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Comment fonctionne l’internet fantôme ?
Comment fonctionne l’internet fantôme ?
©Reuters

Réseau parallèle

Un internet 1 000 fois plus rapide que le vôtre, vous vous dites que c'est impossible ? Eh bien si ! Pour traiter des sommes astronomiques de données, des organismes tels que la NASA disposent de réseaux dont la rapidité est proche de la fiction. De quoi laisser rêveur pour l'avenir.

Michel Nesterenko

Michel Nesterenko

Directeur de recherche au Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R).

Spécialiste du cyberterrorisme et de la sécurité aérienne. Après une carrière passée dans plusieurs grandes entreprises du transport aérien, il devient consultant et expert dans le domaine des infrastructures et de la sécurité.

 

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Stéphane Bortzmeyer

Stéphane Bortzmeyer

Stéphane Bortzmeyer est ingénieur R&D à l'AFNIC (Association Française pour le Nommage Internet en Coopération, registre des noms de domaines en .FR). Avant l'AFNIC, il a travaillé chez des acteurs Internet très divers, de la web agency au centre de recherche. Il tient un blog sur les réseaux, l'informatique, les normes : voir ici.

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Atlantico : La NASA utilise un réseau alternatif avec une rapidité qui frôle la science fiction (1000 fois plus rapide que les connexions à domicile). Pourquoi l'Etat américain utilise-t-il ce réseau "de l'ombre" ?

Stephane Bortzmeyer : Il n'a rien "d'alternatif". L'Internet a toujours été une fédération de réseaux différents, aux caractéristiques très diverses. Rien à voir avec les anciens réseaux téléphoniques centralisés : chacun crée son réseau et le connecte ensuite à l'Internet.

Beaucoup de ces réseaux disposent de lignes à grande capacité. Le réseau des universités françaises, Renater, est moins rapide (sauf erreur, du 10 Gb/s sur les liens internes) mais le reste bien plus que celui de M. Toutlemonde.

Le site officiel d'ESnet est <http://www.es.net/>

Michel Nesterenko : Ce nouveau réseau appelé ESnet, lancé en 2013, a pour but de connecter 40 Laboratoires de recherche américains dépendant du Ministère de l'énergie avec quelque 140 Universités et centre de recherche civils. Accessoirement, ou non, ce réseau décuple les moyens de recherche et les communications militaires y compris la masse énorme des informations collectée par la NSA sur toute la planète. Il est utile de rappeler que l'Internet que nous connaissons a commencé de cette manière dès 1965.

Aujourd'hui ESnet est principalement utilisé pour connecter les Super-Ordinateurs dans la recherche sur le Climat, la Physique des Hautes Energies et sur l'Énergie.

Comment fonctionne-t-il ? Qu'est-ce qui permet une telle vitesse de transfert ?

Stephane Bortzmeyer : Les fibres optiques elles-mêmes peuvent faire passer bien plus (elles comportent plusieurs canaux, et on dépasse largement aujourd'hui les dizaines de Tb/s). Le facteur limitant se situe dans les équipements intermédiaires, notamment les routeurs. Les interfaces réseaux de ces derniers sont souvent limitées actuellement à 10 Gb/s. Pour atteindre des capacités analogues à celles d'ESnet, il faut des connecteurs non-standard mais qui ne sont pas de la science-fiction. Ou bien avoir plusieurs liens parallèles et envoyer le trafic simultanément sur tous ces liens.

Michel Nesterenko : ESnet fonctionne sur un principe très similaire à internet bien que 10 fois plus rapide en utilisant le protocole IPv6. A terme la vitesse sera 44 fois plus rapide. Toutes les nodes du réseau ont été remplacées par les toutes dernières technologies et les pare-feux jugés trop lents sont remplacés par des routeurs sécurisés. La cryptographie PGP est recommandée pour les données sensibles.

Ce réseau appelé "ESnet" est favorisé pour la recherche scientifique afin que les échanges de données soient plus efficaces. En quoi la vitesse de transfert peut-elle représenter un avantage significatif ? Effacer la limite géographique, est ce la seule raison valable ?

Stephane Bortzmeyer : La recherche en physique des hautes énergies (et les domaines proches comme l'astrophysique) a des besoins quand même particuliers : les données sont produites dans un petit nombre d'endroits (par exemple, là où se trouvent les accélérateurs de particules) alors que les chercheurs se trouvent partout dans le monde. D'où la nécessité de faire bouger de grandes quantités de données.

Michel Nesterenko : Ce réseau est parfaitement dimensionné pour tirer la quintessence des Super-Ordinateurs du gouvernement américain, pour traiter en temps réel une masse de données inimaginable. La grande vitesse a aussi une utilité pour traiter les images et gérer la masse de données générées, en temps réel, sur les champs de bataille, à l'autre bout de la planète, par les drones et autres capteurs. Ces données étant transmises en temps réel aux tireurs chargés de détruire les cibles.

La science est-elle le seul domaine pour qui ce réseau caché est intéressant ? Qu'en est-il des autres secteurs ? 

Michel Nesterenko : En plus de la science, le domaine militaire et la gestion du champ de bataille, aujourd'hui, est un grand  consommateur de bande passante et  de traitement de données à grande capacité et à grande vitesse.

Pourquoi cette technologie n'est pas encore accessible au grand public ? Pourrait-elle le devenir ? Avec quelles conséquences ?

Stephane Bortzmeyer : elle pourrait probablement le devenir. Un ingénieur suédois s'était déjà amusé à connecter sa maman à 40 Gb/s en 2007. Conséquence ? Les vidéos de chatons adorables sur YouTube arriveront plus vite.

Michel Nesterenko : Hors la recherche de pointe, le domaine civil ne dispose pas des ordinateurs capables d'utiliser, ni la vitesse, ni la capacité de traiter une si grande quantité de données. Quelle utilité, dans le domaine civil, aurait-on de traiter 1000 plus de données en 10 fois moins de temps, sauf peut-être si ce n'est pour les jeux vidéo et la réalité artificielle en 3D ? En ce cas, toute une génération de jeux vidéo 3D sortirait, avec des avatars par milliers, dans un environnement quasi réel. Mais à quel prix ?

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