui déplaisait pas de voir ses anciens ennemis empêtrés dans des histoires de financement occultes. Et comme Bourgi prenait soin de dire qu’en aucun cas ces pratiques n’avaient continué, il se sentait à l’abri. Il est désormais conscient de pouvoir être touché. Car l’opinion publique ne fera pas forcément le distinguo entre Chirac, Villepin, et lui. Surtout que Bourgi a été un de ses plus proches collaborateurs, a été décoré par lui, a joué un rôle important comme messager des présidents africains auprès de l’Élysée depuis 2007. D’où les questions : comment Nicolas Sarkozy a-t-il pu utiliser les services d’un homme qui a eu un rôle aussi sulfureux dans le passé ? Est-il vraisemblable que l’arrivée de “ valises ” se soit arrêtée net avec Sarkozy ? Si ce dernier était au courant depuis 2005, pourquoi n’a-t-il pas saisi la justice ? ”

Sarkozy et la Libye

Éclaboussé par l’affaire Bourgi, Sarkozy ? “ Les Inrocks ” et “ Le Nouvel Obs ” le disent aussi. Dans l’hebdo “ de gauche ”, Laurent Joffrin le souligne cependant : “ Pour combattre la corruption, il faut désigner les coupables preuves à l’appui ”. Est-ce pour pallier ce manque de preuves patentes ? Surfant sur les révélations de Pierre Péan qui, dans son livre “ La République des mallettes ” (Fayard), dénonce, notamment, le versement de commissions à la Libye pour la libération des infirmières bulgares (voir la revue de presse de jeudi dernier), “ Le Nouvel Observateur ” consacre un papier à “ l’incroyable revirement ” du président vis à vis du colonel Kadhafi. 

Accusateur, et passablement accablant, l’article mentionne entre autres faits la signature, fin 2010, d’un contrat entre la société française Amésys et Tripoli, révélée à l’époque par “ Le Figaro ”. “ Il s’agit d’un contrat de 10 millions d’euros, négocié par l’inévitable Takieddine (visant à former) les agents de services secrets libyens à l’utilisation du système d’écoute Eagle, note l’hebdo. “ Nous avons mis tout le pays sur écoute, confie la source du “ Figaro ”. On faisait du massif : on interceptait toutes les données passant sur le web. Mails, chat, navigation internet et conversations sur IP ”. Les personnes visées ? Les opposants, botte en touche “ L’Obs ”. Ceux-là même que, trois ans plus tard, Nicolas Sarkozy décidera d’aider massivement ”.

Où est passé l’argent de Kadhafi ?

Histoire d’enfoncer le clou, “ Le Nouvel Observateur ” se fend d’un autre papier intitulé “ Où est passé l’argent des dictateurs ? ”. A en croire l’hebdomadaire, “ les États-Unis, le Japon, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Autriche, la Suède, et même la Suisse, ont rapidement indiqué les montants des avoirs libyens gelés sur leur sol. Tous… sauf la France ! Il a fallu attendre la conférence de soutien à la Libye nouvelle à Paris pour apprendre que l’Hexagone avait bloqué 7,6 milliards d’actifs. Pourquoi ce manque de transparence ? Malgré nos demandes répétées, indique “ L’Obs ”, personne, ni à Bercy ni à la direction générale du Trésor, où le bureau des investissements, de la lutte contre la criminalité financière et des sanctions est chargé de suivre ce dossier, n’a donné d’explications. “ Comme Nicolas Sarkozy était en première ligne dans la guerre contre Kadhafi après l’avoir reçu en grande pompe à Paris, il a sans doute voulu redoubler de prudence jusqu’à la réussite de l’opération militaire ”, avance un financier bien introduit à l’Élysée ”.

Plus embêtant encore, le news indique que “ si, pendant des années, les banquiers français sont restés muets comme des carpes sur leurs petites affaires libyennes, les patrons des autres sociétés du CAC 40 ne s’en sont pas plus vantés. Dans les milieux d’affaires français, on avait coutume de dire que Mouammar Kadhafi avait placé son argent en Grande-Bretagne et en Italie. Un rapport du LIA (Libyan Investment Authority) daté du 30 juin 2010 dévoile pourtant que le fonds détenait des participations dans les groupes Lagardère SCA, France Télécom, Vivendi, GDF, EDF, Lafarge et Danone. Que sont devenues toutes ces participations ? Mystère. Avec Kadhafi, les traqueurs d’avoirs détournés risquent d’être occupés pendant de nombreuses années, à condition, bien sûr que leurs gouvernements, une fois éteints les projecteurs post-révolutionnaires, ne leur mettent pas la bride sur le cou ”.

Sur l’air du “ tous pourris ”

Sale temps pour l’Élysée. Mais pas que… Histoire de remettre les pendules à l’heure, Thomas Legrand, dans “ Les Inrocks ”, qu’on ne peut pas suspecter de rouler pour l’UMP, fait un petit rappel à l’ordre : “ Le PS avait largement de quoi savoir quel genre de premier secrétaire fédéral et quelle espèce de président de conseil était Guérini. Le PS n’a pas voulu ouvrir les yeux sur la réalité d’une puissante fédération et se retrouve maintenant obligé de se désolidariser de celui dont il n’a pas voulu voir le côté équivoque. Robert Bourgi, l’homme qui avoue avoir porté des valises de billets à l’Elysée sous Chirac. Cet homme trouble, incarnation de la “ Francafrique ”, est toujours dans l’entourage de Nicolas Sarkozy. (…) Bourgi et Guérini n’avaient plus rien à faire au PS et à l’Élysée. En les maintenant, les deux grands partis de gouvernement enfournent de belles pelletées de charbon dans la chaudière de la locomotive du FN. Dimanche, Marine Le Pen a pu ajouter, au dernier moment, un petit paragraphe très efficace sur l’UMPS et le “ tous pourris ”, grâce aux déclarations du Monsieur “ françafrique ” de Nicolas Sarkozy. Merci pour elle ”. Irresponsables, les politiques ? La remarque vaut aussi, peut-être, pour la presse qui, semaine après semaine, surfe sur la crête des “ affaires ”, qu’elle se contente bien souvent d’aligner. A huit mois de la présidentielle, et un mois de la primaire, il est temps de se réveiller. 

A lire encore

A quelques heures du grand débat télévisé des candidats aux primaires, “ L’Obs ” a convié les six socialistes en lice à une confrontation avec sa rédaction. Histoire de pouvoir “ les différencier ”. Est-ce que ça marche ? Plutôt, oui. Reste à voir ce qu’ils donneront ce soir devant David Pujadas.

Dans “ L’Express ”, plutôt que la couverture sur “ Les amis encombrants de la droite ”, où l’on n’apprend guère plus que ce qu’on a déjà lu, lisez “ Un lobbyiste très cocardier ” sur le député UMP Bernard Carayon, “ God Save l’uniforme ”, et “ Houellebecq, roi de Patagonie ” : depuis la mort de son chien Clément, l’écrivain, y apprend-on, est assez déprimé. Mais toujours drôle.

Dans “ Le Point ”, les extraits des “ confessions intimes de Jacqueline Kennedy ” sur John nous ont laissé sur notre faim. Plus instructif est le papier sur “ La révolte du compagnon blessé ”, on a nommé Pierre Charon, “ entré en dissidence ” contre le président. Et sinon : “ L’ombre du milieu sur la mort du PDG ” Fabrice Vial, “ Douch, machine à tuer des Khmers rouges ”, “ Le sacrifice de la Grèce n’est plus tabou ” et “ Canal +, les dessous d’un coup de force ”, à comparer avec “ Le pied de nez de Canal + à TF1… et à l’Élysée ” dans “ L’Obs ”. Dans “ L’Obs ”, toujours, “ Japon : sus aux mandarins ” et “ SOS Santé ”. Dans “ Challenges ”, “ Le problème avec les banques ”.

Dans “ Les Inrocks ”, enfin, l’appel de Pierre Rosanvallon à “ vite revenir à l’esprit de la révolution démocratique ” et “ Objectif Wall Street ” sur “ la prise démocratique et populaire de la première place financière du monde ” programmée le 17 septembre. Une belle idée, naïve, qui ne servira à rien. Mais situe bien, en même temps, l’objet des révolutions d’aujourd’hui.

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