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Le remaniement, c'est fait : prochaine étape, la dissolution ? ; Juppé candidat à la primaire de l'UMP : la (grôsse) pierre dans le jardin de Nicolas
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Revue de presse des hebdos

Mais aussi les coulisses - étonnantes - d'un remaniement visiblement pas prévu, le programme du nouveau ministre de l’Économie Emmanuel Macron, la rupture de Jean-Luc Mélenchon avec le Parti de gauche et le lancement de son "mouvement pour la VIe République", et, et, et... la fin de "l'idéologie socialiste traditionnelle". Béton, la revue de presse des hebdos !

Barbara Lambert

Barbara Lambert

Barbara Lambert a goûté à l'édition et enseigné la littérature anglaise et américaine avant de devenir journaliste à "Livres Hebdo". Elle est aujourd'hui responsable des rubriques société/idées d'Atlantico.fr.

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On s'attendait à une rentrée musclée, on peut dire que ça n'a pas traîné... Etant donnée la soudaineté du remaniement opéré entre lundi et mardi, on se demandait si les hebdos allaient avoir matériellement le temps de traiter le sujet. A l'exception de "L'Express", tous, jusqu'aux "Inrocks", y sont arrivés. A l'heure où "Libé" entreprend douloureusement de faire sa révolution, c'est au moins une bonne nouvelle pour la presse écrite. Quant à savoir si ce changement de gouvernement est une bonne chose pour nous, bah, c'est en bas...

Remaniement : les deux gros points de blocage

Comme les commentaires et les analyses abondent, ce jeudi, autour du remaniement express de lundi, on va essayer de faire synthétique-concentré. Si on résume, il y a deux gros points de blocage. D'abord, la décision du gouvernement de se défaire des "gauchistes" Arnaud Montebourg et Benoît Hamon et de nommer à l'Economie un "suppôt de la finance", en la personne d'Emmanuel Macron, dont tous vos hebdos, pourtant, s'accordent à reconnaître les qualités et les compétences. Ce qui coince ici — pour la presse "de gauche", s'entend —, c'est l'alignement sur une politique économique "sociale-libérale", et ses répercussions sur l'avenir de la gauche. "François Hollande est passé du discours de candidat qui fustigeait la finance à celui d'un chef d'Etat qui assume l'étiquette sociale-libérale et conduit une politique de l'offre. Pour la gauche française, c'est historique", écrit Ghislaine Ottenheimer dans "Challenges". "Historique" signifie-t-il "cataclismique" ? Pas forcément, selon la journaliste : "en acceptant de se séparer des représentants de l'aile gauche de son parti, de ceux qui ne cessent de saper sa politique d'assainissement des finances publiques, observe-t-elle, le chef de l'Etat a passé un cap, crevé l'abcès, en quelque sorte". Reste à faire le job, autrement dit, à obtenir des résultats. Reste, accessoirement — mais ce n'est pas si anodin — à accepter cette mue idéologique et, plus important, à trouver ce que l'on met à la place. Laissons la question de côté, pour l'instant, nous y reviendrons plus tard. Car le principal point de blocage, celui qui préoccupe la presse de gauche comme celle de droite, c'est la signification de ce remaniement, ce qu'il trahit de fébrilité — ou d'incapacité, et ses répercussions à brève échéance... Prêts pour le grand voyage ? Allez, on y va...

Hollande "condamné à la double peine"

Commençons par les réactions "sur le vif" des éditorialistes... "Mozart de l'équivoque, François Hollande s'est échiné, sitôt élu, à embrouiller son monde en ménageant sa "gauche", écrit Franz-Olivier Giesbert dans "Le Point". Plutôt que de se transcender en président de tous les Français, il a ménagé la chèvre, le chou et la rose, pour ne pas désespérer Solférino ou ce qu'il en reste. Erreur mortelle : au lieu de baisser les dépenses publiques pour résorber les déficits, ce qui était l'urgence, il a augmenté les impôts, ce qui reste socialiste, mais suicidaire à tous égards. Le travailliste Harold Wilson avait déjà mené cette politique dans la Grande-Bretagne des années 6à et 70. Un fiasco absolu qui prépara le terrain pour Margaret Thatcher. M. Hollande est donc condamné à la double peine : après l'échec économique, la débine politique qui, dans les prochaines semaines, devrait l'amener à paraphraser, à propos des socialistes, François Bayrou quand il disait que rassembler les centristes, "c'est comme conduire une brouette pleine de grenouilles : elles sautent dans tous les sens". Surtout quand elles se croient plus grosses que le boeuf". Toujours en forme, Franz... Et du côté de "L'Obs", qu'est-ce que ça dit ? C'est un peu plus yipee, yipee ?

Un beau "gâchis"

Pas franchement. "Quel gâchis !, s'exclame Matthieu Croissandeau. L'histoire (la petite...) retiendra donc que le gouvernement de combat de Manuel Valls est tombé sans combattre, victime d'une mutinerie et d'un coup de menton. Le départ d'Arnaud Montebourg était écrit. "L'Obs" l'avait d'ailleurs raconté dès le mois de juin dernier (voir la RP du 19 juin). Et ce qui surprend dans cette affaire, justement, c'est que tout le monde se soit laissé surprendre. L'impétueux ministre du Redressement productif espérait claquer la porte en choisissant son heure et sa manière ? Le voilà réduit à déguiser son limogeage en démission. Le Premier ministre se targuait d'avoir ramené l'autorité et la fermeté au gouvernement... Le voilà contraint de provoquer une crise de régime en remaniant l'ensemble de son équipe, faute d'avoir pu ou su faire rentrer les récalcitrants dans le rang. (...) Ainsi va la gauche française, incapable de vivre et de gouverner ensemble sur la durée. Il y a seulement deux ans, elle disposait de tous les pouvoirs. Aujourd'hui, elle n'a jamais paru aussi moribonde. Quel gâchis !"

Dans les coulisses du remaniement : où l'on voit Fabius y mettre son petit grain de sel

A droite, à gauche, l'effet de ce remaniement fait l'unanimité contre lui, on dirait... En sait-on plus sur ses dessous, ses coulisses ? Oui, da. Et grâce à "L'Obs", figurez-vous ! Après les sorties dans la presse du week-end de Montebourg ("La réduction à marche forcée des déficits est une aberration économique et une absurdité financière") et d'Hamon ("Arnaud et moi ne sommes pas loin des frondeurs"), "A l'Elysée, dimanche soir, le président fulmine plus encore que son Premier ministre, raconte l'hebdo. Une décision sera prise, et elle est imminente. Pour l'heure, deux scénarios sont envisagés. Les deux têtes de l'exécutif hésitent entre sanctions personnelles ou remaniement du gouvernement tout entier. Si la nuit porte conseil, elle ne calme pas forcément les esprits. Le lendemain matin, toujours au Château, ils optent pour la deuxième solution, à l'incitation, notamment, de Laurent Fabius. Le très rigoriste ministre des Affaires étrangères qui suggère de poser en même temps une question de confiance à tous les ministres : c'est la loyauté totale ou c'est la porte ! A 9 h 30, donc, le communiqué tombe : "Le chef de l'Etat a demandé au Premier ministre de constituer une équipe en cohérence avec les orientations qu'il a lui-même définies pour notre pays". Et le ballet des ministres de commencer à Matignon". Ah, c'est trépidant, cette histoire ! C'est pas fini...

Scoop !(?) : Hamon devait rester

"Si Montebourg est condamné d'office, rapporte encore "L'Obs", il n'en va pas de même pour Hamon. Le Premier ministre n'entend pas s'aliéner toute l'aile gauche du PS. De fait, lors de leur entretien, Valls lui propose de demeurer à son poste, à la condition, comme convenu, d'une fidélité sans faille à la ligne gouvernementale. En guise de réponse, Hamon lui retourne une question : "Y aura-t-il une inflexion de la politique économique du gouvernement ?" Valls lui répète qu'il n'en est pas question. Le tout frais ministre de l'Education acte son départ". L'aura même pas fait sa première rentrée, dis donc...

Montebourg "surpris", Hamon "marri"

Et comment Montebourg et Hamon ont-ils vécu leur "éjection" ? Arnaud Montebourg "imaginait toujours que son poids politique lui permettrait toutes les audaces, analyse "L'Obs". Montebourg avait d'abord été l'allié de référence de Hollande en lui permettant de remporter la primaire. Puis celui de Valls, en le poussant jusqu'à Matignon. Mais s'il était le faiseur de rois, il n'était pas le roi lui-même. Cela ne l'empêchait pas, pourtant, de se comporter comme tel. D'où son désarroi désormais. Quelques instants après l'annonce du remaniement, il se promenait ainsi dans les couloirs de Bercy en martelant, comme pour se justifier : "J'avais un deal avec Valls, ce n'est pas moi qui l'ai trahi, c'est lui !" (...) "Montebourg est un allié, mais nous ne sommes pas liés par un contrat, martèle le Premier ministre en privé. Il n'y a qu'une ligne, celle du Président. Je lui ai dit à plusieurs reprises..."" Quid de l'ex-ministre de l'Education ? A en croire "Le Point", "Même Benoît Hamon est fort marri de son sort : contrairement à ses déclarations publiques, il est entraîné vers la sortie malgré lui, à dix jours de sa première rentrée des classes Rue de Grenelle. Hamon n'était plus le chef des rebelles de la gauche du PS, lesquels l'avaient renié. "Pour se remettre au niveau de ses rivaux de sa génération, il avait fait le choix, en pactisant avec Valls, de s'institutionnaliser dans un poste important plutôt que végéter à l'aile gauche du parti", soutient l'un de ses proches".

Prochaine étape : la dissolution ?

Mais prenons un peu de distance, voulez-vous ? Par-delà l'effet de ce remaniement, par-delà ses coulisses, ses petits drames d'ego et d'ambition, que signifie vraiment ce changement éclair de gouvernement ? Que traduit-il — et qu'implique-t-il ? "Montebourg est viré, mais il ne quitte pas seul le navire gouvernemental, constate "Le Nouvel Obs". Les départs concomitants — et volontaires, eux — de Hamon et Filipetti augurent d'un renforcement de la fronde à l'Assemblée nationale. Et si Hollande et Valls n'avaient fait que déplacer le problème, du gouvernement au Parlement ?" Frapper très vite et très fort, comme l'a fait le gouvernement, faire montre de "plus d'audace, n'est-ce pas risquer de se priver de sa majorité ?, se demande "Challenges". (...) Le Premier ministre ne veut pas faire voter le Budget de force, il ne veut pas utiliser le 49-3, et il a composé son gouvernement de façon à préserver les équilibres, mais tout le monde sait que l'étape suivante, c'est la dissolution (...)". "François Hollande pourra-t-il aller jusqu'au bout de son quinquennat avec une Assemblée où sa "majorité" est composée d'un tiers de députés frondeurs ?, s'interroge Franz-Olivier Giesbert. Il y a un an et demi, nous écrivions dans "Le Point" que la dissolution était la meilleure des solutions possibles pour le président. C'est plus que jamais d'actualité". Et quourpoi, hmmm ? On peut avoir des détails, des 'tits éléments concrets, histoire de se faire une idée ?

Pourquoi la dissolution nous pend au nez

"Avec 290 députés socialistes au Palais-Bourbon, nous explique "Le Nouvel Obs", le gouvernement peut, en théorie, s'appuyer sur un groupe qui dépasse, d'une voix, la majorité absolue. Mais les désaccords exprimés depuis des mois par plusieurs dizaines de députés sur le cours de la politique économique du gouvernement ont ébranlé cette assise. Début juillet, 33 députés socialistes s'étaient abstenus sur le budget rectificatif de la Sécurité sociale. Le 29 avril, ils étaient même 41 à avoir fait défaut lors du vote sur le programme de stabilité, adopté avec une courte avance de 16 voix. La majorité ne tenait déjà plus qu'à un fil : si les 41 députés abstentionnistes avaient opté pour un vote contre, le gouvernement aurait été mis en minorité". Etant donné le contexte, vous voyez la difficulté ?

Emmanuel Macron : le mea culpa

Le nouveau ministre de l'Economie Emmanuel Macron aura-t-il le temps d'appliquer la politique qu'il préconise ? Mystère et boule de gomme... Est-ce pour tenter, envers et contre tout, de s'allier les Français ? Dans l'interview exclusive qu'il donne au "Point" ce jeudi, l'ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée (qui a aussi pratiqué la philosophie au côté de Paul Ricoeur) commence par faire son mea culpa : "(...) c'est vrai que la fiscalité a trop augmenté, reconnaît-il. Cela n'a pas été assez anticipé, et j'y ai ma part de responsabilité. Pour tenir les engagements budgétaires à un moment où la zone euro était en danger extrême, il fallait augmenter les impôts. Simplement, cela a été fait alors que nos prédécesseurs avaient eux-mêmes décidé plus de 30 milliards d'euros de hausses d'impôts en fin de mandat... Au total, entre 2010 et 2013, les impôts ont ainsi augmenté de plus de 60 milliards d'euros. L'exécutif n'avait certes pas beaucoup d'options à l'été 2012, mais c'était trop. Depuis, plusieurs dispositifs ont été corrigés. La fiscalité sur les plus-values a par exemple été reprise, et fait de la France un pays attractif pour les détentions à moyen et long terme. Les allègements fiscaux et sociaux décidés pour les ménages comme pour les entreprises et reflétés par le pacte de responsabilité vont en ce sens également. Restent des débats importants : il est clair que dans notre pays, qui a besoin d'investissements, la structure et le niveau de fiscalité ne sont plus adaptés". C'est toujours bon à entendre...

"C'est le moment de passer à l'étape 2 de la modernisation du marché du travail..."

... Mais cela cache nécessairement d'autres annonces, forcément moins glop. "C'est le moment de passer à l'étape deux de la modernisation du marché du travail, parce que cela n'a pas d'impact déflationniste et peut restaurer la confiance, nous informe le ministre. Rehausser et simplifier les seuils sociaux permettrait de lever un obstacle traumatisant pour beaucoup de petits patrons, sans pour autant changer la vie des salariés. Ensuite, nous pourrions autoriser les entreprises et les branches, dans le cadre d'accords majoritaires, à déroger aux règles du temps de travail et de rémunérations. C'est déjà possible depuis la loi de juillet 2013, mais sur un mode défensif, pour les entreprises en difficulté. Pourquoi ne pas étendre ce dispositif à toutes les entreprises, à la condition explicite qu'il y ait un accord majoritaire avec les salariés ?"

Emmanuel Macron chercherait-il à "déverrouiller les 35 heures sans le dire" ?

—"En somme, il s'agit de déverrouiller les 35 heures sans le dire..." réagit "Le Point". —"Non, il s'agit de sortir de ce piège où l'accumulation des droits donnés aux travailleurs se transforme en autant de handicaps pour ceux qui n'ont pas d'emploi, en particulier pour les jeunes et les Français d'origine étrangère, réplique le ministre. Mais c'est difficile à porter, spécialement quand on est de gauche. Là où être socialiste consistait à étendre toujours les droits formels des travailleurs, la réalité nous invite à réfléchir aux droits réels de tous — y compris et surtout de ceux qui n'ont pas d'emploi. On oublie que, historiquement, la loi servait à protéger les plus faibles, alors qu'aujourd'hui la surabondance de lois peut au contraire handicaper les plus fragiles. Il faut donc redonner de la place au contrat. C'est vrai pour le droit au travail comme pour le logement. Au-delà de la réduction de l'incertitude, la clé de la relance, en France, est de libérer les énergies pour créer de l'activité. C'est cela que veut faire le gouvernement en incitant certaines professions à se réformer. C'est la priorité qu'il faut aussi défendre pour le logement : moins de normes, de contraintes, plus d'initiatives. Il faut revisiter le logiciel politique classique pour libérer l'initiative et l'esprit d'entreprise. C'est également la conviction forte du président". Tout est dit. Est-ce bien, est-ce mal ? Sorti de la bouche d'un ministre "socialiste", ce discours est en tout cas une révolution.

"Il n'y a pas d'autre alternative"... que de liquider l'idéologie socialiste ?

"Où est passée la gauche ?" s'interrogent symptomatiquement "Les Inrocks". "C'est le paradoxe de la mandature de François Hollande : celle de la disparition pure et simple de l'offensive politique de gauche promise pendant sa campagne, constate le mag. "Le PS imite la droite qui imite l'extrême droite, expliquait le sociologue Eric Fassin dans "Les Inrocks" (du 14 mai). Le PS encourage la droite à se droitiser. En ce sens, la droitisation du PS contribue fortement à la droitisation dans son ensemble". Ce qui pourrait expliquer cet autre paradoxe : le recentrage du PS ne profite pas aux autres partis de gauche. Le NPA a quasiment disparu depuis qu'Olivier Besancenot a décidé de prendre du recul. Le Front de gauche est bien mal en point depuis l'échec de sa stratégie aux dernières élections. Le camp écolo aborde la rentrée affaibli et divisé : Jean-Vincent Placé veut rassembler jusqu'au centre tandis que Cécile Duflot veut se positionner en rassembleuse des déçus de François Hollande. (...) "Le "il n'y a pas d'autre alternative" de Manuel Valls sonne comme le ("There is no alternative") de Margaret Thatcher, estime Rémi Lefebvre, chercheur spécialiste du PS et proche de son aile gauche. Le discours sur la compétitivité et la rentabilité n'est pas neuf, il y a eu le célèbre tournant de la rigueur de 1983". Il ajoute : "Le grand changement est que cette politique est aujourd'hui assumée, théorisée. La liquidation idéologique du socialisme traditionnel est évidente, mais le plus étonnant est la vitesse du phénomène d'alignement, de normalisation idéologique du PS sur le standard "social-libéral" européen. Comme si François Hollande voulait rattraper les quinze ans qui le séparent de l'Anglais Tony Blair et de l'Allemand Gerhard Schröder".

L'absence de renouvellement idéologique, là est le plus grand danger

"Assumée", donc, "théorisée", même, la liquidation du socialisme traditionnel par le gouvernement... Reste à en mesurer toutes les conséquences. "Si pour le duo Valls-Hollande, la mort de la gauche signifie son élimination dès le premier tour en 2017, c'est d'un autre danger qu'elle devrait se méfier, préviennent "Les Inrocks" : celui d'une absence de renouvellement idéologique. Selon Thierry Pech (directeur du think tank Terra Nova) : "Le monde qui vient lui est potentiellement assez hostile. On aura certainement dans les décennies à venir des taux de croissance faibles. Le logiciel social-démocrate classique est productiviste et redistributeur. Pour lui, la croissance est le synonyme en économie du progrès en politique. Mais quand il n'y a plus autant à partager, une croissance très faible, c'est quoi le progrès ? (...)". Hé oui : c'est quoi ?

Alain Juppé : la pierre dans le jardin de Nicolas

Avec tout ce ramdam, on a limite failli passer à côté d'une info essentielle : Alain Juppé se présente à la primaire de l'UMP. Il a "immédiatement reçu le soutien d'un autre revenant politique de premier plan, qui fut par ailleurs son collègue au gouvernement jusqu'en 1997, François Bayrou, observent "Les Inrocks". Alain Juppé "peut être un atout pour le pays" a exulté avec fougue et au nom de tous les électeurs centristes du MoDem, dans "un appel du pied à peine masqué", comme disent les journalistes du "Figaro" (...) Le fait témoigne du paradoxe français : malgré un passé mouvementé avec le peuple, Alain Juppé est l'homme politique le plus populaire du pays. (...) il est crédité de 74 % d'opinions positives chez les sympathisants de droite, qui voteront pour les primaires (sondage CSA du 7 août). Ce qui est plus que Nicolas Sarkozy, qu'il devance de 5 points. Même à gauche, Alain Juppé bat des records : avec 41 % d'opinions positives, il est la personnalité la plus aimée (...) à des kilomètres de l'ancien président de la République (14 %) Pis, il lui est préféré en cas de second tour face à Marine Le Pen, François Hollande étant d'ores et déjà hors jeu. Pour Nicolas Sarkozy, le duel s'annonce difficile, la tendance n'est pas prête de s'inverser, et le fait même que l'annonce d'Alain Juppé bouscule son calendrier de retour risque de rendre le maire de Bordeaux encore plus sympathique aux yeux de ceux qui détestent l'ancien président de la République. Et ils sont nombreux".

Juppé ou "ce que l'opposition a fait de mieux"

La partie est-elle pour autant gagnée pour Alain Juppé ? Ah, que non ! C'est qu'il ne faudrait quand même pas oublier "le passé" de l'ancien Premier ministre... Comme le rappellent "Les Inrocks", "son passage à Matignon est à inscrire au panthéon du pire de la Ve République, avec ce "plan Juppé" qui provoqua à l'époque la plus grande crise sociale depuis Mai 68. Quant à son casier judiciaire... Les quatorze mois de prison avec sursis dans l'affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris font quelque peu tache sur le C.V. d'un prétendant à l'Elysée". Est-ce à dire que c'est foutu ? Pas forcément, d'après le magazine. "La fidélité du bouc émissaire Alain Juppé à l'égard de Jacques Chirac impose le respect, à une époque où la trahison est érigée en vertu, remarque le journal. Surtout, Alain Juppé est celui qui a payé sa dette, et même au-delà, l'humiliation et l'année d'exil au Québec en plus. Son retrait, subi, le "meilleur d'entre nous" l'a transformé en tremplin, en sagesse, ce que l'opposition a fait de mieux depuis la fourberie de Jean-François Copé, la morosité de Jean-Luc Mélenchon et le conformisme de Marine Le Pen". Si "Les Inrocks" le disent...

Sarkozy : "La primaire, on s'en fout ! Juppé est à côté de la plaque..."

Une vraie menace pour Sarkozy, Juppé ? Dans "Le Point", l'ancien président s'esclaffe : ""Pauvre Alain ! Il s'est déclaré six jours trop tôt. Sinon, c'est à la présidence de l'UMP qu'il se serait porté candidat. Maintenant que la rupture est consommée entre la gauche Hollande et la gauche Montebourg, je ne donne pas longtemps à Hollande avant de dissoudre l'Assemblée. Ensuite, tout sera dans les mains du président de l'UMP : soit accepter de devenir un Premier ministre de cohabitation, soit refuser, bloquer le système et contraindre Hollande à partir avant la fin de son mandat... La primaire, on s'en fout ! Juppé est à côté de la plaque..." Tel est le raisonnement que tint Nicolas Sarkozy devant l'un de ses proches, sitôt après la démission du gouvernement Valls. Ô condescendance ! s'exclame l'hebdo. On ne saurait mieux tenter de minimiser la déclaration de guerre postée par Alain Juppé sur son Blog-notes, le 20 août au petit matin : "J'ai décidé d'être candidat, le moment venu, aux primaires de l'avenir"".

Juppé, "sauveur de la France" pour 50 % des Français

"Le Point" le souligne en effet : Nicolas Sarkozy "a bien compris que le blog de Juppé avait pour vocation, avant toute autre chose, de lui imposer une primaire. Ce qui réjouit le député de la Drôme Hervé Mariton, lui-même candidat déclaré : "Cela rend plus compliqué le coup d'Etat"". Comme le fait observer "Challenges" de son côté, il est "difficile pour l'ancien président d'être candidat à la tête de l'UMP si c'est juste pour organiser une primaire qu'il voudrait zapper. D'autant que, selon les statuts, s'il veut être candidat à la présidentielle, il devra démissionner de la présidence du parti !" Pas gagné... Histoire de parachever le tableau, "Le Point" fait paraître ce jeudi un sondage Ipsos d'où il ressort qu'Alain Juppé est la personnalité en qui les Français ont le plus confiance "pour sortir la France de la crise économique". 50 % d'entre eux l'ont choisi... contre 40 % seulement pour Nicolas Sarkozy.

Mélenchon requinqué

On se demandait où il était passé, "Les Inrocks" l'ont retrouvé... et longuement interviewé. Mais qu'a donc à nous dire Jean-Luc Mélenchon ? "J'ai passé l'été au bord de l'Aveyron, dans un moulin du XIIe siècle, glisse-t-il, l'air de rien, en préambule. J'observais quotidiennement la rivière. Deux jours après un orage, le niveau de l'eau montait. J'ai aimé ce décalage entre l'amont et l'aval, j'y ai vu comme une allégorie de ce que je vivais. Je me disais, l'eau est basse mais l'orage débute à l'horizon". Toujours ce talent pour les formules choc et fines, hmmm, Jean-Luc ? Puisqu'on y est, en voici une autre, à propos du FN, cette fois : "L'aveuglement des politiciens fait le lit du FN, dit-il. Ils ont cru avoir domestiqué le chien mais le chien est monté sur la table. Il mange désormais dans leur assiette". Ah, ça a de la gueule... Une dernière, sur Hollande ? " (...) je suis surpris, remarque Mélenchon, que quelqu'un qui a passé autant de temps à la tête d'un grand parti soit si peu visionnaire au moment où les événements du monde se précipitent. Il ne cherche pas de voie alternative parce qu'il n'a pas d'idées. Mais il aurait fait un bon président du comité des fêtes de Tulle". Et schlaaaaa ! Ah, il l'a pas loupé, François... Ceci dit, si on peut se permettre, ça va pas si fort du côté du Parti de gauche... Il en tire quelle leçon, Jean-Luc ? Il se remet un peu en question... ou pas ?

Mélenchon : adieu, le Parti de gauche, en marche pour la VIe !

Pas vraiment. A la question sur "les causes de son échec", Mélenchon répond aux "Inrocks" que "la question de l'indépendance du Front de gauche vis-à-vis du PS et l'ancrage populaire est le fond de l'affaire. Le PC n'a pas partagé la ligne du Parti de gauche qui refuse de s'associer à un système en train de s'effondrer. Nous avons été rendus illisibles". "Nous avons été rendus"... autrement dit, "c'est pas de notre faute — pas de la mienne". En même temps qu'il ne fait pas son mea culpa, Jean-Luc Mélenchon annonce — roulement de tambour — qu'il "voudrai(t) rendre (s)es responsabilités actuelles à la tête du Parti de gauche. Je souhaite faire naître un mouvement pour la VIe République et mener la lutte pour une assemblée constituante, prévient-il. Ma tâche sera celle d'un éclaireur et d'un déclencheur". —"Vous ne serez donc plus la figure de proue du Front de gauche ?" s'enquiert le mag. —"Les circonstances trancheront, répond-il. Un mois après avoir fait un mauvais score aux européennes, un sondage me donnait comme le meilleur représentant des valeurs de gauche. Je suis déjà député européen, je suis sans cesse sollicité par ceux pour qui j'incarne la gauche un peu tout seul. Mais ces cinq dernières années politiques ont été dévorantes et chronophages. En temps voulu, je reprendrai le clairon de combat. Mais je veux faire le tour du pays avec autre chose que des meetings, je veux passer du temps avec les gens plutôt qu'en donner en courant". Histoire de ne pas en perdre trop, tout de même, Mélenchon s'est, dès dimanche dernier, dans le cadre du "Remue-Méninges" du Parti de gauche qui se tenait à Grenoble, dégagé de ses obligations à la présidence du parti. "Politis" nous l'apprend en effet : "Le bureau national a voté à l'unanimité la fin de la coprésidence qu'exerçaient Jean-Luc Mélenchon et Martine Billard. Ils ne seront pas remplacés, un secrétariat national d'une vingtaine de membres assumant la direction au quotidien".

Mélenchon, ou la gauche à lui tout seul

Mélenchon serait-il le "dernier homme de gauche" ? "Quand on me dit qu'il faut rassembler la gauche, je ne comprends pas, appuie-t-il. Je n'ai pas envie de me "rassembler" avec Valls et Hollande. Je ne ferai jamais la danse du ventre devant des gens qui ne pensent qu'à nous instrumentaliser. Il faut que les dirigeants communistes le comprennent : le Parti socialiste tel qu'on l'a connu n'existe plus, il ne reste que son ombre portée. Stratégiquement, je pensais qu'il fallait disputer le leadership de la gauche. En fait, le système n'a pas peur de la gauche, il a peur du peuple. Il faut aller au bout du ton, du style, du programme qui est capable de fédérer le peuple donc surtout des gens qui sont loin de nous au départ. Nous n'avons pas à régler les problèmes de la gauche mais ceux de notre époque". La messe est dite. Sur ce, bonne semaine, les goulus de l'info !

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