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Même quand la France essaye de décentraliser, elle centralise
©Reuters

Le Nettoyeur

La régionalisation est un chantier très complexe qui va précisément dans le sens inverse qui est celui de l'Histoire : au lieu de rapprocher les lieux de décisions des Français, elle les en éloigne.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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Les auteurs de ce quinquennat ont donc décidé qu'ils auraient deux grandes réformes. La première : le mélange étrange d'austérité et du pacte de responsabilité, c'est-à-dire une baisse des charges sociales (dont l'impact sur l'emploi sera rendu nul par la politique d'austérité). La seconde, une nouvelle vague de décentralisation.

Que dire ?

Tout d'abord, il est significatif qu'aucune de ces deux politiques n'aura d'impact sur l'emploi, qui est la première préoccupation des français ; la politique d'austérité est délétère pour le pouvoir d'achat des Français, qui est leur deuxième préoccupation. A une époque où le pays est non seulement en crise économique, mais en crise politique profonde de confiance en ses élites et ses dirigeants, il est frappant de constater cela.

Mais sur la régionalisation, il y a beaucoup de choses à dire.

La première, que personne ne signale, est qu'il s'agira d'un chaos énorme. Fusionner de grandes organisations n'est pas une pratique simple. En théorie c'est simple, et en pratique c'est très compliqué, car il s'agit de fusionner non seulement des structures juridiques mais énormément de cultures et de processus non écrits qui font la vie des organisations. Même dans le monde de l'entreprise, où la flexibilité est beaucoup plus important et le leadership souvent plus fort, la plupart des fusions échouent. Dans le domaine du service public, surtout en France, le bilan est souvent désastreux. Par exemple, de nombreuses années après sa création après amalgamation de nombreuses autres structures, le RSI continue à ne pas fonctionner. De même avec Pôle emploi. En pratique, on constate souvent que les fusions censées créer plus d'efficacité et d'économies ont l'effet quasiment inverse. Encore une fois, c'est même souvent le cas dans le secteur privé. C'est sans doute à cause de cela, que les théories nient mais que le bon sens indique, que les Français sont très dubitatifs face aux idées de fusions de collectivités, comme on l'a vu avec le référendum de fusion des collectivités en Alsace, appuyé par toutes les formations politiques et rejeté par les alsaciens.

La deuxième est que cette régionalisation va précisément dans le sens inverse qui est celui de l'histoire : au lieu de rapprocher les lieux de décisions des Français, elle les en éloigne. Elle remonte les compétences des départements aux régions, et elle fusionne les régions. A noter que c'est aller à l'encontre de la tradition et de l'histoire de la Nation française, qui s'est justement construite en opposition au fédéralisme ou quasi-fédéralisme qui est la règle chez nos voisins.

Mais c'est surtout un symptôme de cette fascination si française et si étrange pour la centralisation, le dirigisme, et le colbertisme. Lorsque la décentralisation a été entreprise il y a déjà plus de 30 ans avec les lois Defferre, l'objectif était bien de... décentraliser. Après ces lois tout le monde s'est rendu compte que le travail n'était pas fini et qu'il fallait le continuer et chacun a donné ses propositions. Mais presque toutes ces propositions reviennent à une nouvelle centralisation. Le génie français : même lorsqu'on essaye de décentraliser, on recentralise. La vertu de la décentralisation c'était de tenter de saper le syndrome de Paris et du désert français, le syndrome d'un pays où rien ne peut se faire sans décision central. Mais au lieu de guérir le syndrome, on l'aggrave en créant une douzaine de mini-Paris.

La décentralisation qui va à la fois dans le sens de la culture et de la nation française, et dans le sens de l'avenir, c'est une décentralisation qui au contraire supprime les régions et renforce au contraire deux échelons primordiaux : l'agglomération, d'abord, parce que le 21ème siècle sera urbain, et le département, ensuite (avec coopération entre les départements si besoin est), parce que c'est l'échelon le plus historique et le plus proche des français.

La réforme proposée va précisément dans le sens inverse.

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