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Les Bienveillantes médiatiques
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Revue de presse des hebdos

Les hebdos attrapent des sueurs froides en contemplant leur reflet déformé dans la chute du "News of the World", le plus trash des tabloïds anglais. Ciel, se peut-il qu’un jour la presse française ressemble à ce torchon !?

Tristane Banon, que vous pouvez voir partout cette semaine dans Le Point, VSD ou Paris Match, s’est fait tout juste tatouer sur le bras cette devise : « Ne jamais fuir, poursuivre ». Ces mots en disent long sur la pugnacité de celle qui est déterminée à porter plainte contre DSK. « Maintenant, je n’ai plus peur ! Je veux être droite dans mes bottes ! », s’exclame-t-elle dans les pages du Point. Mais une chose est sûre : la poursuivante est poursuivie. Par les médias, qui cette semaine, ne sont pas beaux à voir. C’est le cadavre encore chaud du News of the World, que les hebdos tâtent du doigt, fascinés et un peu inquiets. Ce sont ces « chiens » à qui Anne Sinclair ne voulait rien lâcher au pire moment de l’affaire DSK, dixit Le Point. Ce sont les journalistes à la suite de Martine Aubry, qui traquent la candidate « empêchée » de faire campagne, la candidate de « substitution », peut-on lire dans VSD, tout comme cette plainte de la première secrétaire du PS : « ces caméras, ces appareils, « ça m’empêche de voir les gens. Une fois, ils se sont même battus » ».

Le parrain Murdoch

A observer cette presse-là, qui chasse, pourchasse, est avide et déloyale, on croirait les Bienveillantes dans une tragédie grecque. Vous voulez du frisson ? Voyez plutôt comment sont dépeintes les activités de Rupert Murdoch, patron de feu News of the World dans un article de l’Independant traduit par le Courrier international : « La société de Murdoch, le groupe de médias News International, viole régulièrement la vie privée des citoyens en les mettant sur écoutes téléphoniques, corrompt la police en lui versant d’importants pots de vin et compromet l’équité des procès en publiant des articles qui ont toutes chances d’influencer les jurys. ». La mort de News of the World, qui a ébranlé l’empire du tycoon, est l’occasion pour les hebdos de décortiquer le système Murdoch et de se faire quelques frayeurs. Car à côté du magnat australien, Citizen Kane est un enfant de chœur. L’Express analyse son influence en Grande Bretagne. Toute la classe politique, sans exception, est allée faire obédience au roi Murdoch, ravalant orgueil et conviction : « Le sémillant Tony [Blair] fait une cour empressée au tycoon conservateur, europhobe, qui s’enorgueillit d’avoir naguère cassé les reins des syndicats de la presse londonienne », lit-on sous la plume de Pierre Gastineau. Et que dire de David Cameron, qui est allé jusqu’à engager l’ancien patron de News of the World comme directeur de la communication du parti Tory puis au 10, Downing Street ? Dans L’Express, toujours, on frémit en lisant la remarque d’un ancien ministre de Gordon Brown : « Nous recherchons leurs faveurs. Notre vie et notre mort politique dépendent de ce qu’ils écrivent et montrent ».

La guerre est déclarée

Face aux Bienveillantes médiatiques, certains se soumettent. D’autres résistent. Comme Martine Aubry, qui ne s’est pas débinée devant les diffamateurs. Dans son édito du Nouvel Observateur, Laurent Joffrin loue son attitude : « [Elle] a cent fois raison. En attaquant de front les rumeurs qui courent sur elle et son mari, elle ne s’est pas seulement défendue avec courage. Elle a fait preuve de salubrité publique. ». Cette semaine, les journalistes sont également béats d’admiration devant la force d’Anne Sinclair. Anna Cabana, dans Le Point, en perdrait presque son latin – on écarquille un peu les yeux quand elle parle de « grande mythologie » pour parler de l’affaire DSK – mais qu’importe, lisez plutôt ce qu’elle dit de Mme Strauss-Kahn : « En ce moment, il faut l’entendre enrager contre la « lâcheté de la presse » (…) Qu’on se le dise : cette femme qui aura 63 ans le 15 juillet ne se vit pas en héroïne de tragédie grecque. Plutôt en résistante ». Pour VSD, Antigone-Anne Sinclair prépare rien de moins que sa vengeance. Christophe Gautier écrit : « D’après [une] amie proche, « Anne a déjà amorcé la purge ». Seraient visés « les journalistes, les commentateurs et autres éditorialistes qui ont péroré sur les frasques de son époux ».

Tyrannique transparence

Paris Match apporte quelque nuance à ce portrait d’une Antigone vengeresse : « Elle n’est pas en train, comme certains l’ont affirmé, de dresser une liste noire de ceux qui les ont sinon trahis, du moins déçus ». Elle veut simplement éloigner le cauchemar, la main dans celle de Dominique, conclut l’article. Et là, soudain, on respire. Si les journalistes parviennent à parfumer d’eau de rose le triste fait divers du Sofitel, c’est qu’ils ne sont pas si pourris que ça, nos médias ? Et qu’ils sont encore loin d’atteindre le niveau de News of the World, n’est-ce pas ? Hum, hum, rien de moins sûr… Et on aurait presque la trouille à lire Laurent Joffrin très en verve contre la tyrannie de la rumeur et de la transparence dans le Nouvel Obs : « L’adoption en France du principe de transparence de la vie privée aboutirait au développement d’une presse ultrasordide et ultrarentable. Veut-on que la vie personnelle des responsables politiques, ou bien celle des familles de victimes, soit désormais espionnée à l’aide d’écoutes téléphoniques, de pièges tendus par des journalistes déguisant leur identité ou d’enveloppes de billets remises à des délateurs intéressés ? ».

Astrid Eliard

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