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Le réchauffement climatique pourrait à terme aller modifier la carte de nos terroirs
Le réchauffement climatique pourrait à terme aller modifier la carte de nos terroirs
©Reuters

Du bourgogne en Aquitaine

Le réchauffement climatique a un effet direct sur la production de vin, à travers les perturbations de la température par exemple. Mais à terme, il pourrait bien aller jusqu'à modifier la carte de nos terroirs.

James de Roany

James de Roany

 

A participé à la rédaction du rapport "Le vin dans le monde à l'horizon 2050" en tant que président de la commission des Vis et Spiritueux et des conseillers du commercer extérieur de la France. Actuellement CEO chez Global vini.

 

 

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Atlantico: Le secteur du vin n'est pas épargné par le réchauffement climatique. Il devrait y entraîner une série d'évolutions dans les cinquante années à venir que ce soit en matière de produit, de culture et de consommation. Comment la hausse et la baisse de température influent-elles sur le vin?

James de Roany : Le vin est un produit agricole et dans différentes zones, le réchauffement des températures n'est pas mesurable. S'il s'agit de deux, trois degrés, ce n'est pas dramatique, au contraire, cela fait démarrer la vie du raisin plus tôt. Il y a une forme d'accélération. Plus il fait chaud tôt et plus la vigne démarre, et est également plus sensible au gel.

Le fait de vendanger plus tôt avec un rythme accéléré est du à des raisins dont la maturité est "distordue". La maturité du sucre intervient plus tôt mais la maturité des acides ne va pas au même rythme : il y a donc un déséquilibre. A deux ou trois degrés de réchauffement, on peut laisser murir et dés alcooliser après vendange. Aujourd'hui, on retire l'alcool dans 75% des vins en Californie. L'effet est donc majeur.

Des taux d'alcool plus importants peuvent-ils impacter la consommation ? Cela ne risque-t-il pas d'aller contre la tendance qui consiste à siroter plusieurs verres le long de la journée ?

Je pense que plus un produit est sucré, plus il est alcoolisé, plus il est plaisant. ça ne plait pas à ceux qui s'occupent des questions de santé publique, mais c'est assez vrai. Le sucre et l'alcool sont tout deux attirants. Globalement les vins sont plus séduisants, un peu moins fins mais il y aura toujours une production de vins fins. Mais des vins typés aux goûts de fruits, ronds, agréables, et gouleyants, c'est comme même plus attractif.

Quel impact aura l'évolution climatique sur le goût, les arômes des crus? Les vins de demain seront-ils éloignés de ceux d'hier ?

Les vins aujourd'hui sont très différents de ce qui se faisait il y a encore trente ans. Il y a le facteur réchauffement climatique, mais pas seulement. C'est également le fait des progrès en matière de technologie. Autrefois on avait tendance à mettre dans des cuves et à attendre, or aujourd'hui ce n'est plus le cas.  Les vins sont plus gras, beaucoup plus alcoolisés et souvent plus sucrés, moins secs qu'autrefois. Le vin sont ronds, charnus, plus lourd, plus alcoolisé.

Va-t-on vers un déplacement des zones de production vers des endroits plus frais ? Se dirige-t-on vers une nouvelle géographie des producteurs de vin ?

Pour faire murir un raisin il faut des sommes de températures et on sait que pour faire murir un Cabernet Sauvignon, un Chardonnay, ou un Syrah, les sommes sont différentes. Si on dépasse les trois degrés, on va être obligé de changer de cépage. Si la température augmente trop, on aura tendance à mettre du Syrah (Rhône) en Bourgogne, du Pinot en Loraine, en Belgique ou en Angleterre. Cela va changer les goûts du vin les typicité aujourd'hui.

D'habitude les agronomes déterminent les terroirs d'après trois facteurs : climat, sol, plante et le climat participe à ces critères à hauteur de 50%. Par conséquent, si le climat change, le terroir et la typicité de la production changera aussi. Mais quand on plante une vigne on la plante pour 40 ans. Donc tous les amateurs de vins se posent la question. Difficile d'imaginer la Bourgogne sans pinot !

Le réchauffement est plutôt positif. Il va faire apparaître davantage de nouveaux vignobles qu'il ne va en détruire. La viticulture est menacée dans le Sud-Est si le réchauffement atteint les 3°C ou 4°C en bord de mer, Languedoc, Provence. Leurs ressources en eau est un problème. On ne donnera pas l'eau en priorité à la viticulture on donnera l'eau aux humains. Chaque fois que la température augmente d'un degré, la vigne se rapproche de 80 à 240 km vers cette zone. Quand c'est vers le sud du globe, cela n'impacte quasiment que l'Australie mais vers le Nord, on touche alors beaucoup de nouveaux pays qui peuvent cultiver de la vigne comme la Belgique, certains pays de l'Est, le Canada... Dans le Sud de l'Oregon on cultive le pinot noir de bourgogne, le panorama de production mondiale de vin évolue. La Chine peut aussi en profiter, et elle se développe d'ailleurs de manière colossale. Le gouvernement chinois prétend qu'en 2030 ils pourraient devenir les premiers producteurs mondiaux.

Quelles conséquences cela pourrait-il avoir sur ce secteur en France ?

Le vin est essentiellement occidental et méditerranéen dans l'Histoire. On a trouvé des traces de sa production au Liban il y a 4 000 ans, et en France depuis 2 600 ans. D'un seul coup avec le réchauffement climatiquela concurrence sera plus rude, mais en même temps la consommation mondiale augmente. Nous vendons des machines agricoles et viticoles dans le monde entier. Les œnologues français, eux-aussi travaillent dans le monde entier. Bien sûr les anglais commencent déjà dans un climat qu'avait la Champagne il y a 20 ans. Dans le Devon, des gens commencent à planter pour produire un sparkling (pétillant ndlr) qui ressemblera beaucoup au Champagne, ils n'ont plus qu'à prendre des pieds de nos régions. Je trouve ces évolutions très positives.

Quelles sont les solutions que les vignerons pourraient employer ? Et a quel prix ? 

Pour éviter que la peau du raison grille, il y a une technique qui est de laisser beaucoup plus de feuilles sur la vigne. Le problème c'est que plus on laisse de feuille plus la plante va fabriquer du sucre et plus y aura donc de d'alcool.

Autre astuce intéressante, pour transformer le sucre en alcool il y a des levures qui le transforment en alcool. On peut utiliser des sources de levures moins performantes pour faire moins d'alcool. Mais on a un vin un peu plus sucré, ce qui contribue à changer le profil organoleptique du vin, c'est à dire son goût. Il y a aussi des scientifiques qui ont la tentation des OGM, dont les espèces sont plus résistantes au soleil et à la sécheresse. En Europe on n'est pas sûr de les utiliser car on est relativement anti OGM mais ce problème de conscience n'est pas partagé par tous les autres continents.

Il existe aussi la viticulture de précision : utiliser des machines dotées d'un GPS et de capteurs, connectés à une base de données. Elles permettent d'adapter les plans d'irrigation et de traitement à chaque pied de vigne plutôt qu'à la parcelle globale. Cela entraîne moins de consommation d'eau et de produits chimiques.

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