2012 : dans la tête des classes populaires<!-- --> | Atlantico.fr
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Les classes populaires se détourneront-elles de Nicolas Sarkozy en 2012 ?
Les classes populaires se détourneront-elles de Nicolas Sarkozy en 2012 ?
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« Politico Scanner »

Cet été, retrouvez les meilleurs "Politico scanner" de ces derniers mois. Retour aujourd'hui sur les classes populaires qui, historiquement acquises à la gauche, ont pourtant soutenu en majorité Nicolas Sarkozy en 2007. Reste à savoir, dans le contexte actuel de désillusion politique, ce qu'elles feront en 2012. État des lieux et d’esprit.

Guillaume Peltier

Guillaume Peltier

Guillaume Peltier est député de Loir-et-Cher et vice-président délégué des Républicains. Il a été professeur d'histoire-géographie, chef d'entreprise et porte-parole de Nicolas Sarkozy.

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Les classes populaires. A chaque élection, elles deviennent le cœur de cible des candidats en campagne. Longtemps, elles n’ont pas eu de secret pour les analystes. Pas de suspens, le « vote de classe » fonctionnait. Les classes populaires votaient à gauche, elles étaient acquises largement et historiquement à la Section française de l’Internationale ouvrière puis au Parti socialiste. Jusqu’à un certain… Nicolas Sarkozy. En effet, pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, les classes populaires – 52 % des ouvriers et 55 % des employés – ont majoritairement accordé leur confiance au candidat de l’UMP en 2007. Rebelote aux législatives qui suivirent où seulement 42 % des ouvriers choisirent un candidat de gauche. Si l’affaire n’a pas fait grand bruit, c’est que le décrochage s’est fait lentement, mais sûrement. Ainsi comme le souligne Pascal Perrineau, directeur du Cevipof, « depuis bientôt vingt ans, la gauche n’a cessé de décliner en milieu ouvrier : depuis les législatives de 1993, la gauche a été régulièrement minoritaire en milieu ouvrier (sauf en 1997), elle n’a rassemblé qu’une courte majorité de suffrages au second tour de 1995 pour devenir minoritaire en 2007 ». Qu’en est-il à un an de la présidentielle de 2012 ? État des lieux et d’esprit des classes populaires.

De la souveraineté et du volontarisme         

Le graphique ci-dessous est éloquent. Le clivage entre les catégories sociales qui adhérent aux différentes opinions testées s’y lit facilement et à degrés différents.

D’abord un certain consensus se dessine autour de l’idée selon laquelle « aujourd’hui, ce sont principalement les marchés financiers et non plus les États qui dirigent le mondeCe sentiment de perte de la souveraineté nationale au profit de l’économie de marché et du pouvoir financier est partagé par 89 % des Français et le différentiel entre chaque catégorie socio-professionnelle (CSP) est somme toute plutôt étroit, situé entre les 91 % d’adhésion des ouvriers et les 82 % des cadres et professions libérales. L’idée d’une absence de marge de manœuvre, « on n’a plus les manettes » est très largement répandue et les milieux populaires critiquent très massivement et là, beaucoup plus que d’autres milieux, les traités et engagements européens.

Pour autant, malgré cette propension à croire que le pouvoir n’a plus le pouvoir, les Français demeurent dans le même temps adeptes du volontarisme politique, selon la célèbre maxime « quand on veut on peut ». Ce volontarisme politique, remis à l’honneur lors de la campagne de 2007 par Nicolas Sarkozy, et qui a contribué à son succès, est particulièrement prononcé dans les milieux populaires : ils sont 80 % parmi les ouvriers, 74 % parmi les employés, 68 % chez les classes moyennes, et « à peine » 50 % chez les cadres et professions libérales à penser que les gouvernements, comme en France, « pourraient exercer leur pouvoir et reprendre le contrôle mais ils n’osent pas le faire ».

Dans le même ordre d’idées, la question de la dette inquiète très fortement les Français et notamment les milieux populaires, tous y voyant une perte d’autonomie et un piège qui, en se refermant, viendrait obérer les marges du manœuvre du pays. Selon un sondage Ifop pour la Fondation Jean Jaurès (réalisé en décembre 2010), 87 % des Français, et 89 % des CSP se disent inquiets face au déficit public et à la dette de l’Etat. A ce niveau les catégories populaires ne se distinguent pas du reste de la population pour autant qu’on aborde le sujet de la dette différemment, on voit poindre une inquiétude plus forte dans ces milieux. 74 % d’entre eux jugent certain ou probable le fait que la France puisse connaître dans les prochains mois ou les prochaines années la même situation que la Grèce et l’Irlande, cette proportion n’étant « que » de 59 % parmi les CSP+ (15 points d’écarts) et de 63 % (11 points d’écart) dans l’ensemble de la population.   

Enfin, la question d’un retour au franc et d’un abandon de l’euro, qui apparaît chez les décideurs comme une hérésie et une ineptie, est assez partagée dans les milieux populaires et plus encore parmi les ouvriers qui sont un sur deux à souhaiter que l’on sorte de la monnaie unique, contre 11% des cadres supérieurs et des professions libérales.

De l’ordre et de l’autorité

Sur les questions identitaire et sécuritaire, les résultats que l’on peut lire sur les deux derniers items sont clairs : le sentiment d’insécurité est généralisé chez les classes populaires et l’immigration jugée trop importante. Il est par ailleurs intéressant de constater que le fossé sociologique est moins accusé sur « il y a trop d’étrangers » (28 points d’écart entre cadres et ouvriers) que sur « on ne se sent en sécurité nulle part » (39 points d’écart). Ce qui laisse à penser que la notion d’insécurité ne renvoie pas qu’à la délinquance mais à un état d’inquiétude et de fragilité qui semble très répandu dans les milieux populaires. Pour abonder toujours dans ce sens, un ouvrier sur deux est d’accord avec un item similaire testé par le Cevifop, « maintenant, on ne sent plus chez soi comme avant » contre 21 % des cadres et professions libérales.

Pour Jérôme Fourquet, la « dégradation très nette s’est produite en quelques mois seulement à l’automne dernier, entre septembre de l’année dernière et le début de cette année, période également marquée par la progression de Marine Le Pen dans les intentions de vote. L’idée que la situation n’est plus sous contrôle, que les menaces se multiplient et nous assaillent (« on n’est en sécurité nulle part ») se développe fortement, non pas au déclenchement de la crise économique, mais plutôt en fin de crise. »

Dans une étude menée par le Cevipof, l’opinion selon laquelle « de nos jours, les parents n’ont plus aucune autorité », recueille l’approbation largement majoritaire des ouvriers, 63 %, contre moins d’un cadre sur deux, 45 %. Et le désamour des classes populaires à l’égard de « leur » parti historique s’explique en grande partie ici, sur ces questions liées à l’autorité ; autorité réclamée par les classes populaires mais incompatible avec le virage bourgeois pris par le PS, à l’image des autres partis de gauche en Europe. Embourgeoisement lié aux mesures défendues et mises en place, en France par exemple sous le gouvernement Jospin (RTT et 35 heures, Pacs, emplois-jeunes, …) et qui répondaient plus aux attentes et aux valeurs des classes moyennes et de la bourgeoisie qu’à celles des ouvriers. Souvenons-nous par exemple de la campagne de 2002 quand Lionel Jospin ne croyait pas à l’insécurité mais seulement au « sentiment d’insécurité » et avouait plus tard avoir été « naïf» sur la question. Pour Pascal Perrineau : « actuellement, la gauche contemporaine est beaucoup plus travaillée par le libéralisme culturel et les valeurs postmatérialistes et ne parvient plus à intégrer dans son dispositif la demande d’autorité qui sourd des milieux populaires. »

De la demande de protection de l'État

Alors qu’au début de la campagne de la dernière présidentielle, le souhait d’ouverture dominait, le paysage idéologique et psychologique a complètement changé aujourd’hui. Désormais, c’est la demande de protection qui s’impose dans des proportions impressionnantes.

La bascule s’est faite en deux temps : en septembre 2010, l’aspiration à une France plus ouverte a déjà beaucoup perdu de terrain mais on voit que le déclenchement de la crise économique et financière (survenue entre les mesures d’avril 2006 et septembre 2010) a fait progresser la demande de protection mais pas tant que cela : de 31 à 37 % auprès de l’ensemble des Français. C’est là encore dans la dernière période que les choses se sont détériorées très fortement : entre septembre 2010 et mars 2011, l’aspiration à une France qui se protègerait davantage passe de 37 à 59 % en 6 mois seulement. Les bouleversements géopolitiques intervenus durant cette courte période (crise irlandaise entraînant une instabilité accrue sur la zone euro mais aussi et d’abord les révolutions dans les pays arabes) ont très puissamment impacté l’opinion publique française et bien plus nettement que la crise économique et financière.

Dans les milieux ouvriers, le cheminement est le même mais l’influence des événements est différente. En avril 2006, déjà plus fragilisés que le reste de la population, les ouvriers oscillent entre ouverture et protection (36 % dans les deux cas). Le déclenchement de la crise économique et financière va les toucher de plein fouet et la demande de protection va monter en flèche (+ 19 points) et supplanter très nettement la volonté d’ouverture (55 % contre 13 %). L’impact de la crise économique a donc été déterminant dans les milieux populaires qui ont plongé dans la demande de protection très rapidement. La dernière séquence est venue encore amplifier la situation dans ces milieux, mais a eu moins d’effet dans le reste de la population.

Dernière illustration de cette fragilité accrue des milieux populaires au plan économique: 56 % des ouvriers et 53 % des employés déclarent « s’en sortir difficilement» soit 20 points de plus que la moyenne et 33 points de plus que les cadres et professions libérales...

Reste à savoir, dans le contexte actuel d’intense désillusion politique, ce que feront les classes populaires en 2012. Retour aux sources ? Abstention massive ? Vote protestataire ? Le champ des  possibles est vaste et il reste un an de campagne électorale...

Guillaume Peltier pour La Lettre de l'opinion

Jérôme Fourquet pour l'IFOP

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