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Cultivons nos balcons
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Concombres tueurs

Une énième crise alimentaire fait de nous tous des Perette au pot au lait contaminé. Vaches infectées, cochons contagieux, fromages tueurs, et maintenant, concombres empoisonnés. Les blogs regorgent de solutions pour produire et manger autrement : mais sommes-nous prêts à nous fatiguer ?

Le blog des fans de la BDLe concombre masqué, qui n'est strictement pour rien dans la foudroyante crise alimentaire européenne, s'est retrouvé le lundi 30 mai avec un Google Ranking époustouflant, en tête des résultats de la recherche "Concombre" sur Google. C'est l'effet concombre. Même le titre d'un des albums de la collection est d'un à propos grinçant : "Le monde fascinant des problèmes". Mourir ou souffrir pour un concombre bio ou non, élevé dans des serres d'Andalousie, ou pour une tomate marocaine de février, un jour peut-être pour une pomme, comme de nouvelles Blanche-Neige, c'est absurde, révoltant, mais que faire ?


"Pour manger sain, ne mangez rien !" concluait le blog Vive les pestes, le jour de la Fêtes des mères, en plus. La crise du concombre devrait provoquer un afflux de visites vers les blogs de la communauté française du Slowfood, les tenants "d’un nouveau modèle agricole, moins intensif et plus respectueux du vivant, produisant des aliments bons, propres et justes" comme d'habitude. Leur dernière initiative, Slow Fish, prône une pêche respectueuse des réserves piscicoles. Mais depuis le début des blogs, toutes les blogosphères écolos, bio, de jardinage, d'urbanisme, réfléchissent à comment résoudre l'absurdité qu'est le voyage de 2 000 kilomètres d'une tomate. Ils ont testé les premiers des solutions, en chroniquant en ligne leurs expériences, bonnes ou peu concluantes.

Les "locavores"

Le premier mouvement de grande ampleur pour une nourriture "de proximité" a été lancé par  l'expérience de deux Canadiens vivant en ville, Alisa Smith et J.B. MacKinnon. Le premier objectif, à l'époque,  était de maitriser l' "empreinte carbone" pour lutter contre le réchauffement climatique en réduisant les transports des aliments.  Ils ont  inventéThe hundred Miles Diet,consistant à ne manger que de la nourriture élevée ou cultivée dans un rayons de 160 km autour de son lieu de vie. Un succès énorme, décliné en livres, en concours, en prix et distinctions. Pour bien visualiser l'ampleur de la zone d'approvisionnement d'un locavore (nom officiel en français), on peut consulterune carte en ligne. Mais rien n'est simple.

A lire les journaux de borddes expériences sur les blogs (comme ici, en Australie), c'est assez éprouvant au quotidien. Les puristes se demandent s'ils ont droit au sel, qui est hors secteur... Une expérience menée sur un an avec des familles de locavores volontaires aux États-Unis n'a pas été si concluante que ça. Possible, avec quelques efforts, si vous vivez en Provence, en Californie, en Italie, ou dans une région maraichère bénie des dieux. Intenable et déprimant dans les grandes plaines neigeuses, les montagnes, les climats difficiles. Assez tôt dans l'expérience, Il a aussi fallu réintroduire d'urgence deux denrées exotiques à très mauvaise empreinte carbone dans la liste, mais indispensables au moral des troupes : le chocolat et le café. C'est surtout l'idée qui plait : on trouve même aujourd'hui du designrespectant la règle des 160 km.

Urban Farming

Beaucoup plus rassembleur : l'Urban Farming, l'agriculture urbaine, un mouvement qui passionne les villes américaines et du monde entier, jusqu'à faire l'objet d' un reportage photosur Time. Le mouvement n'est pourtant pas né pour calmer nos angoisses de riches, mais la faim les pauvres. A Detroit, en 2005, il s'agissait de récupérer les friches urbaines et industrielles d'une ville ravagée par les crises et de les transformer en potagers pour que les plus pauvres puissent produire leur minimum vital. La vidéo de présentation de Urban farming rappelle que durant la Seconde Guerre mondiale, les parcs, les talus de voies ferrées américains, les bords de route avaient déjà été cultivés en Amérique du Nord et en Grande-Bretagne, et qu'on les appelait alors les Victory gardens, ceux qui assuraient l'indépendance alimentaire de la nation. Rien de nouveaux pour les Français : les jardins ouvriers étaient précurseurs. En une poignée d'année, Londres, Montreal , Seattle, Vancouver, ont formalisé la démarche. Le Urban Farming a un bon blog, CityFarmer qui couvre l'agriculture urbaine tant à Daressalaam qu'à Ottawa. En France, on peut s'initier  sur le blog Jardins et Potagers urbains.

Fermes verticales et balcons de survie

Projet de ferme verticale  de Dan Wood et Amale Andraos, du cabinet Work Architecture Company sur le blog MetroNature

Les architectes adorent. Des projets magnifiques fleurissent partout pour végétaliser et cultiver les gratte-ciels, les autoroutes, les jardins publics ; on commence même à trouver des spécialistes de l'agriculture sur les toits, le sky farming. Mais on oublie du coup que cette agriculture urbaine est toujours une technique de survie. Aux Philippines, la culture sur balcon est encouragée et parfois financée par les communes depuis le début des années 2000 pour venir en aide aux personnes isolées, souvent âgées, et améliorer leur ordinaire grâce à la distribution de quelques légumineuses d'appoint à cultiver en pot. L'initiative s'est renforcée depuis la flambée des prix des denrées alimentaires en Asie, en 2008.

A Shanghai aussi, les potagers en étage  se multiplient. Non pour échapper aux disettes, mais à une folle insécurité alimentaire. Le scandale du lait contaminé Sanlu à la mélamine n'a rien changé. Les crises s'enchainent et se ressemblent : le dernier en date, confirmépar l'Académie chinoise des sciences, est le riz au cadmium et aux métaux lourds. 10 % des récoltes seraient contaminés. Alors, là bas aussi, on s'organise : des fermes urbaines se multiplient à Hangzou.

Ferme urbaine à Hangzou (Chine) - Photo DFC pics sur Flickr.

Les guerilleros du jardinage urbain

Ceux qui n'ont ni balcons, ni grandes convictions peuvent quand même s'amuser en devenant pour un jour un "guérillero du jardinage". L'Anglais Richard Reynolds a fondé il y a déjà 25 ans ce mouvement d'activistes du Guerilla Gardeningpour  faire reverdir les villes de gré ou de force, avec des seed bombs et des seed grenades (bombes et grenades à graines). La recette : préparer chez soi un mélange de graines, de compost et d'argile, l'enfermer dans un sac biodégradable et hop, en passant devant une grille, un lieu moche et qui manque de vert, jeter la bombe verte, ni vu ni connu. Les plus romantiques préfèreront une version florale de la guérilla.

Ceci dit, la mairie de Toronto a un nouveau problème : des administrés lui demandent  maintenant de réviser les vieux décrets pour autoriser l'élevage de poulets et de chèvres en ville.


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